MONDE
Un collage numérique vendu sous forme de jeton non fongible (NFT), réalisé par l’Américain Beeple, a été adjugé, en mars, pour 69 millions de dollars chez Christie’s.
1. La fongibilité
Un NFT, acronyme de Non-Fungible Token, est un jeton numérique, ou un « token », c’est-à-dire un fichier numérique – tweet, clip vidéo, musique, œuvre d’art numérique – doté d’une certaine valeur d’usage, historique ou récréative. Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, a ainsi vendu son premier tweet sous forme de NFT. Les œuvres d’art NFT ne sont donc qu’une catégorie de NFT. Ce jeton a pour particularité d’être non fongible : sa nature, ses caractéristiques propres le rendent unique si bien qu’il ne peut être remplacé ou substitué par un autre jeton. A contrario, un jeton est dit fongible lorsque celui-ci peut être remplacé par un équivalent de même nature. Par exemple, les cryptomonnaies sont des jetons fongibles, de la même manière, un billet de 10 euros vaut n’importe quel autre billet de 10 euros.
2. La blockchain
Ce jeton non fongible est associé à un certificat d’authenticité, semblable à un titre de propriété numérique, théoriquement inviolable grâce à la blockchain dans laquelle il est répertorié. Semblable à une vaste base de données publique, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente et sécurisée, fonctionnant sans organe central de contrôle, c’est-à-dire sans intermédiaire. Elle permet à l’auteur du NFT d’encoder lui-même les caractéristiques propres à sa création, la rendant de facto unique. Les informations contenues dans cette « chaîne de blocs » – transactions, titres de propriété, signature, contrats – sont autant d’éléments protégés par des procédés cryptographiques qui rendent le jeton infalsifiable. L’auteur du NFT a, par exemple, la capacité d’encrypter les modalités et le montant des royalties qu’il souhaite toucher chaque fois que son œuvre est revendue. Une révolution pour le droit de suite.
3. La cryptomonnaie
Non fongibles, les NFT s’achètent au moyen de monnaies numériques, à l’instar de la très populaire « ethereum » (ether) ou du « word assets exchange » (wax) – mais pas ou peu avec du « bitcoin » – sur des plateformes digitales globales telles que MetaMask, CryptoSlam, Super Rare ou OpenSea. Il est donc nécessaire au préalable de passer par une plateforme d’échange acceptant le dollar ou l’euro pour acheter ces cryptomonnaies. Des plateformes comme Nifty Gateway, spécialisée dans l’art numérique, donnent toutefois la possibilité à leurs utilisateurs de régler leurs transactions en dollars. À ce jour, il n’existe aucune plateforme permettant d’acheter directement des NFT en euros.
4. Un paradigme nouveau
La frénésie récente autour des NFT et de l’art cryptographique traduit un paradigme nouveau dans la manière de consommer l’art, de le collectionner avec de potentiels acquéreurs prêts, parfois, à dépenser des millions pour ce qui n’est finalement qu’un lien vers un fichier jpeg, qu’une URL. Car lorsque l’acheteur se porte acquéreur d’un NFT, il n’achète pas l’œuvre mais bien une reproduction de celle-ci, laquelle est située dans la blockchain. N’étant pas détenteur de l’œuvre, il n’en possède pas plus les droits patrimoniaux qui s’y rattachent. Toute idée d’exploitation à des fins commerciales est donc vaine. De même, chacun est libre de se rendre sur le site Web de la plateforme mettant en vente le NFT afin de le contempler et, le cas échant, de copier l’image pour le plaisir.
5. Une bulle spéculative ?
Faut-il finalement considérer les NFT comme le nouvel eldorado des collectionneurs ou ne sont-ils qu’une bulle spéculative de plus ? Le profil et les intérêts financiers de l’adjudicataire du collage numérique vendu 69 millions de dollars [58,5 M€) donnent un début de réponse. Jeune investisseur en cryptomonnaies ayant fait de l’art cryptographique son fonds de commerce, Vignesh Sundaresan, alias Metakovan, est le fondateur de l’un des principaux fonds d’investissement en matière de NFT, Metapurse. En décembre dernier, la société a ainsi acquis pour un montant de 2,2 millions de dollars (1,8 M€) vingt œuvres digitales de Beeple, avant d’en diviser la propriété en jetons numériques, et d’en vendre une partie quelques jours seulement avant la clôture des enchères en ligne chez Christie’s, soit lorsque le jeu de l’offre et de la demande était à son climax.
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Comprendre les NFT
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°564 du 2 avril 2021, avec le titre suivant : Comprendre les NFT