La quatrième édition de la plus grande conférence mondiale consacrée aux NFT a réuni plus de 15 000 aficionados à New York. On y a moins parlé d’art que d’économie.
New York. C’est un peu l’orchestre du Titanic : leur monde s’effondre, mais ceux-là continuent de faire la fête. « NFT.NYC », la grand-messe annuelle consacrée aux jetons non fongibles, a fait le plein cette année : près de 15 000 collectionneurs, influenceurs, artistes et professionnels du secteur se sont retrouvés à Manhattan du 20 au 23 juin pour trois jours de tables rondes, événements et soirées festives. Ils n’étaient que 500 en 2019. « Avec cet événement, nous avons voulu donner une voix à la communauté », explique Jodee Rich, l’un des cofondateurs de la manifestation, qui n’hésite pas à la qualifier de « Super Bowl des NFT » : avec des prix oscillant entre 600 et 850 dollars (570 et 810 €), les tickets d’entrée sont certes presque aussi chers que les places de la célèbre finale du football américain. Le spectacle, ici, consistait en de très nombreux groupes de discussion animés dans plusieurs endroits de la ville par une armée de 1 500 orateurs venus de tous les horizons du secteur.
Une telle affluence, toutefois, n’est pas sans surprendre. L’édition 2022 de « NFT.NYC » se tient en effet au beau milieu d’une crise sans précédent, baptisée « l’hiver des cryptos » : depuis plusieurs mois, le cours des principales cryptomonnaies qui servent à s’échanger les fameux jetons s’est effondré et le marché des NFT est au plus bas. Depuis avril, le volume des ventes a chuté de 150 % et le prix moyen d’un NFT, de 65 %, selon le site d’analyses CryptoSlam !. Dans les diverses salles de conférences, les participants affichent pourtant un insolent optimisme : « La chute du marché est une très bonne chose », explique par exemple Sach Chandaria, un investisseur qui participe à une table ronde sur le thème de l’« art génératif » (l’une des catégories du crypto-art). « On va se débarrasser de tellement de merdes. Maintenant, place à la créativité ! », harangue-t-il sur scène devant un auditoire conquis.
La cérémonie de remise des « NFT Awards », l’un des points culminants de l’événement, donnait aussi le sentiment d’un secteur en manque de bonnes nouvelles, désireux de tourner son regard vers un avenir nécessairement meilleur : Takashi Murakami, récompensé dans la catégorie « Meilleur artiste traditionnel devenu artiste NFT », a ainsi savouré son triomphe sur Twitter quelques jours seulement après s’y être excusé auprès de ses investisseurs pour l’effondrement des prix de ses collections numériques.
Les nombreuses soirées festives organisées en marge de la manifestation voulaient achever de balayer toute idée que l’état du marché pouvait être de nature à inquiéter les collectionneurs. Yuga Labs, la jeune start-up à l’origine de la série « Bored Ape Yacht Club », celle des désormais célèbres singes cartoonesques, a voulu frapper fort avec son « ApeFest » : à l’occasion d’un concert donné dans le port de New York, gardé par une grande effigie gonflable de « Bored Ape », les rappeurs Snoop Dogg et Eminem y ont dévoilé leurs nouveaux avatars de singe dans un clip musical déjà vu plus de 12 millions de fois sur YouTube. Yuga Labs est pourtant l’entreprise qui a le plus souffert depuis le début de la crise, sa cryptomonnaie (le « ApeCoin ») ayant perdu 65 % de sa valeur en un mois seulement.
Si les questions économiques étaient sur toutes les lèvres, elles ont finalement éclipsé les discussions qui touchent au contenu de ces œuvres numériques : le grand auditorium de l’hôtel Marriott Marquis qui accueillait les conférences sobrement baptisées « Art » a paru désespérément vide tout le long de la manifestation, ne dépassant que rarement les 100 participants sur les 1 000 prévus. L’événement était ailleurs : chez Samsung, Gucci ou la chaîne de télévision pour enfants Nickelodeon qui se lancent dans les NFT. Les tables rondes « Business » sont celles qui ont drainé le plus de monde, autour notamment de l’utilité que les jetons peuvent représenter pour la communication des marques et, bientôt, pour les secteurs de l’immobilier, de l’assurance ou de l’édition. On y a aussi parlé de la manière dont les sociétés qui produisent les collectibles artistiques les plus échangés peuvent elles-mêmes s’ouvrir à d’autres marchés : « On veut en arriver à proposer soit des peluches, soit des jouets ou des vinyles, voire des dessins animés et des jeux vidéo », témoigne, enthousiaste, Evan Luza, l’un des cofondateurs de la série des « Cool Cats ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
« NFT.NYC » : le business avant l’art
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : « NFT.NYC » : le business avant l’art