Ses moines et nonnes de basalte habitent l’espace de la galerie Mennour, engageant le spectateur à une expérience sensorielle.
Paris. Si elle a toujours été protéiforme, l’œuvre d’Ugo Rondinone (né en 1964 à Brunnen, en Suisse) témoigne, depuis ses débuts à l’aube des années 1990, de constantes, notamment le jeu avec les couleurs, le travail des matières, la question du temps, la prise en considération de l’espace, mais aussi un rapport introspectif à la nature. C’est ce que rappelle de façon assez magistrale cette double exposition dans les deux galeries Mennour sises rue du Pont-de-Lodi, où sont déployées quatre séries d’œuvres.
La première, au no 5 de la rue, rassemble dans la salle principale dix sculptures pour lesquelles Rondinone ne fait pas dans la dentelle : réalisées en basalte (et en granit pour les socles), elles pèsent chacune entre 700 kg et une tonne !
Elles sont de taille d’autant plus humaine que, comme l’intitulé de la série l’indique, « Nuns + Monks » (nonnes et moines), elles évoquent ces figures ecclésiastiques, toutes de forme et d’allure différentes puisque Rondinone a laissé ses pierres à l’état brut, mettant juste l’accent sur l’étonnant travail des couleurs, deux pour chaque sculpture, l’une pour la tête, l’autre pour le corps : ainsi une tête jaune sur un corps vert, une tête verte sur un corps blanc, une tête orange sur un corps violet, etc. Non pas comme un cortège d’ombres mais comme une procession chromatique de figures volontairement non genrées, puisque seul le titre de l’œuvre, à l’exemple de green brown monk ou pink grey nun permet de les identifier. L’habit ne fait pas le moine ni la nonne, c’est bien connu !
Leur regroupement est une ode à la vie silencieuse des monastères, ici renforcée par l’environnement immersif voulu par l’artiste qui a fait repeindre les murs d’un ton gris soutane et modifier l’espace pour placer dans un mur une source d’encens, dont l’odeur contribue à l’atmosphère monacale. L’alignement de ces œuvres est aussi un intelligent clin d’œil à la sculpture en pierre plus classique dans une tradition de la statuaire chère à Eugène Dodeigne ou Denis Monfleur. Le rapport au recueillement et au temps est, dans cette même salle, encore augmenté par quatre tondos, lesquels, en verre et fer tels des vitraux, évoquent des horloges sans aiguilles comme si le temps s’était arrêté, définitivement suspendu. Il en est de même avec cette série de petites bougies en bronze dont le bel oxymore de matières ne risque pas de consumer les tonalités flashy.
Enfin, c’est encore le temps et surtout la nature qui sont au centre de quelques très grandes aquarelles sur toile (3 x 4,5 m), dont deux accrochées dos à dos, le verso évoquant la lune et le recto le soleil, à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse puisque, à l’image des sculptures de nonnes et de moines, ils sont peu genrés.
Entre 90 000 euros pour la plus petite sculpture et 500 000 pour le plus grand tableau, la fourchette est large et les prix piquent. Il faut dire que cela fait plus de vingt ans que la carrière de Rondinone a décollé, au début des années 2000, et que depuis 2010 il bénéficie en outre d’une importante reconnaissance institutionnelle. Installé à New York, où il a notamment présenté, en 2013, « Human Nature », une exposition de neuf sculptures monumentales en pierre sur la Rockfeller Plaza, il fait aujourd’hui partie des artistes starifiés.
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Ugo Rondinone en odeur de sainteté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Ugo Rondinone en odeur de sainteté