Art moderne - Histoire

SECONDE GUERRE MONDIALE / EXPOLOGIE

Des artistes exilés bien peu combattants

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2025 - 612 mots

Le Musée de l’armée tente de montrer que les artistes hors de France aussi ont participé à la lutte contre l’occupant nazi.

France. Le titre de la nouvelle exposition du Musée de l’armée sur les artistes français en exil pendant la Seconde Guerre mondiale pourrait laisser penser que de nombreux artistes se sont engagés dans la résistance extérieure. Or, cela n’a pas vraiment été le cas et une première salle aurait été bien utile pour décrire le contexte particulier de cette période confuse, lequel contexte explique l’attentisme de nombre d’artistes.

Rappelons que ce n’est qu’en 1943 que le Général De Gaulle est reconnu comme le chef de la France libre. Même après le débarquement, les Alliés sont réticents à le voir prendre les commandes du Gouvernement provisoire. Jusqu’à fin 1942, les États-Unis ont maintenu des relations diplomatiques avec Vichy.

Fort heureusement, Vincent Giraudier et Sylvie Le Ray-Burimi, les deux commissaires, ont eu la sagesse de découper l’exposition en trois zones géographiques – l’Angleterre, les territoires ralliés et l’Amérique du Nord – où les situations sont très différentes et ont évolué différemment dans le temps.

Malgré le tableau faisant office de porte-drapeau de l’exposition – La Marche des Alliés (voir ill.)– créé par un artiste peu connu (Henry Valensi) en 1942 à Alger, ce n’est pas à Alger ni à Londres, mais à New York où se concentrent le plus d’artistes exilés. Étroitement surveillés par les autorités américaines, qui au début veulent ménager Vichy et par la suite craignent une cinquième colonne communiste, Ossip Zadkine, André Masson ou Fernand Léger sont plus soucieux de vendre leurs œuvres pour assurer leurs subsistances que de produire des Guernica. C’est à un Américain que l’on doit l’œuvre la plus engagée, si l’on peut dire : Alexander Calder réalise un mobile figurant la croix de Lorraine au-dessus de formes noires évoquant le nazisme.

Au demeurant, contrairement à ce que le titre pourrait suggérer, l’exposition présente en réalité peu d’artistes. Ils sont en tout cas nettement moins nombreux que les écrivains, les scientifiques ou les juristes qui, par leurs écrits et initiatives diverses, ont soutenu De Gaulle et la France libre. De sorte que le parcours montre surtout des documents, des lettres, des affiches, des couvertures, le manuscrit du chant des partisans et même, ici et là, des uniformes dont on se demande ce qu’ils font là. Les expositions de ce type ne sont jamais d’un accès facile et demandent toujours un fort investissement du visiteur s’il veut bien comprendre ce qu’on veut lui montrer et plus encore exercer son esprit critique.

Le visiteur connaisseur et investi aura ainsi la curieuse sensation que les Derain, Vlaminck et autres Van Dongen qui sont partis en délégation en Allemagne en 1941ou les Céline, Sacha Guitry ou Arletty qui ont eu des sympathies pour l’occupant sont beaucoup plus nombreux que les « exilés combattants ». Au fond, ce n’est pas un artiste, mais un acteur qui incarne le mieux la figure du saltimbanque engagé : Jean Gabin. Après avoir tourné, en 1943, dans L’Imposteur de Julien Duvivier, où il joue le rôle d’un criminel qui rejoint les Forces françaises libres en Afrique, il décide de s’engager lui-même « dans la vraie vie » dans les Forces navales françaises libres puis participe à la campagne d’Allemagne dans un tank.

Entre la lecture du catalogue, du dossier de presse et leurs propos lors de la visite presse, on sent bien que les commissaires sont embarrassés par la promesse du titre. Nul 3 Mai 1808 de Goya à mettre en avant pour symboliser un art résistant. Chagall, avec par exemple L’Exode (1943), aurait pu être choisi, mais ses œuvres politiques ont été exposées récemment à Nice et Roubaix.

Un exil combattant, Les artistes et la France, 1939-1945,
jusqu’au 22 juin, Musée de l’armée, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Des artistes exilés bien peu combattants

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