La 16e édition poursuit la voie de l’internationalisation de la foire d’Abou Dhabi, notamment avec la France. Les transactions peinent à dépasser la barre des 100 000 euros.
Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Organisée du 20 au 24 novembre dernier, Abu Dhabi Art signe sa plus grande édition en nombre d’exposants, avec une centaine de galeries provenant de 31 pays, dont une quarantaine de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) et un tiers du continent européen. La foire continue de cultiver sa singularité, notamment grâce à son double partenariat avec Christie’s et Sotheby’s, qui « font venir leurs propres collectionneurs sur la foire », précise Dyala Nusseibeh. La directrice d’Abu Dhabi Art depuis 2016 confirme par ailleurs que le partenariat avec Sotheby’s est bien « antérieur à la prise de participation [en août 2024] du fonds souverain d’Abou Dhabi » dans la maison de ventes pour un montant de 1 milliard de dollars. À noter également que les deux leaders mondiaux ont récemment annoncé l’ouverture de bureaux à Riyad (Arabie saoudite).
Cette configuration unique s’est démarquée par son ouverture à l’art ancien avec le « Collector’s Salon ». Une nouvelle section qui rassemble huit galeries, pour la plupart habituées de Tefaf [foire d’art et d’antiquités de Maastricht], dont la moitié est spécialisée dans les manuscrits et livres rares. L’orientation d’Abu Dhabi Art vers les musées s’est ainsi intensifiée par rapport à 2023. On y retrouve également la Galerie Ary Jan (Paris), spécialiste de la peinture orientaliste, qui exposait, entre autres, des toiles de Ludwig Deutsch (1855-1935, [voir ill.]), Étienne Dinet (1861-1929) et Jacques Majorelle (1886-1962). Selon Mathias Ary Jan, cette première collaboration vise « à mieux se faire connaître auprès des collectionneurs et des nouvelles institutions qui se créent » dans la région, comme la Fondation d’art Bassam Freiha, spécialisée dans les peintres orientalistes et située à deux pas de la foire.
Abu Dhabi Art a également renforcé son intégration régionale en accueillant pour la première fois trois galeries du Qatar et du Koweït : Wusum (Doha), Bawa (Koweït) et Hunna Art (Koweït), cette dernière a été fondée par la Française Océane Sailly. Les artistes du Golfe sont encore plus présents sur les stands, à l’instar des Saoudiennes Manal Aldowayan chez Sabrina Amrani (Madrid) et Joud Fahmy chez Hunna Art. On observe également le développement de la scène artistique d’Abou Dhabi, alors que Dubaï concentre encore la grande majorité des galeries émiriennes. Le nouveau quartier de MiZa, où Iris Project vient d’ouvrir, vise à étendre l’écosystème des galeries de la ville, sur le modèle d’Alserkal à Dubaï. Cette dynamique est renforcée par la nouvelle biennale « Public Art Abu Dhabi », lancée en parallèle de la foire, avec des artistes comme Kader Attia et Alex Ayed.
L’élargissement concerne aussi Paris : outre Ary Jan, les galeries Almine Rech, Perrotin, Lilia Ben Salah, Mark Hachem, Nil et La La Lande étaient présentes. Continua, seule galerie européenne ayant un espace à Dubaï et participant à la foire, présentait des « Hauts-Reliefs » de Daniel Buren, alors que l’artiste vient d’inaugurer une installation permanente à la gare routière d’Abou Dhabi dans le cadre de la nouvelle biennale. Cette connexion parisienne a été renforcée par la référence à l’exposition « Présences arabes. Art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988 », présentée au Musée d’art moderne de Paris (avril-août 2024). Outre les œuvres d’artistes communs tels Aly Ben Salem, Amal Abdenour, Baya Mahieddine, Chaïbia Talal, Hamed Abdalla, Ibrahim Shahda ou Rachid Koraïchi présentées par diverses galeries, une exposition portant le même titre que celle conçue par Morad Montazami, co-commissaire de « Présences arabes », a été organisée sur la foire à partir d’une cinquantaine d’œuvres issues de la Fondation Farjam (Dubaï). Grand collectionneur d’art d’origine iranienne installé aux Émirats, Farhad Farjam a par ailleurs confié qu’il développait un projet de musée dans le pays pour ses 6 000 œuvres d’art islamique, moderne et contemporain.
Bien que la plupart des exposants habitués de la foire aient noté des transactions plus lentes qu’en 2023, certaines ventes sont notables. Lilia Ben Salah a vendu cinq toiles de l’artiste égyptienne Inji Efflatoun (1924-1989) à des collectionneurs privés et à des institutions, les plus chères étant proposées à 85 000 euros. Perrotin a communiqué sur la vente d’une huile sur bois de Laurent Grasso (né en 1972) pour 85 000 euros. La galerie kó (Lagos, Nigeria) a cédé un total de huit œuvres des artistes nigérians Nike Davies-Okundaye (née en 1951) et Ozioma Onuzulike (né en 1972), à des prix allant jusqu’à 60 000 euros.
Le Sud-Coréen Jae Yong Kim (né en 1973) chez Hakgojae (Séoul) et le Hongkongais Jeremy Fung (né en 1990) chez SC Gallery (Hongkong) ont également attiré l’attention des collectionneurs, avec des ventes cumulées dépassant les 100 000 euros pour chaque artiste. Sur le Collector’s Salon, Peter Harrington (Londres) a reçu un intérêt pour le tapuscrit annoté de 1942 du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, affiché à plus de un million d’euros.
Enfin, Dyala Nusseibeh a précisé que le DCT (Department of Culture and Tourism), qui gère Abu Dhabi Art, ne souhaitait pas commenter les rumeurs d’un rapprochement avec le groupe MCH, non démentie à ce jour et sur toutes les lèvres tout au long de la foire.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les connexions parisiennes d’Abu Dhabi Art 2024
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Les connexions parisiennes d’Abu Dhabi Art 2024