Pour Morgan Stanley, la bulle des NFT pourrait bientôt éclater

Les 55 000 NFT ou jetons non fongibles vendus par la start-up américaine Yuga Labs le 30 avril dernier pour 303 millions d’euros seraient-ils l’arbre qui cache la forêt ? À en croire de nombreux experts, on aurait en effet tort de se fier à cet épisode exceptionnel pour juger de la bonne santé du marché, l’hypothèse du crash paraissant de plus en plus crédible.

Depuis le mois de novembre, les principales cryptomonnaies sont en chute libre. Elles avaient atteint des niveaux historiques au plus fort de la pandémie de Covid-19, mais la courbe s’est désormais nettement inversée. La plus célèbre d’entre elles, qui est aussi la plus chère, le fameux Bitcoin, a ainsi perdu 35 % de sa valeur depuis le mois d’avril : il s’échangeait encore à 41 902 euros au 1er avril, pour tomber à 27 283 euros au moment où l’on écrit ces lignes. Selon les spécialistes du secteur, les NFT, qui dépendent très largement de l’écosystème des cryptomonnaies, pourraient être les prochains sur la liste.

Pour Sheena Shah, analyste experte en cryptomonnaies, « il devient clair que les prix élevés des cryptomonnaies étaient fondés sur la spéculation, avec très peu de demande pour un usage réel ». Or elle remarque que de nombreux acheteurs de NFT ont également fait l’acquisition d’œuvres de crypto-art avec pour unique projet de les revendre à un prix plus élevé. Si la spéculation est responsable de l’éclatement de la bulle des cryptomonnaies, pourrait-elle aussi entraîner les NFT dans l’abîme ?

C’est l’avis de la banque américaine Morgan Stanley, qui met en garde ses clients dans un long rapport paru le 12 mai. L’institution explique que le déclin significatif du Bitcoin et de l’Ethereum, les deux cryptomonnaies les plus stables du marché, n’est pas imputable au déclin du marché des actions, mais bien à la mécanique de spéculation. Elle recommande aux investisseurs détenant des NFT ou des portions de terrain virtuel dans le métavers de se mettre en alerte : les uns comme les autres ont fait, ces derniers mois, l’objet d’une spéculation similaire. La bulle qu’ils représentent pourrait, elle aussi, venir à éclater.

Le rapport note également que si les cryptomonnaies ont entamé leur chute en novembre, c’est l’effondrement récent, au début du mois de mai, du TerraUSD, la troisième monnaie la plus stable du marché, qui suscite le plus d’inquiétude : cette chute vient confirmer la tendance et laisse le marché sans sécurité ni stabilité, « appelant à une réévaluation large des prix auxquels doivent s’échanger de nombreuses cryptos ».

Parallèlement au déclin des cryptomonnaies, le marché des NFT lui-même semble montrer des signes de faiblesse de plus en plus marqués. Un rapport récent de la société d’analyse Chainalysis observe que celui-ci s’est contracté de manière significative en 2022 après une « croissance explosive » en 2021. Alors que les transactions de NFT représentaient encore 3,9 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) la semaine du 13 février, elles n’atteignaient plus que 964 000 dollars (903 000 euros) la semaine du 13 mars, leur plus bas niveau depuis l’été dernier.

Lorsque Coinbase, l’une des plateformes d’échange de cryptomonnaies les plus populaires, avait annoncé l’automne dernier la création d’une plateforme consacrée aux NFT, des millions d’utilisateurs s’étaient inscrits sur la liste d’attente. Depuis le lancement du projet, le 4 mai, les chiffres semblent attester d’un certain refroidissement : 1 200 possesseurs de NFT seulement ont réalisé 1 013 transactions pour un volume de vente total de 252 000 euros. Sur OpenSea, la principale plateforme d’échange de NFT, les échanges semblent aussi accuser le coup, avec moins de 245 000 utilisateurs en mars, le plus bas niveau depuis juin 2021, contre 546 000 au début de l’année.

Quant à Yuga Labs, depuis sa vente du 30 avril, la jeune société se fait discrète : la cryptomonnaie qu’elle avait lancée à cette occasion, le ApeCoin, a perdu 70 % de sa valeur en un mois et sa célèbre collection de NFT, les singes cartoonesques de la série « Bored Ape Yacht Club », voit sa valeur fondre jour après jour : le Bored Ape le moins cher est ainsi passé de 300 000 euros le 30 avril à 170 000 euros le 23 mai. Le marché serait-il en train de se retourner ?