Sculpter le corps

Parmi la cinquantaine d’œuvres réalisées au cours des dix dernières années, la figuration du corps, souvent féminin, retient particulièrement l’attention. C’est sans conteste avec ce travail anthropomorphe que l’œuvre de Tropa est la plus lisible, la plus sensible aussi. Autant d’occasions de questionner et d’expérimenter son médium, la sculpture. L’imposante Pénélope (2024) présentée sur la terrasse qui fait face à la mer Méditerranée est le fruit de nombreux moulages successifs de la cavité intérieure d’une statuette. Alors que sa Pietà (2022) est une reproduction en bronze du moule en plâtre des copies de la célèbre sculpture de Michel-Ange, Tropa ne se cantonne pas au déplacement d’un matériau à un autre, d’une copie à une pièce unique. Il invite également, à l’aide d’un miroir, à découvrir la face cachée de l’œuvre, donnant ainsi à voir les entrailles de cette scène biblique. Avec Fountain (2020-2023), c’est de manière morcelée que le corps est figuré. Si son titre renvoie à Marcel Duchamp, iconographiquement c’est plus volontiers au Bœuf écorché de Rembrandt (1655) qu’elle fait écho. Cela confère à l’œuvre de Tropa une dimension pleinement charnelle. In fine, c’est le squelette d’un corps momifié réalisé à la cire perdue qui est présenté en lévitation sur une branche de bois. Autre état du corps qui devient ici quasi fantomatique.