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EXPOLOGIE

Splendeur et foisonnement de la révolution haïtienne

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2025 - 547 mots

L’exposition de Raphaël Barontini révèle un travail de fond sur l’histoire des Caraïbes et une esthétique très riche où les œuvres se répondent habilement.

Paris. Emprunté à la pièce de théâtre La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire (1963), le titre de l’exposition résume le propos de l’artiste : donner à voir le bouillonnement des luttes émancipatrices dans les Caraïbes et en Afrique. Ce thème n’est pas nouveau dans l’art contemporain, il est déjà bien représenté au Palais de Tokyo (expositions Tituba, qui pour nous protéger ? et Mohamed Bourouissa, en 2024). Ici, cependant, l’exposition ne contient aucune archive, un paradoxe alors que Raphaël Barontini est passionné par l’Histoire. Fiction et événements historiques se mêlent dans les œuvres, avec pour point central la monarchie (1811-1820) du roi Christophe, éphémère monarque d’Haïti et ex-révolutionnaire : une partie de l’exposition prend la forme d’une salle du trône, avec des arches inspirées du palais Sans Souci construit par le roi Christophe, comme le précise la commissaire Daria de Beauvais. L’autre salle met en scène des costumes et bannières dignes d’une parade de Carnaval, soit « Le peuple qui danse » du titre de l’exposition. Daria de Beauvais ajoute que « le carnaval et Mardi gras sont des périodes où les valeurs s’inversent, en particulier dans les communautés d’esclaves ou d’anciens esclaves », et les costumes flamboyants de Raphaël Barontini illustrent ce renversement social par l’accumulation et le foisonnement des références.

Des œuvres marquées par le synchrétisme

Qu’est-ce qui rend ce travail pertinent alors que le thème est pourtant bien connu ? Sans doute l’esthétique des œuvres, marquée par le syncrétisme : peinture italienne de la Renaissance, costumes du vaudou, masques africains, photographies d’époque coloniale contribuent à créer des œuvres abouties loin d’un effet « millefeuille ». Des tenues d’apparat, telles les grandes capes brodées des monarques européens cohabitent avec des selles en cuir ornées d’accessoires métalliques et une tenue de griot africain, pour recréer une cour royale hybride. Ces costumes répondent à ceux plus extravagants qui « paradent », soit des formes de robes du XVIe siècle, de robes de prêtresse vaudou ou de légionnaire romain en cuirasse : à chaque fois, l’artiste glisse des motifs africains ou caribéens qui donnent une remarquable cohérence esthétique à l’ensemble. Daria de Beauvais souligne que Raphaël Barontini a commencé par la peinture avant d’élargir sa pratique : « Il a ensuite travaillé sur des bannières et des fresques textiles, puis sur des costumes et enfin sur des performances qui activent les costumes. » L’exposition donne à voir ce travail en expansion constante mais avec une base inchangée.

Une scénographie dépouillée

Cette richesse artistique est soutenue par le soin apporté à la réalisation des œuvres, notamment les costumes : tissus, broderies, drapés et accessoires arborent une précision technique parfaite. La pièce maîtresse de l’exposition n’y fait pas exception : cette grande tapisserie réalisée à Bombay arbore des broderies très variées, des sequins et des fils métalliques dorés, des motifs issus des costumes de la Renaissance et des décors luxuriants. Elle représente Cécile Fatiman, prêtresse vaudou devenue révolutionnaire haïtienne puis princesse sous le roi Christophe, un destin méconnu en France. Raphaël Barontini évite donc la surcharge visuelle en structurant habilement les relations entre les œuvres au sein d’une esthétique spécifique, soutenue par une scénographie dépouillée qui laisse les œuvres comme seul point focal du regard.

Quelque part dans la nuit, le peuple danse,
jusqu’au 11 mai, Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Splendeur et foisonnement de la révolution haïtienne

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