FRANCE
Premières expositions ou saisons dédiées, parcours dans la ville ou interventions dans des monuments historiques : tour de France des plasticiens qu’il ne faut impérativement pas manquer de voir cet été.
Embrun - Diplômée de Sciences-Po et du Fresnoy, Éléonore Saintagnan privilégie une narration filmée mêlant, non sans humour, la réalité et la fiction. Ainsi à Embrun s’est-elle intéressée au lac artificiel de Serre-Ponçon. Se comparant au personnage du romancier Richard Brautigan recueillant des manuscrits non publiés, l’artiste se définit comme la dépositaire d’histoires « qui n’ont pas leur place ailleurs ». Des récits qui viennent à nouveau irriguer nos imaginaires et prendre, grâce à son œuvre, de nouveaux cours.
« Éléonore Saintagnan », Les Capucins, Espace Delaroche, Embrun (05), www.lescapucins.org, du 1er juillet au 29 août 2021.
Paris - Nommée au Prix Marcel Duchamp 2021, Isabelle Cornaro présente également cet été deux expositions personnelles à Paris, l’une au Musée de l’Orangerie, l’autre à la Fondation Pernod Ricard. Passée par l’École du Louvre avant les Beaux-Arts de Paris, c’est de manière instinctive que l’artiste mêle références classiques et contemporaines dans un travail protéiforme proposant une réflexion sur la place des images et des objets dans nos vies, mais également dans l’histoire de l’art. C’est « l’introduction de la temporalité, de la sérialité, et la décomposition de la touche » qui intéresse Isabelle Cornaro dans l’œuvre de Claude Monet. À l’Orangerie, elle présente en contrepoint des Nymphéas des moulages verticaux bleu nuit, « pensés à partir de grottes maniéristes et d’objets liés à l’industrie, à l’exotisme et au décoratif » et formant des motifs « ruisselants », tandis qu’une installation issue de sa série des Paysages est à découvrir au sous-sol du musée. S’inspirant de la peinture classique, elle réinterprète en trois dimensions des paysages avec des socles et des cimaises, auxquels sont associés des éléments trouvés à la charge symbolique forte. C’est une autre facette de son travail que l’on peut découvrir à la Fondation Pernod Ricard : Isabelle Cornaro investit les deux salles d’exposition avec un ensemble de films, dont la volontaire simplicité et la dimension purement visuelle rejoignent les réflexions mises en œuvre dans son travail plastique. Si les médiums diffèrent, toutes les œuvres sont « équivalentes et similaires dans l’intention », affirme Isabelle Cornaro, en ce que « les processus se ressemblent : un moulage est une empreinte en volume, tandis qu’un film est une empreinte en image ».
« Isabelle Cornaro. L’intervalle des images », Musée de l’Orangerie, jardin des Tuileries, Paris-1er, www.musee-orangerie.fr, jusqu’au 6 septembre 2021.
« Isabelle Cornaro. Infans », Fondation d’entreprise Pernod Ricard, 1, cours Paul-Ricard, Paris 8e, www.fondation-pernod-ricard.com, jusqu’au 31 juillet 2021.
Thiers - Tout entier tourné vers l’exploration des énergies et des forces telluriques invisibles, l’œuvre de Charlotte Charbonnel se compose principalement de magistrales installations in situ. Pour cette nouvelle exposition au Creux de l’Enfer, elle s’est intéressée au volcanisme de l’Auvergne et propose dans le bâtiment principal de l’ancienne coutellerie un parcours initiatique à la découverte des différents états de la matière d’un volcan. Comme à son habitude, cette exposition a été pensée spécialement pour le lieu, à partir d’un long travail préalable avec des artisans et scientifiques de la région, notamment au laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand. Celle pour qui « la terre est un livre ouvert » étudie minutieusement les métamorphoses de la matière, les flux et les empreintes du temps sur la nature. Se voulant « le récit d’un voyage sensoriel dans la formation du paysage qui nous entoure », l’exposition se déploie sur les deux niveaux du centre d’art et joue avec l’architecture verticale du lieu. Ainsi au rez-de-chaussée, pensé comme l’intérieur de la cheminée d’un volcan, de nombreuses sculptures de lave en pouzzolane remplissent l’espace, tandis qu’à l’étage, au sommet du volcan, l’artiste présente une vidéo hypnotique issue d’expérimentations scientifiques sur un écran monumental. Moins habituée à ce médium, l’enjeu était pour elle de « faire quelque chose de plastique avec la vidéo, d’arriver à créer un volume, un espace ». Charlotte Charbonnel s’est également imprégnée du folklore et des récits locaux, comme en témoigne le titre de l’exposition, « Larmes de la terre », expression auvergnate qui qualifie la lave, issue du Guide de la France mystérieuse.
« Larmes de la terre », Le Creux de l’Enfer, Vallée des usines, 85, avenue Joseph-Claussat, Thiers (63), www.creuxdelenfer.fr, jusqu’au 26 septembre 2021.
Château-gontier - Le travail de sculptrice de Marion Verboom la met aux prises avec l’histoire des formes autant qu’avec la matière : céramique, plâtre, résine, Plexiglas et même, récemment, LED. Tantôt géométriques, empilement de couleurs, textures et volumes (série Achronie, 2017), tantôt organiques, à la façon de concrétions ou de sédiments, ses créations évoquent les vestiges – profanes ou sacrés ? – de civilisations disparues. Entre l’épure et l’ornemental, la plasticienne ne choisit pas, mais hybride, combine, comprime, avec la précision d’une orfèvre, qui travaillerait à l’échelle d’une architecte. À la chapelle du Genêteil, elle décline en motif la figure de la Vierge, hiératique ou sensuelle, expressions de l’imaginaire médiéval, grec et étrusque qui vient réveiller le nôtre.
« Marion Verboom », Le Carré, chapelle du Genêteil, Château-Gontier (53), www.le-carre.org, jusqu’au 29 août 2021.
Colmar, Avignon - De l’œuvre de Yan Pei-Ming, le Musée Unterlinden propose une lecture inédite à travers une exposition d’envergure couvrant quatre décennies de la carrière du peintre chinois, relecture que le visiteur peut prolonger à Avignon, à la grande chapelle du palais des Papes et à la Collection Lambert qui, eux aussi, exposent le peintre cet été. La célébrité de cet artiste mondialement reconnu s’est faite sur l’image d’une œuvre monumentale, expressionniste, gestuelle et monochrome, au service d’une cause ou d’un sujet d’actualité. Au-delà de la facette la plus connue de son œuvre (récents autoportraits, portraits de Mao ou de Bouddha), c’est une vision plus personnelle et intimiste que donne à voir l’exposition à Colmar. Vous y découvrirez de nombreux portraits de la famille de l’artiste à travers lesquels on lit l’influence de sa vie personnelle dans le choix des sujets et qui interrogent le rapport de l’artiste à ses origines, sa double culture, son culte des ancêtres. L’exposition est aussi l’occasion de redécouvrir, autrement, la question de l’autoportrait. Des dessins de jeunesse inédits, réalisés pendant les années de formation à Shanghai et aux Beaux-Arts de Dijon, sont aussi exposés. Premiers autoportraits méconnus qui donnent à voir l’évolution stylistique du peintre dans sa quête identitaire, entre réalisme et expressionnisme, tradition chinoise et modernité occidentale. À l’origine de l’exposition, le tableau Nom d’un chien ! un jour parfait (2012), renouvelle notre lecture de l’autoportrait chez Yan Pei-Ming : représentation atypique de l’artiste, peint en pied, nu, sous forme christique. Ce triptyque monumental réinscrit l’œuvre de Yan Pei-Ming dans l’histoire de l’art, en résonance avec sa culture chinoise, mais aussi au prisme occidental des vanités, en filiation avec les thèmes du sacré et de la rédemption, à l’instar du diptyque Pandémie (2020), conçu pour l’exposition et qui en clôture le parcours, version contemporaine du motif du gisant nourrie d’échos à la grande tradition, de Grünewald à Courbet. À la Collection Lambert à Avignon, ce sont aussi 40 années de travail que l’artiste déroule à travers une sélection de portraits, visages connus et inconnus, de paysages imaginaires et de représentations animalières.
« Yan Pei-Ming. Au nom du père », musée Unterlinden, place des Unterlinden, Colmar (68),www.musee-unterlinden.com, jusqu’au 11 octobre 2021.
« Yan Pei-Ming. Tigres et vautours », Collection Lambert, 5, rue Violette, Avignon (84), collectionlambert.com, jusqu’au 26 septembre 2021.
Aigues-mortes - C’est un parcours sensoriel et poétique que propose l’artiste malgache cet été, à l’intérieur des tours ou le long des remparts d’Aigues-Mortes ! Les connaisseurs du travail de l’artiste retrouveront dans l’ensemble des réalisations une part de son univers sensible confronté à l’histoire des lieux. Manipulateur de matériaux divers, Joël Andrianomearisoa joue ici à nouveau avec les techniques : œuvres textiles et sculptures dans les tours, structure métallique pour la maison imaginaire placée sur le chemin de ronde. Nourri de recherches et de voyages, inspiré par les écrits du poète malgache Maurice Ramarozaka, l’artiste fait revivre la mémoire de l’ancienne cité portuaire ouverte sur la Méditerranée : comme cet écho poétique, de linceuls noirs et de fleurs rouges, au dernier souffle de saint Louis, parti en croisade pour mourir au pied de Carthage, mais aussi aux prisonnières huguenotes enfermées à vie dans la tour de Constance. Les matières et l’atmosphère de la Camargue habitent les œuvres : vent, lagunes, salins, herbes folles. La pratique du tissage des contraires, familière de l’artiste, se retrouve ici, travaillant à matérialiser les émotions, entre absence et présence, amour et séparation, vérité et songe, histoire et fiction. C’est d’enfance encore, et d’imaginaire, dont il est question dans cette balade onirique au cours de laquelle vous découvrirez l’imposante « maison imaginaire » réalisée par l’artiste. Nichée sur les remparts, elle défie la pesanteur. Écho à l’histoire et aux histoires, à ces châteaux réels qui nous fascinent ou qu’inventent nos cœurs d’enfants. Un rêve suspendu entre les doigts du vent.
« Joël Andrianomearisoa. Brise du rouge soleil », tours et remparts d’Aigues-Mortes (30), www.aigues-mortes-monument.fr, jusqu’au 26 septembre 2021.
Issoire - Au Japon, en Afrique ou en France, impossible de passer devant les sculptures monumentales de Christian Lapie sans les voir. ces figures spectrales, en bois brut et calciné vous percutent toujours de plein fouet. Noires, intemporelles, hiératiques, massives. Leur brutalité primitive interpelle et inquiète. C’est à Issoire, en plein cœur de la ville, que vous les rencontrerez cet été. Elles habitent les ruelles, les boulevards, les places. Pour ce parcours dans la ville, Christian Lapie a choisi une sélection de pièces réalisées entre 2008 et 2021. L’Arbre aux figures, Un autre ciel, l’Air et le Temps, L’Entre-temps et la Magie des rêves : il y a dans ces titres une force suggestive qui fait écho aux problématiques inhérentes au travail de l’artiste. Questions de la figure, de l’élévation spirituelle et de l’intemporalité. Seules ou en groupe, les figures sculptées par Christian Lapie se donnent comme une même présence, taillée de façon rudimentaire dans la masse noire. Ombres d’humains, fantomatiques, elles n’ont pas d’identité spécifique : ni traits de visages, ni bras, ni jambes. Il y a ainsi en elles, dans leur primitivisme, quelque chose qui s’arrache aux limites de l’espace et du temps. D’ici et d’ailleurs, elles parlent à tous, quelle que soit notre origine, quelle que soit la nationalité des terres où elles s’enracinent. Elles semblent être à la fois revenantes d’hier, présent suspendu, annonciatrices d’un demain que leurs yeux absents ne voient pas mais pressentent. De là sans doute ce pouvoir d’élévation, du regard et de l’âme, qu’elles produisent en nous.
« Christian Lapie, sculptures », Issoire (63), 04 73 55 33 53, jusqu’au 10 octobre 2021.
Le Havre - Depuis près de trente ans, l’œuvre de Philippe de Gobert se concentre sur des ateliers d’artiste ou des bâtiments d’architecte qu’il reconstitue en maquette. Au mot maquette l’artiste belge préfère toutefois le mot « modèle », car il les conçoit de manière à ce qu’il puisse les photographier et créer l’illusion de la réalité. De ces miniatures naissent en effet des photographies d’ateliers ou de villas aux espaces évocateurs d’un entre-deux temps. Atelier de l’Arbat de l’architecte Constantin Melnikov ou Villa Wittgenstein à Vienne : « La question du merveilleux et de l’utopie » gouverne aux choix de l’artiste. À l’invitation du MuMA, l’appréhension d’une ville, Le Havre, est donc une première pour l’artiste belge. Mais, plus que l’architecture de la ville ou la figure de son architecte Auguste Perret, c’est « le port, la mer, l’atmosphère du Havre » qui ont été, chez lui, les éléments déclencheurs. Une autre dimension de son travail naît ainsi de cette appréhension. De l’édification sur un champ de ruine à la réalisation de quelques immeubles épars : l’histoire du Havre après sa destruction en 1945 se raconte en une vingtaine de photographies en couleurs, puissantes dans leur imagerie, mélange de peintures du XIXe et d’atmosphère à la Hopper. Maquettes et photographies de Philippe de Gobert sont des fabriques à histoires, à rêves. À chaque étape, l’artiste est seul à la gouverne, comme le montre le très beau film de Jean-Marie Châtelier tourné dans l’atelier de l’artiste à Bruxelles au MuMA. C’est ainsi : le conteur est le maître de son temps.
« Philippe de Gobert », Musée d’art moderne André Malraux, 2, boulevard Clemenceau, Le Havre (76), www.muma-lehavre.fr, jusqu’au 7 novembre 2021.
Dunkerque - Artiste, architecte et urbaniste théoricien d’une « ville spatiale » édifiée par ceux qui y vivent, Yona Friedman mit au point au cours de sa carrière de conférencier un lexique de techniques de construction à partir de gestes simples et de matériaux de récupération. Ce mode d’emploi pour des habitats modulaires est illustré par le Slide Shows Architecture, diaporama de ses croquis légendés, combinant cylindres, polyèdres irréguliers et autres structures selon une économie de moyens parfaitement intelligible. Esprit libre, bricoleur de génie, Yona Friedman pouvait concevoir une scénographie rigoureuse avec des tubes de carton et résumer un projet dans un assemblage virtuose d’emballages en plastique recyclés, composant, à partir de presque rien, des maquettes comme autant de sculptures fragiles. « Habitant indiscipliné » ? Au cours d’un long entretien filmé en 2017, ce Hongrois qui connut la vie de réfugié exhorte avec douceur à « changer les règles ». Sa pensée est plus que jamais d’actualité, si l’on en croit les grands thèmes de l’édition 2021 de la Biennale d’architecture de Venise, intitulée « How Will We Live Together? ». Quant au bâtiment du Frac Grand Large qui accueille le premier volet de cette exposition itinérante, son aménagement, conçu par Lacaton & Vassal (Pritzker 2021), tout en volumes et en luminosité, est en soi un hommage aux concepts de Yona Friedman, dont le duo d’architectes, en héritiers non formalistes, semble s’être librement et fidèlement inspiré.
« L’exposition mobile », Frac Grand Large, 503, avenue des Bancs-de-Flandres, Dunkerque (59), www.fracgrandlarge-hdf.fr, jusqu’au 2 janvier 2022.
Paris - David comment ? Hammons ? Pas d’inquiétude si ce nom ne vous évoquait pas grand-chose avant l’ouverture de la Bourse de commerce en mai dernier. L’artiste africain-américain n’a jusqu’à présent rien fait pour être connu – il paraît même qu’il refuse les expositions dans les musées comme dans les galeries –, ni son œuvre pour séduire. Souvent constitué d’éléments de récupération, voire de déchets (sacs-poubelle, mégots, cheveux récupérés chez le coiffeur…), son travail s’inscrit à l’exact opposé de la sculpture clinquante de Jeff Koons, avec laquelle le collectionneur François Pinault avait ouvert le Palazzo Grassi à Venise en 2006. Il faut dire que le sujet de l’œuvre est grave : la condition des Noirs aux États-Unis et la pauvreté de la société américaine. Réalisé en 2017, Oh Say You Can See (« Oh dis que tu peux voir ») est un drapeau américain usé jusqu’à la corde, troué et effiloché, dont les couleurs traditionnelles (le bleu, le rouge, le blanc) ont été remplacées par celles du drapeau panafricain (le vert, le noir, le rouge), emblème de la lutte pour la libération des Noirs depuis sa création en 1920. L’armature d’une poubelle de rue fixée à la lunette arrière d’un véhicule de la marque Datsun pour former un panneau de basket n’est pas moins évocatrice de l’état du rêve américain (Untitled, 1989), comme la robe de mariée bon marché suspendue à un fil de fer arrimé à une plaque d’égout d’ailleurs – Forgotten Dream, le titre de cette installation de 2000, signifie « le rêve oublié ». Chez Hammons, l’œuvre se passe souvent de commentaires, jouant sur la seule puissance de son pouvoir évocateur. À l’exception de quelques pièces montrées ici ou là, à Rennes en 2001 ou au Musée du quai Branly en 2009 (dans l’exposition sur « Le siècle du jazz », musique qui influence énormément le travail de l’artiste), David Hammons n’a jamais eu d’exposition en France. Avec une trentaine d’œuvres, la présentation de la Pinault Collection à la Bourse de commerce est donc incontestablement l’un des événements de l’été.
« Ouverture », Bourse de commerce, Pinault Collection, Paris-1er, www.pinaultcollection.com
Nantes, rodez - De lui, c’est peut-être sa série de pions, reproductions de l’artiste en modèle réduit, grimé en pontife portant mitre ou en petit rat avec tutu, que l’on connaît le mieux. « Je souhaitais être multiple, toucher à tout », avance Gilles Barbier à propos de ses débuts d’artiste. Il a tenu sa promesse, livrant au cours des années une œuvre qui semble définie par le foisonnement, voire la prolifération. Dans sa forme, d’abord : sculptures, dessins, gouaches, photographies, installations… Mais également par la diversité de ses références, puisant aussi bien dans la culture populaire, entre science-fiction et bande dessinée, que dans les sciences, de la cybernétique à la théorie algorithmique de l’information (TAI), tout en avouant une affinité pour l’esprit fumiste du XIXe siècle. Plus Picabia que Duchamp, Gilles Barbier est aussi obnubilé par le langage, toujours présent dans son travail, sous forme de bulles, de phylactères, d’annotations, d’énoncés divers ou de logorrhée imagée. Cette obsession est en partie liée à sa géographie personnelle : né dans l’archipel du Vanuatu, il a grandi dans un environnement linguistique riche de dizaines de dialectes au beau milieu de l’océan. Très loin de tout, et donc avide de se relier aux autres, ce que son travail ne cesse de rechercher, avec un humour noir et un sérieux délirant, s’astreignant d’année en année à « copier le dictionnaire », entreprise poursuivie sans faillir dont on découvrira pour la première fois à la HAB galerie l’ensemble réalisé jusqu’à aujourd’hui.
« Machines de production », Musée Soulages, jardin du Foirail, Rodez (12), musee-soulages-rodez.fr, jusqu’au 26 septembre 2021.
« Travailler le dimanche », HAB Galerie, 21, quai des Antilles, Nantes (44),
www.levoyageanantes.fr, jusqu’au 26 septembre 2021.
Paris - À la Biennale de Venise, en 2017, Faust, installation théâtrale pour le pavillon allemand, avait valu à Anne Imhof d’être récompensée par le Lion d’or. Avec cette mise en scène de corps contraints dans une architecture figée, l’artiste faisait la preuve d’un sens de l’espace qui caractérise également « Natures mortes », son exposition événement au Palais de Tokyo. Pour cette carte blanche hautement périlleuse, si l’on considère la superficie des lieux combinée à la période pandémique, Anne Imhof a dû renoncer en partie à la performance, pourtant centrale dans son œuvre, comme l’a encore montré son exposition « Sex », en 2019, à la Tate Modern. Elle y révèle en revanche l’importance qu’elle accorde à la peinture. On découvre ainsi ses inspirations, de Cy Twombly à Joan Mitchell, en passant par Sigmar Polke ou Oscar Murillo, mais aussi plusieurs de ses grandes toiles atmosphériques évoquant des couchers de soleil ainsi qu’une série de ses dessins. « Tout part de là dans son travail », souligne la directrice du Palais de Tokyo, Emma Lavigne. Se révèle ainsi un visage plus classique de la plasticienne qui se chercha, à ses débuts, dans la musique et s’illustra, avec un goût prononcé de la provocation, en figure de la scène punk. La voici aujourd’hui davantage mélancolique que révoltée, bien que toujours inquiète, comme le suggère cette danse macabre d’Eliza Douglas, sa muse et compagne, filmée dans une obscurité éclairée de lys jaunes (Deathwish, 2021).
« Anne Imhof. Natures mortes », Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, www.palaisdetokyo.com, jusqu’au 24 octobre 2021.
Paris - Pour Inaugurer la Saison Africa2020, El Anatsui a été invité par N’Goné Fall, commissaire générale de la manifestation, à investir la Conciergerie de Paris avec une carte blanche intitulée « En quête de liberté ». Lauréat du Lion d’or à la Biennale de Venise en 2015, le plasticien ghanéen, installé depuis les années 1970 au Nigeria, a acquis une renommée internationale au tournant du siècle grâce à ses sculptures bidimensionnelles monumentales réalisées à partir de capsules de bouteilles récupérées, aplanies puis assemblées par des fils de cuivre. À la Conciergerie, il investit l’immense salle des Gens d’armes en convoquant des éléments naturels (l’eau, le vent, le bois, le métal et la pierre) pour proposer une installation pensée comme une « méditation sur le temps qui passe ». Dialoguant avec l’architecture et l’histoire chargée de l’ancien palais médiéval devenu prison à la Révolution, il présente deux typologies d’œuvres. Entre les colonnades, deux installations se déploient dans toute la longueur de la salle : des vieilles traverses de chemin de fer sont le support d’une projection vidéo des flots ondoyants d’une rivière. Si ces installations longitudinales symbolisent les deux bras de la Seine entourant l’île de la Cité, les six tentures métalliques chatoyantes qui parent les murs de la salle sont quant à elles pensées comme des fenêtres ouvrant vers un (ou des) ailleurs. Cette exposition, que l’on découvre silencieusement et dans la pénombre, est une véritable invitation à la contemplation et à la réflexion qui sied parfaitement au lieu. El Anatsui démontre, à rebours des discours politiques ou environnementaux auxquels on l’associe parfois, que son œuvre, empreinte d’une grande poésie, a une portée universelle. Il aura fallu attendre Africa2020 pour que la France accueille une exposition personnelle de celui dont les œuvres font déjà partie des plus grandes collections publiques et privées du monde.
« En quête de liberté », Conciergerie, 2, boulevard du Palais, Paris-1er, www.paris-conciergerie.fr, jusqu’au 14 novembre 2021.
Villeurbanne - Né à Bangkok en 1970, Apichatpong Weerasethakul étudie l’architecture dans le nord-est de la Thaïlande avant de partir à Chicago, où il sort diplômé de l’Art Institute en 1997. Remarqué par la critique dès son premier long-métrage en 2000, il enchaîne ensuite les récompenses et acquiert rapidement une renommée internationale, consacrée en 2010 par la Palme d’or reçue pour Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Dans ses films expérimentaux et contemplatifs, dans lesquels on retrouve souvent les mêmes lieux de son enfance, le cinéaste marqué par la pensée bouddhiste brouille les frontières entre réel et imaginaire tout en distillant une vision critique de la société thaïlandaise contemporaine. Affirmant que le cinéma est un moyen de « créer des univers alternatifs, des vies autres », il développe un œuvre singulier et polyphonique. Peu savent qu’en plus d’être un des cinéastes les plus marquants du XXIe siècle, il réalise également des installations et courts-métrages, déjà présents dans de nombreuses collections publiques. Cet été, il investit tout l’espace de l’IAC avec une exposition hypnotique et immersive conçue comme un projet global, dans laquelle chacune des œuvres se répond. À travers une vingtaine de productions (films, hologrammes, créations lumineuses, installations…), il nous transporte dans les interstices du réel et nous transforme en personnages pouvant se « souvenir de nos différentes vies ». Plusieurs nouvelles œuvres sont présentées, dont une réalisée pour l’exposition s’intéressant aux mouvements de mobilisation de la jeunesse thaïlandaise contre le régime autoritaire en place.
« Apichatpong Weerasethakul », Institut d’art contemporain – Villeurbanne/Rhône-Alpes,11, rue du Docteur-Dolard, Villeurbanne (69), www.i-ac.eu, jusqu’au 31 octobre 2021.
Nice - Tout Entier tourné vers l’exploration de la relation instable et complexe que l’être humain entretient avec son environnement, l’œuvre d’Otobong Nkanga se décline sous différentes formes et médiums : tapisseries, dessins, installations, performances… Née en 1974 au Nigeria, elle s’est formée dans son pays d’origine, puis à Paris et à Amsterdam, et vit aujourd’hui en Belgique. Son travail jouit depuis quelques années d’une reconnaissance internationale, dont témoigne la mention spéciale reçue en 2019 à la Biennale de Venise ainsi que les expositions dont elle bénéficie dans de grandes institutions à travers le monde. Cet été, la Villa Arson lui consacre sa première exposition personnelle d’envergure en France : « When Looking Across the Sea, Do You Dream? ». Avec un titre sous forme de question, elle nous invite d’emblée à un ailleurs, et nous introduit dans son œuvre protéiforme, où rien n’est univoque et la critique jamais simpliste. Son travail hybride, fait de strates et de fragments – d’images, de récits, de matériaux –, se déploie dans l’espace d’exposition selon un parcours « faussement déstructuré ». Il s’agit de permettre une déambulation libre pour laisser des échos et correspondances émerger, et ainsi appréhender la richesse de l’œuvre de l’artiste. De manière plus ou moins frontale, mais toujours avec subtilité, Otobong Nkanga traite de problématiques liées au territoire, au partage des ressources, à la transformation des matériaux, et interroge les rapports de force qui régissent nos interactions humaines et sociales, comme en témoigne magistralement la tapisserie monumentale Le Poids des cicatrices mettant en scène deux corps en lutte pour les mêmes ressources.
« When Looking Across the Sea, Do You Dream? »,Villa Arson, 20, avenue Stephen-Liégeard, Nice (06), www.villa-arson.org, jusqu’au 19 septembre 2021.
Chambord - « Rester petite face au tableau, c’est peut-être pour cela que je peins si grand », a écrit Lydie Arickx. L’artiste peint grand, c’est vrai, lorsqu’elle recouvre – dans ce cas-là, performe – jusqu’à 200 m de toile émeri à la Condition publique de Roubaix, en 2015, et plus de 120 m2 à la Conciergerie de Paris, en 2016. Mais elle sculpte tout aussi grand, quand elle accouche de ses monstres de bronze, de fer à béton et de toile. De manière générale, Lydie Aricks voit grand : en 2018, l’artiste envahissait – il n’y a pas d’autre mot – le château de Biron, géant de pierre du Périgord, avec plus de 500 peintures, sculptures, dessins – une paille dans sa production qui compterait 30 000 numéros. Trois ans plus tard, c’est au château de Chambord que l’ogre Arickx a de nouveau rendez-vous, cette fois avec près de 150 dessins, tableaux, sculptures et installations dont un nouveau tableau de près de 9 m, libre interprétation sur le Printemps de Botticelli, peint lors d’une performance au château en mai. L’art, chez Arickx, est un moment sauvage, un déferlement d’énergie et de rage venu du ventre vers la toile, la feuille ou le plâtre. Tout dans son œuvre hurle. On parle parfois de chaos, mais c’est bien plus le Big Bang originel dont il s’agit, là d’où sortent la vie et... la mort. « Quand je peins des gens, on dit qu’il y a de la souffrance dans ma peinture ; quand je peins la mer, on dit que c’est un paysage d’apocalypse. L’œuvre n’a pas de défense, elle sort de là, un point c’est tout. L’acte à peine né enclenche le suivant, une inspiration. L’artiste exécute l’irréparable à naître et je ne résiste pas », écrit Lydie Arickx dans un nouveau livre qui vient de paraître [D’encre et d’encore,éditions Diabase]. Cet « irréparable à naître » est exposé cet été en France au château de Chambord, à l’abbaye de Flaran (Gers) et à la Galerie Capazza (Nançay).
« Arborescences », château de Chambord (41), www.chambord.org, jusqu’au 17 octobre 2021.
« Ne me consolez pas ! », abbaye de Flaran, Valence-sur-Baïse (32), www.patrimoine-musees-gers.fr, jusqu’au 17 octobre 2021.
« La vie nue », Galerie Capazza, 1, rue du Faubourg, Nançay (18), www.galerie-capazza.com, du 25 juillet au 26 septembre 2021.
Le Thoronet - Dans les années 1960, on ne parlait pas encore d’anthropocène, mais on commençait à prendre pleinement conscience du formidable pouvoir destructeur de l’homme. L’intérêt d’Anne et Patrick Poirier, qui venaient de se rencontrer à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, à Paris, s’est alors porté sur l’histoire des civilisations, l’archéologie, les paysages en ruine, les contrées lointaines. Autant de façons de mettre à distance le constat d’un monde abîmé : à travers la prise d’empreinte, sur papier Japon, de ruines ou de figures antiques, ou avec la réalisation de vastes maquettes, évoquant celles des architectes, sans appeler aucune construction. Ainsi de Mnémosyne (1990) présentée au château La Coste au printemps, qui porte le nom de la déesse grecque de la mémoire. Renvoyant aussi bien au passé qu’au présent, tout en éclairant le futur, cette notion du souvenir et de la réminiscence est centrale dans leur travail. Symbolisée par le motif du cerveau, elle s’inscrit dans la broderie d’un tapis (Memoria Mundi, 2019), dans un dessin en cailloux de marbre blanc tracé dans le jardin du cloître (Anima Mundi, 2020) ou encore prend la forme d’une sculpture en pâte de verre engravée et posée sur un miroir (Reflets de l’âme, 2019). La dimension spirituelle de l’œuvre des Poirier n’a sans doute jamais été aussi évidente que dans ces créations exposées à l’abbaye du Thoronet, qui entrent en résonance avec le silence recueilli des lieux, s’immisçant discrètement dans la vibration d’un gong ou l’effluve d’un parfum. Il faut dire que le couple a parcouru l’Enfer et le Paradis pendant le premier confinement : la Divine Comédie, de Dante, qu’ils ont relue, leur a en effet inspiré plusieurs fresques de dessins bientôt présentées à Piacenza, en Italie. La patrie du poète florentin est un peu la leur ; ils y ont vécu, se sont nourris des penseurs de la Renaissance et y conservent une partie de leur activité, commandes publiques et privées. C’est aussi lors de leur séjour à la Villa Médicis, en 1968, qu’ils décidèrent, parmi les premiers, de créer ensemble et de cosigner leur production. Leur dialogue est toujours fécond.
« Anima Mundi », abbaye du Thoronet, Le Thoronet (83),www.le-thoronet.fr, jusqu’au 19 septembre 2021.
Toulouse - Marion Baruch n’a cessé, tout au long d’une existence qui l’a menée de la Roumanie stalinienne à Jérusalem, de Rome à Paris, de créer des passerelles entre différents champs de la création, différents modes de production. Ce sont les forgerons travaillant sur le chantier de sa maison qui lui ont permis de mettre au point ses premières grandes sculptures géométriques en métal. Puis, c’est avec des designers italiens qu’elle conçoit des objets non fonctionnels, comme une boule de Plexiglas géante dans laquelle peut tenir une personne (Conditore Ambiante, 1970) ou une très féline assise en fourrure Ron Ron, prolongée d’une queue. Sa série de sculptures portables Abito-Contenitore (1970), immortalisée par le photographe Berengo Gardin, l’a fait internationalement connaître. Si elle revient à la peinture dans les années 1980, c’est avec la distance et l’inquiétude d’une artiste qui remet en question la notion d’œuvre d’art, déclinant en une série de miniatures un autoportrait de Rembrandt (1978-1982). Elle ira ainsi jusqu’à abandonner son patronyme pour celui d’une marque inventée « Name Diffusion », dûment inscrite au registre du commerce, et qui produira entre autres des tenues de gardiens de musée. Sa pratique intègre ensuite une dimension politique : installée à Paris, elle y organise des ateliers collectifs pour les sans-papiers, et transforme une pièce de son appartement en espace de rencontre sociale (Une chambre vide, 2009). Cette dernière décennie, de retour en Italie, Marion Baruch s’est mise à récupérer des chutes de tissus neufs provenant de l’industrie du vêtement pour les transformer en sculptures textiles béant en larges échancrures. Devant ces compositions suspendues à quelques épingles invisibles, façonnées par la gravité, la référence à l’artiste conceptuel Robert Morris semble s’imposer. Cependant, la démarche de Marion Baruch se double d’une réflexion écologique. Et d’un rapport au vide qui ouvre, au-delà de l’œuvre, une autre perspective.
« Marion Baruch, une rétrospective », Les Abattoirs – Musée Frac Occitanie, 76, allées Charles-de-Fitte, Toulouse (31), www.lesabattoirs.org, jusqu’au 19 septembre 2021.
Rouen, Chalon-sur-saône - De quoi se compose l’exposition monographique qu’Eltono prépare au Hangar 107, et qui ouvrira mi-juillet ? À ce stade, c’est un peu difficile à dire : depuis que ses pas de flâneur infatigable l’ont mené du graffiti au seuil des espaces d’art, l’artiste a choisi de confier son œuvre au hasard. Même les pièces qu’il annonce à Rouen comme à peu près certaines se fondent sur l’aléa. Ce sont des sculptures génératives en béton, rares œuvres d’atelier, jamais montrées jusqu’à présent. Des « RUFO » (Rudimentary Unidentified Frictional Objects), en bois peints de motifs abstraits qu’il ira traîner dans les rues de la ville ; des panneaux muraux que les visiteurs pourront recombiner à leur gré ou des expérimentations nommées « AVERSE » parce qu’elles tirent parti de la pluie et, qui sait, de la Seine toute proche. On n’en sait pas beaucoup plus sur l’œuvre qu’il peindra dans une vitrine, toujours mi-juillet, dans le cadre du festival « Chalon dans la rue ». Tout au plus sait-on qu’elle sera réalisée selon un système génératif, « MODO », décliné depuis 2010. Souvent rattachées à des séries, les œuvres d’Eltono naissent d’une même démarche : faire de la contrainte et de l’accident un principe créatif. Pour cet artiste passé dès 1999 du graffiti aux interventions furtives et abstraites dans les rues de Madrid, c’est l’héritage le plus sûr d’une jeunesse dédiée à peindre le long des voies ferrées et des autoroutes des pièces au devenir forcément incertain. Le parti qu’il tire des contraintes de la création en espace public lui vaut de signer, avec une certaine discrétion, l’un des œuvres les plus stimulants de la scène post-graffiti. L’un des plus généreux aussi, puisque l’aléatoire l’incline vers la participation de tous les publics.
« Eltono. Sérendipité », Hangar 107, 107 allée François-Mitterrand, Rouen (76), www.hangar107.fr, du 15 juillet au 19 septembre 2021.
« Chalon dans la rue », Chalon-sur-Saône (71), www.chalondanslarue.com, du 21 au 25 juillet 2021.
Bordeaux, Paris - Dans la programmation des événements estivaux ayant quelque rapport avec l’art urbain, le nom de Rouge Hartley revient avec constance. À qui voudrait découvrir cette artiste surgie en 2012 dans les rues de Bordeaux, nul besoin d’aller bien loin : ses œuvres s’égrènent du nord au sud et de l’est à l’ouest. À Lille, elle a répondu à la carte blanche de la BIAM avec le portrait mural d’une amie infirmière installée dans la ville. Un hommage, dit-elle, à la résilience. À Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), pour la seconde édition du festival « Les nouveaux ateliers », elle a laissé sur un mur un diptyque figurant d’une part la mer, de l’autre un homme qui porte un compagnon sur son dos. À Bordeaux, elle signe à la Cité du vin, dans le cadre de l’exposition « Boire avec les dieux », une installation dédiée à la fête dionysiaque des Anthestéries, en collaboration avec le plasticien sonore Thomas Sillard. Pour la dixième édition de « Bien urbain » à Besançon, en juin, elle sonde le racisme systémique avec l’artiste Reginald O’Neal dans le quartier de Planoise. Cet été, ses œuvres sont également visibles à Paris, dans l’ancien immeuble de tri postal investi tout l’été avant rénovation par Elise Herszkowicz de l’association Art Azoï (« L’essentiel »), et sur la terrasse de Fluctuart (« Les Amazones »). Rare femme à œuvrer dans l’espace urbain, Rouge doit sans doute cette pléthore de sollicitations à sa maîtrise de la peinture et à sa façon d’articuler sujets intimes et politiques. Sous l’apparence de portraits, de drapés, de scènes de genre, l’artiste figure les remous du monde par la bande. C’est sa manière à elle d’approcher le commun, et de porter haut la couleur qu’elle s’est choisie.
« Boire avec les dieux », Cité du vin, 134, quai de Bacalan, Bordeaux (33), www.laciteduvin.com, jusqu’au 29 août 2021.
« L’essentiel », square Alban-Satragne, Paris-10e, www.lessentielparis.fr, du 26 juin au 29 août 2021.
« Les Amazones », péniche Fluctuart, Paris-7e, fluctuart.fr, jusqu’en octobre 2021.
Villeneuve-d’ascq - Décidément, l’été 2021 réserve son lot de surprises. Le Musée du LaM, près de Lille, ouvre ses portes à l’œuvre de l’Argentin Guillermo Kuitca, artiste méconnu en Europe. Certains lecteurs se souviendront avoir vu ses œuvres dans les expositions « Géométries Sud » à la Fondation Cartier en 2018-2019 – fondation qui avait déjà ouvert ses portes à l’artiste en 2000 – et « My Buenos Aires » à La Maison rouge–Fondation Antoine de Galbert en 2015. D’autres à la Fondation Beyeler en 2014, qui avait rassemblé sept de ses tableaux de grand format dans une même salle. À part cela… Guillermo Kuitca est pourtant l’un des grands noms de l’art contemporain en Amérique et, probablement aussi, l’un des peintres et dessinateurs actuels les plus intéressants. En 1992, son installation de vingt lits surmontés de matelas cartographiés à la peinture fait sensation à la Documenta IX de Kassel. Sur chaque matelas, l’artiste a peint des cartes routières sur lesquelles apparaissent les noms de grandes villes européennes, dont Marseille. Les boutons de capitonnage ont été cousus de telle sorte qu’ils évoquent des bombardements. À moins qu’ils n’évoquent le souvenir des exécutions sommaires commises sous la dictature argentine… Acquise par la Tate Modern, l’installation est exposée au LaM. Chez Kuitca, l’intime se confond avec le politique et vice versa, sans jamais prendre le dessus sur la dimension artistique de l’œuvre. C’est bien d’elle dont il s’agit, lorsque Kuitca cite Giacometti et Bacon dans sa manière d’enfermer ses sujets dans un cadre, Picasso et Braque dans ses peintures « cubistoïdes ». Exposée au LaM, Double éclipse est une imposante peinture de 362 x 283 cm peinte en 2013. D’un monochrome presque noir surgit d’abord ce que l’on croit être une ville nocturne, avant de percevoir qu’il s’agit d’un amas de meubles – dont des lits, encore. Qu’a voulu représenter Guillermo Kuitca ici ? Une décharge ? Les restes d’une catastrophe naturelle ? À moins qu’il ne s’agisse tout simplement de peinture…
« Guillermo Kuitca. Dénouement », LaM, 1, allée du Musée, Villeneuve-d’Ascq (59), www.muee-lam.fr, jusqu’au 26 septembre 2021.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°745 du 1 juillet 2021, avec le titre suivant : Notre sélection des artistes qui font l’été