Quand Lucien Hervé est mandaté en 1956 par la Direction générale du tourisme pour photographier la reconstruction du Havre par Auguste Perret, c’est au photographe spécialisé en architecture et proche de Le Corbusier auquel on fait appel.
Le résultat ne sera toutefois jamais publié par le Syndicat de la Ville, car jugé pas assez séduisant. Quand, cinquante-deux ans plus tard, Manuela Marques est commanditée par la Ville et le ministère de la Culture « pour proposer une nouvelle représentation du Havre », la vision s’inscrit cette fois dans l’intime, dans l’intérieur de logements élevés après les bombardements de septembre 1944. Ces deux approches en disent long sur l’évolution des regards et l’appréhension d’un centre-ville longtemps mal aimé de ses habitants.
Après avoir été le lieu privilégié de Boudin, Monet, Braque et Dufy, Le Havre est depuis les années 1950 un territoire urbain objet de diverses commandes publiques de photographie. Parcourir cette histoire largement méconnue entraîne dans un récit d’un cœur de ville reconfiguré que, progressivement, les Havrais se sont réapproprié. L’intérêt pour l’architecture très graphique d’Auguste Perret, incarnée par les images de Lucien Hervé, Gabriele Basilico, Xavier Zimmerman ou Yves Bélorgey, s’est élargi à des approches prenant davantage en compte ses occupants. La délicatesse des approches de Véronique Ellena, Sabine Meier ou Manuela Marques se joue de la dualité intérieur-extérieur, tandis qu’Olivier Mériel, Corinne Mercadier et Dana Levy inscrivent leur écriture fictionnelle dans d’autres quartiers, lieux ou plages d’une ville portuaire qui ne se lasse pas de se mirer dans les yeux de ceux qui l’arpentent.
« Comme une histoire… Le Havre »,
MuMa, Musée d’art moderne André Malraux, 2, boulevard Clemenceau, Le Havre (76), www.muma-lehavre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Le Havre, territoire de photographies, aussi
