Cette année, Madagascar est représentée pour la première fois de son histoire à la Biennale de Venise.
Si la présence de la Grande Île sur la lagune est inédite, Joël Andrianomearisoa, qui en occupe le pavillon à l’Arsenal, n’est quant à lui pas un perdreau de l’année, tout droit sorti du chapeau d’un magicien. Cela fait en effet presque 20 ans que l’artiste, né en 1977 à Antananarivo, la capitale de l’île, a pointé son nez, depuis sa participation à deux expositions collectives en 2000, l’une à « Paris pour escale », à l’Arc au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’autre à « Fun Five Fun Story » à la New South Art Gallery de Sydney, en Australie. Un grand écart géographique, déjà révélateur d’un nomadisme qui ne l’a plus quitté – son premier solo show a eu lieu à Istanbul, en Turquie, en 2004 – et qu’il met sur le compte d’un grand-père maternel ingénieur, grand voyageur à qui Madagascar doit quelques centaines de kilomètres de chemin de fer. Il lui doit sans doute également un attrait inné pour, selon ses propres termes, « l’architecture, la manipulation de formes, d’espaces, de matériaux ».
C’est d’ailleurs l’École spéciale d’architecture, boulevard Raspail à Paris, que Joël Andrianomearisoa va fréquenter à la fin des années 1990. Et là qu’il va faire quelques rencontres déterminantes comme l’artiste Pascale Marthine Tayou, qui l’invite à l’expo de Sydney précitée, l’architecte Odile Decq, directrice de son école d’archi, et Alice Morgaine, alors rédactrice en chef du magazine Le Jardin des modes, qui le convie à une exposition de groupe à la chapelle de la Sorbonne, à Paris, en 2001, intitulée « Archicouture ». À point nommé si l’on peut dire, puisqu’au chemin de fer du grand-père, Joël Andrianomearisoa va, dès ses débuts, préférer le chemin du textile et la trame du papier. Le textile, en lien avec la mode, et le papier relié à l’édition, autre passion.
D’autres bonnes fées vont alors venir se pencher sur son berceau d’artiste et notamment les fondateurs de la Revue noire, Jean-Loup Pivin (architecte), Pascal Martin Saint-Léon et Simon Njami qui, en tant que commissaire général de l’exposition « Africa Remix » présentée au Centre Pompidou de mai à août 2005, invitera Joël Andrianomearisoa. Entre-temps, il a également rencontré le critique d’art Emmanuel Daydé qui, quinze ans plus tard, va l’accompagner (en tant que co-commissaire avec Rina Ralay-Ranaivo) pour mener sa participation à Venise à bon port, après avoir obtenu la bénédiction du ministre de la Culture malgache et décroché plusieurs sponsors, Ruby Mécénat, le groupe Filatex, les membres de la Revue noire, plusieurs collectionneurs, ainsi que la galerie RX, sa galerie parisienne depuis trois ans.
À l’arrivée, son installation, intitulée I Have Forgotten The Night, reprend les piliers de sa démarche depuis ses débuts, mais développés à plus grande échelle. Composée de grands lés de papier noir tombant du plafond jusqu’au sol, la spectaculaire installation invite le spectateur à se faufiler, à circuler, à se perdre dans ce labyrinthe de grandes feuilles, comme autant de pages d’un livre à entrées multiples. Car on retrouve évidemment ici le rapport à l’écriture, au langage, au matériau. Joël Andrianomearisoa, qui partage aujourd’hui sa vie entre Antananarivo, Paris et la Creuse, a toujours dit que son utilisation du textile ou du papier était un langage et que ses matériaux étaient des sensations, des émotions qu’il essayait de matérialiser. D’où leur fragilité, leurs frémissements, leurs mouvements. Et leur tonalité : ce noir, emblématique de son travail dont il recherche la « multiplicité et la complexité cette non-couleur emblématique à la fois insaisissable et très structurée » pour reprendre ses mots. Le noir, dont il aime la magie, la nostalgie et la mélancolie – « L’encre noire, c’est la mélancolie », souligne-t-il. Le noir, qui est aussi celui de la nuit malgache, « profonde et vide, car sans électricité ». Cette nuit qu’il a mise en lambeaux et qu’il a oubliée comme l’indique le titre de son intervention vénitienne.
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Joël Andrianomearisoa
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°725 du 1 juillet 2019, avec le titre suivant : Joël Andrianomearisoa