MONDE
En neuf mois, le marché des NFT a atteint 3,1 milliards d’euros dont plus de la moitié des ventes sont des vignettes amusantes dessinées par des logiciels.
Le marché des NFT est en train d’exploser. Selon un rapport commandé par la société Hiscox, il aurait atteint 3,5 milliards de dollars (3,1 Md€), fin septembre alors qu’il était encore confidentiel l’année dernière. La communauté artistique a brusquement pris conscience du phénomène lorsqu’une œuvre numérique, accompagnée d’un NFT, de l’artiste Michael Winkelmann alias Beeple, Everydays : The First 5 000 Days [voir ill.] a été adjugée par Christie’s New York 69,3 millions de dollars (61 M€) en mars.
Pour autant, le marché des NFT n’est pas constitué uniquement d’œuvres d’art numériques à l’instar de celle de Beeple. Celles-ci sont mêmes minoritaires, car le marché est occupé pour plus de la moitié par des vignettes numériques, en grande partie générées par des logiciels, dont les plus connues ont pour nom CryptoPunks, CryptoKitties, Bored Ape Yacht Club (BAYC). Les CryptoPunks, par exemple, lancés par deux informaticiens sous l’entité Larva Labs sont une collection de 10 000 dessins de visages pixélisés à la manière des anciennes consoles de jeux, chaque visage étant certifié différent des autres, certains étant plus caractérisés et plus comiques que d’autres. Ces vignettes accompagnées de leur certificat NFT s’achètent et se vendent sur la plateforme de Larva Labs et tout le monde peut suivre les transactions.
Chaque jour, il s’échange, comme les enfants s’échangeaient dans la cour de l’école des vignettes Panini de joueurs de football, une trentaine de vignettes Punk. Mais ici échanges ne sont pas gratuits, les transactions sont chères, très chères. Le Punk #3100 a ainsi été vendu 4 200 ethereum, soit 7,6 millions de dollars [!] en mars dernier. Et au moment où cet article a été écrit, l’acheteur « nft618.eth » – c’est son pseudo – a vendu à « vault.punksotc » le Punk 64444 (un Punk barbu) pour la somme de 100 ethereum, soit 425 190 dollars, lequel « vault.punksotc » l’a immédiatement remis en vente au prix de 114,95 ethereum, soit 488 756 dollars et une augmentation de 15 % en quelques minutes…
Ces visages Punks et autres dessins de singes (BAYC) sont-ils des œuvres d’art ? C’est ce que veulent croire les maisons de ventes qui se sont engouffrées dans ce marché et ont mis aux enchères certaines de ces vignettes. Sotheby’s a ainsi adjugé en septembre un lot de cent un NFT de dessins de singes anthropomorphisés pour la somme de 21,5 millions d’euros.
Ce mélange des genres entre œuvres d’art numériques et vignettes, plateformes de ventes de NFT et grandes maisons de ventes contribue à brouiller les repères habituels du marché de l’art. Et ce n’est qu’un début, Art Basel Miami ouvrira, dans son édition de décembre prochain, un espace de présentation d’œuvres d’art numériques certifiées par un NFT. Les galeries classiques regardent ce nouveau marché avec circonspection. À Paris, la galerie Goldshteyn Saatort qui s’est ouverte récemment rue Verneuil, exposant du street art, présentera maintenant en permanence des œuvres numériques.
Une confusion aussi alimentée par l’arrivée d’acteurs « institutionnels ». Le British Museum et le Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg se sont mis à commercialiser des reproductions numériques d’œuvres physiques de leur collection sous forme de NFT, tandis que l’artiste Damien Hirst a mis en vente 10 000 de ses « spots paintings » (des petits formats) sous forme de NFT.
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Les NFT, un marché hautement spéculatif et nébuleux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : Un marché hautement spéculatif et nébuleux