MONDE
Un collage numérique vendue sous forme de NFT, d’un artiste peu connu a été adjugé pour une somme incroyable chez Christie’s.
Du 25 février au 11 mars, Christie’s organisait la vente en ligne d’une œuvre intégralement digitale réalisée par l’artiste américain Beeple, Mike Winkelmann de son vrai nom, connu pour ses création 3D insolites et futuristes.
« Nous sommes à la veille d’un possible changement de paradigme », reconnaît Noah Davis, spécialiste de l’art contemporain et d’après-guerre chez Christie’s, au journal The New York Times.
Intitulée Everydays: The First 5000 Days, l’œuvre est une immense mosaïque colorée composée de 5 000 images de dimensions diverses, créées et publiées par l’artiste tous les jours pendant treize ans et six mois sans discontinuer, lesquelles représentent des sujets extrêmement variés comme des visages, des décors cosmiques et de science-fiction ou encore des paysages abstraits aux tonalités hallucinatoires.
Impalpable en raison de sa nature digitale, Everydays: The First 5000 Days est vendue en lot unique sous la forme de NFT, acronyme de « non fungible token » ou « jeton non fongible », c’est-à-dire un objet virtuel à l’identité, l’authenticité, la traçabilité incontestables et inviolables grâce à la blockchain. Cette technologie a permis à l’artiste d’encoder les caractéristiques de sa création, dont sa signature, de sorte à empêcher toute duplication. Un certificat d’authenticité numérique 2.0 en somme.
Cette avancée technologique, qui s’était déjà illustrée à l’occasion de la mise en vente le 6 mars dernier du premier tweet du PDG de Twitter, s’apprête à révolutionner le droit de suite car si elle rend possible l’authentification de l’œuvre digitale, elle permet simultanément à l’artiste d’encoder des règles pour son utilisation future. Le contrat de Beeple stipule ainsi que l’intéressé touchera une commission chaque fois que d’autres spéculeront sur son travail - en l’occurrence, il récupérera 10 % sur le produit de chaque vente réalisée sur le second marché.
« Les NFT permettent aux artistes d’intégrer un type de contrat avec leurs collectionneurs dans leur travail », explique Ruth Catlow, chercheuse et conservatrice pour le laboratoire d’art décentralisé de Furtherfiel à Londres, au New York Times. « Ces œuvres d’art programmables sont un moyen de créer de nouvelles formes de relations », ajoute-t-elle.
Présentée le 25 février à 100 dollars, l’œuvre digitale culminait déjà à près de 3 millions dollars quatre jours plus tard. Jeudi 11 mars à 16h00, heure de clôture des enchères en ligne, Everydays: The First 5000 Days a été adjugée, frais compris, pour la somme de... 69 346 250 dollars (58 081 645 euros), soit près de 13 800 dollars l’image, preuve supplémentaire de l’engouement nouveau des collectionneurs pour ce pan encore marginal du marché de l’art.
Précurseur en matière de nouvelles technologies, la maison de ventes acceptait pour l’occasion, en plus des modes de paiement classiques, les cryptomonnaies, en l’espèce l’ethereum.
Le 25 octobre 2018, Christie’s s’était déjà illustrée en mettant aux enchères une toile intitulée Portrait du comte Edmond de Belamy, laquelle avait été générée par une intelligence artificielledéveloppée par le collectif Obvious. L’œuvre d’art avait été adjugée à 432 500 dollars (363 650 euros), soit plus de soixante fois l’estimation basse de Christie’s.
Mais un an après, le 15 novembre 2019, le même collectif mettait aux enchères chez Sotheby’s deux nouvelles œuvres : La Baronne de Belamy, issue de la même série que Portrait du compte Edmond de Belamy, ainsi que Katsuwaka of the Dawn Lagon, inspirée des estampes japonaises traditionnelles. Les ventes s’étaient finalement révélées décevantes : la première toile avait été adjugée pour 20 000 dollars (16 800 euros) et 16 250 dollars (13 650 euros) pour la seconde.
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Une œuvre numérique vendue aux enchères 69 millions de dollars
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