Éducation artistique et culturelle

2023, année 1 de l’éducation artistique et culturelle

L'EAC change de dimension

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 31 mai 2022 - 4025 mots

FRANCE

Les dispositifs structurants mis en place récemment et bientôt opérationnels – Inséac, Adage, Pass culture « part collective » – devraient enfin permettre que tous les écoliers, collégiens et lycéens bénéficient d’un véritable parcours d’éducation artistique et culturelle tout au long de leur scolarité.

Visite enfants dans la Galerie du temps du Louvre-Lens. © Musée du Louvre-Lens / Frédéric Iovino
Visite d'enfants dans la Galerie du temps du Louvre-Lens.
© Musée du Louvre-Lens / Frédéric Iovino

L’utilité d’une politique publique d’éducation artistique et culturelle (EAC) à l’école est depuis longtemps admise par tous : l’éducation à l’art œuvre à l’émancipation et donc à l’épanouissement des enfants. Récemment, presque tous les candidats à l’élection présidentielle en avaient fait un engagement de campagne. Mais cette unanimité est suspecte, car l’EAC est un concept-valise qui recouvre tellement de réalités différentes que les politiques peuvent s’en prévaloir à bon coût.

Si les actions culturelles à l’école ne datent pas d’hier, c’est avec le plan Tasca-Lang, annoncé en décembre 2000, qu’apparaissent le terme d’EAC et la première politique publique d’ampleur. Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont ajouté de nouvelles briques, mais c’est avec Emmanuel Macron que l’EAC va prendre un tournant qui pourrait bien être décisif. Il a fixé un objectif, le 100 % EAC, et mis en place des piliers structurants afin de l’atteindre.

L’un des premiers bénéfices du 100 % EAC pourrait bien être la clarté. Et ce n’est pas superflu, alors qu’aujourd’hui tout le monde, et en premier lieu les parents, s’y perd.

La grande confusion de l’EAC

Vus du côté des parents, les arts à l’école, ce sont d’abord les enseignements artistiques obligatoires. Et ils n’ont pas tort, car cela représente tout de même deux heures de cours par semaine (une heure de musique et une heure de dessin), à l’école et au collège. Or, dans la mémoire des adultes, ces cours n’ont pas laissé un souvenir impérissable, au mieux un moment récréatif entre deux cours « sérieux », au pire un pensum : apprendre à jouer de la flûte à bec ou dessiner une cruche que l’enseignant a posée sur son bureau. Depuis, les cours sont devenus plus vivants, mais dépendent avant tout du dynamisme des enseignants. « Les parents projettent souvent leurs souvenirs sur ce que vivent leurs enfants à l’école », soupire Édouard Geffray, le patron de la toute-puissante direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) au ministère de l’Éducation nationale.

Emmanuel Ethis, le recteur de l’académie de Rennes et vice-président du Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) tente lui aussi de réhabiliter ces cours en racontant la visite récente du célèbre auteur de bandes dessinées Riad Sattouf dans son école en Bretagne, où il a expliqué l’influence déterminante de son professeur de dessin sur son destin. Claude Mollard, l’artisan du plan Tasca-Lang se rappelle que les syndicats des enseignants d’arts plastiques et de musique voyaient d’un mauvais œil l’entrée des artistes dans les écoles. Dans la novlangue des entreprises, on dirait que ces enseignants ont des marges de progression.

Au lycée, avec la réforme du Bac en 2021, les enseignements artistiques ne sont plus limités à une filière. Les lycéens peuvent prendre une spécialité « art » (quatre heures hebdomadaires en première et six heures en terminale) ou un enseignement optionnel de trois heures. « 5,5 % des lycéens de première prennent une spécialité “art” ; cela compte », relève Édouard Geffray.

Enseignements obligatoires et EAC

Or il convient de distinguer l’EAC des enseignements artistiques (obligatoires), même si de nombreux enseignants d’arts plastiques et de musique conduisent des actions culturelles en complémentarité avec leurs propres cours. « L’EAC a toujours été considérée comme ce qui venait s’ajouter aux cours. On regarde le halo mais pas le soleil. Seulement, dans le soleil, il y a les enseignements obligatoires qui sont un peu passés à la trappe », regrette Édouard Geffray. Ce halo est lui-même constitué d’une multitude de types d’actions culturelles qui sont loin de relever de l’EAC au sens de la charte de 2016. Tout le monde connaît les traditionnelles sorties au musée, au théâtre ou au cinéma (1,8 million de sorties au cinéma chaque année), parfois accompagnées d’un travail pédagogique. Ces sorties, « des temps forts » dans le vocabulaire du ministère, peuvent être montées de bout en bout par un enseignant ou s’inscrire dans un programme « venant d’en haut » comme, par exemple, le programme « Collège au cinéma » du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) qui offre des packages tout faits avec projection spéciale dans une salle et travail pédagogique d’accompagnement.

Il y a également eu de tout temps des chorales à l’école, mais depuis que le chant est devenu une priorité gouvernementale, les chefs d’établissement sont incités à les développer plus encore. Selon un dernier recensement, 63 % des écoles et 92 % des collèges disposent d’une chorale. Parfois, les incitations gouvernementales s’appuient sur des programmes nationaux, tels que les « Petits champions de la lecture », un concours de lecture à voix haute avec des finales par région et une grande finale nationale. Les voyages scolaires culturels, les classes culturelles sur le modèle des classes « vertes », les résidences d’artistes-auteurs, les ciné-clubs, les clubs de théâtre complètent aussi le panel d’actions possibles.

À cette difficulté de bien qualifier les actions culturelles en milieu scolaire, s’ajoutent aussi celles menées par les Villes en dehors du cadre scolaire : les conservatoires municipaux de musique ou de théâtre, les activités culturelles dans les centres de loisirs… Le hors-cadre scolaire est d’ailleurs une composante importante du label 100 % EAC pour les collectivités locales.

Or, stricto sensu, un projet d’EAC est un projet de classe qui dure plusieurs semaines, avec la présence – c’est déterminant – d’un artiste ou d’un acteur culturel. On ne peut pas mettre au même niveau une simple sortie au cinéma, la participation à une chorale tout au long de l’année et un projet d’EAC. L’impact sur les écoliers et collégiens, la mobilisation des enseignants et le coût ne sont pas les mêmes. C’est cette ambiguïté sur les noms et la réalité des actions culturelles qui entretient une grande confusion sur la portée réelle d’une politique d’EAC et son appréhension par les citoyens.

Le gouvernement lui-même entretient cette ambiguïté en mettant tout dans le même sac et en comptant toutes les actions culturelles dont ont bénéficié les enfants dans les documents budgétaires, des plus simples aux plus sophistiquées. Ainsi, dans le projet de loi de finance (PLF) 2022, il affirme fièrement que 75 % des enfants scolarisés en école ou collège se sont vu proposer une action d’EAC en temps scolaire, et se donne un objectif de 80 % en 2022 et 100 % en 2023.

Ces chiffres sont corroborés par une enquête menée par les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture en 2017-2018 et 2018-2019. Mais, mauvaise nouvelle, ces chiffres sont en baisse. Alors qu’en 2017-2018, 75 % des écoliers et collégiens avaient bénéficié d’au moins une action ou projet d’EAC, ce taux passe à 73 % en 2018-2019. Un chiffre qui masque par ailleurs des situations différentes dans les écoles (80 %) et les collèges (59 %). Mis à part les difficultés liées à des calculs statistiques sur des populations aussi vastes (10 millions d’écoliers et collégiens), il faut surtout relever ici que, jusqu’à présent, l’État additionnait des choux et des carottes rendant impossible la mesure de l’efficacité réelle de sa politique d’EAC. « C’est un degré de précision que l’on n’a pas encore, reconnaît Édouard Geffray, mais que l’on aura bientôt avec la nouvelle application “Adage”. »

Les premières pierres de l’EAC

Conscients du flou de l’EAC, les gouvernements successifs ont tenté de fixer des cadres. En 2005, Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture de Jacques Chirac, crée le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC). Ce n’est pas une agence de l’État avec une administration et des programmes à gérer, mais une instance de concertation et de réflexion qui propose des orientations. Il comprend aujourd’hui trente membres, des représentants des ministères, des élus, des personnalités qualifiées, qui ont été renouvelés en décembre 2021 pour une durée de trois ans. Présidé par les deux ministres concernés, il est animé depuis 2013 par le recteur Emmanuel Ethis.

Jusqu’en 2013, le HCEAC ne s’est pas distingué par une activité débordante. À cette date, il lui est demandé de travailler sur une charte, présentée finalement en juillet 2016 qui pose en dix articles le cadre de l’EAC. La charte fixe en particulier les trois piliers de l’EAC que sont la connaissance, la pratique artistique et la rencontre avec les œuvres et les artistes. « Si on fait de la musique, c’est mieux de rencontrer des musiciens et d’avoir des connaissances sur l’histoire de la musique et sur ce qu’on joue », explique Emmanuel Ethis.

Une fois la charte rédigée, le HCEAC s’est mis en quête de villes laboratoires capables de déclencher une forte politique d’EAC sur tout leur territoire. Dix villes acceptent d’être « observées » entre 2018 et 2021 : Bessancourt, Cannes, Carros, Château-Arnoux-Saint-Auban, Château-Thierry, Guingamp, La Courneuve, Metz, Quimper et Saint-Brieuc.

La terminologie commence progressivement à se fixer. À côté ou en complément des enseignements artistiques obligatoires de l’école au lycée, il y a les « actions d’EAC » qui peuvent durer plus ou moins longtemps (une sortie de deux heures au musée jusqu’à la participation à la chorale durant toute l’année) et les « projets d’EAC » qui supposent au minimum la présence d’un artiste-auteur et se déroulent sur plusieurs semaines. « Actions EAC » et « Projets d’EAC » constituent un « Parcours d’EAC ».

Au moment de la création du HCEAC, Renaud Donnedieu de Vabres et son homologue de la Rue de Grenelle (Gilles de Robien) posent aussi les premières pierres du pont entre leurs deux administrations. Depuis la création par André Malraux du ministère des Affaires culturelles en 1959, et le départ des « beaux-arts » du ministère de l’Éducation, la collaboration entre les deux ministères n’est pas simple. Une circulaire de 2005 prévoit que tout établissement scolaire du premier et du second degré doit inclure une dimension artistique et culturelle dans son projet d’école ou d’établissement, et, deux ans plus tard, une autre circulaire « prescrit aux services déconcentrés des deux ministères de mettre en œuvre une politique concertée d’éducation artistique et culturelle à l’échelle de chaque territoire », s’appuyant sur des « pôles de ressources pour l’éducation artistique et culturelle (Préac) ». Ces pôles forment les enseignants à la mise en œuvre de l’EAC.

Les nouveaux piliers de l’EAC

L’EAC figure naturellement dans les engagements de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017 avec un objectif qui, à première vue, ressemble à un slogan publicitaire : le 100 % EAC. Il s’agit d’assurer à 100 % des élèves un parcours d’EAC de l’école au lycée. Un objectif ambitieux quand on sait qu’en 2018-2019, 41 % des collégiens n’ont pas bénéficié d’une action d’EAC, ne serait-ce que d’une sortie au cinéma. Aussi, pour atteindre cet objectif, faut-il mettre en œuvre des programmes systémiques capables de pérenniser l’EAC dans les 283 000 classes de primaire, 134 000 classes dans les collèges et 124 000 classes dans les lycées.

Premier chantier : faire travailler ensemble les deux administrations de l’Éducation nationale et de la Culture. Car si les budgets de l’EAC sont principalement Rue de Valois, leur utilisation se fait dans les établissements scolaires. Quelques semaines après son arrivée à la Dgesco, Édouard Geffray décide de rassembler les équipes en charge de l’EAC disséminées un peu partout rue de Grenelle, dans une seule mission confiée à Manuel Brossé. Ce dernier vient du terrain et de la culture, il a ainsi été directeur de la culture de la ville de La Châtre, directeur de production chez Accentus (le chœur de chambre) et administrateur général du Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris-Boulogne-Billancourt. « C’est le seul service métier qui m’est directement rattaché de sorte que Manuel Brossé est le seul chargé de mission que je vois une à plusieurs fois par semaine », pointe Édouard Geffray pour montrer l’importance qu’il accorde au programme.

De l’autre côté de la Seine, la Rue de Valois crée en 2021 une nouvelle direction : la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, confiée à Noël Corbin. Le pilotage de l’EAC devient alors une politique publique centrale d’une des directions du ministère. « Nous avons eu des centaines d’heures de réunion avec nos collègues du ministère de la Culture », confie Manuel Brossé.

L’enjeu est d’arriver à mobiliser les 61 500 établissements et les 866 500 enseignants. Selon le ministère, seulement 33 % des écoles ont un coordinateur EAC et 66 % des collèges ont un référent EAC. Les indemnités pour mission particulière des « référents culture » viennent récemment d’être augmentées et peuvent atteindre 1 200 euros sur une année. Le système très pyramidal de l’Éducation nationale facilite la communication descendante, mais ne garantit pas l’engagement des enseignants et chefs d’établissement. Depuis 2001, chaque rectorat dispose d’un délégué académique à l’éducation artistique et l’action culturelle (DAAC). « Nous voyons les DAAC une fois par mois », explique Édouard Geffray et « nous communiquons régulièrement sur l’EAC dans les newsletters envoyées aux enseignants », précise Manuel Brossé.

En 2020, est actée la création à Guingamp d’un Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inséac) qui a accueilli sa première promotion à la rentrée de septembre 2021. Cet institut est en quelque sorte la clé de voûte de la formation et de l’information des acteurs de l’EAC à commencer par les enseignants. Il doit encore se faire une place entre les divers dispositifs déjà existants en la matière, cependant son premier mérite est de constituer un totem.

Adage : un outil révolutionnaire

L’Inséac est l’un des trois dispositifs clés du plan EAC. Le deuxième, très « macronien » dans son esprit est une plateforme numérique de l’Éducation nationale qui va bouleverser la mise en œuvre de l’EAC : Adage (pour application consacrée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle). Initialement développée par l’académie de Versailles, Adage a été généralisée en 2020 à toutes les académies.

« Le gros intérêt d’Adage est qu’elle facilite la rencontre entre l’offre et la demande », explique Édouard Geffray. En d’autres termes, elle permet à un enseignant de consulter un catalogue d’actions culturelles pour sa classe. Mi-mai 2022, le catalogue comptait déjà 16 443 offres, dont 2 336 avec des lieux associés (cinéma, musée…) pour un prix moyen de 325 euros. L’enseignant peut éventuellement correspondre avec un collègue qui a déjà monté, dans sa classe, la proposition d’action EAC et dialoguer avec les « offreurs ». Puis il passe commande du projet. Si le coût excède l’enveloppe de la Caisse des écoles, il peut solliciter en ligne un financement sur les fonds budgétaires EAC de chaque rectorat. Une fois validé par le chef d’établissement, le projet peut être lancé. L’enseignant inscrit alors sur Adage la classe concernée par le projet.

L’enjeu est désormais que les enseignants s’emparent de l’outil et systématisent son emploi, y compris pour toutes les actions d’EAC dont bénéficient les élèves. Ils peuvent aussi monter eux-mêmes leur propre projet et le saisir dans la base. Les administrateurs d’Adage veillent à ce que la nomenclature des types d’actions EAC et les champs couverts par le projet (musique, danse, lecture…) soient respectés afin de pouvoir établir des statistiques fines. Car on verra plus loin qu’Adage est reliée à la base de données des élèves.

Les rectorats disposent ainsi, à travers la validation des demandes de budgets EAC d’un outil de pilotage géographique et qualitatif. « Une grande partie des financements sont destinés aux quartiers prioritaires », indique Olivia Deroint, la DAAC de l’académie de Paris, qui veille aussi au respect de la charte : « Nous avons refusé un projet de sensibilisation à l’opéra dans une classe de sixième car il ne comportait pas assez de pratique par les élèves. »

L’argent est, comme toujours, un puissant aiguillon pour utiliser les outils. C’est ici qu’intervient un autre dispositif qui va, dans l’esprit de ses promoteurs, consolider toute cette architecture : le Pass culture pour les moins de 18 ans.

Le coup de fouet du Pass culture « part collective »

Depuis le début de l’année 2022, le Pass culture a été étendu aux jeunes de 15 à 17 ans. Ils peuvent bénéficier de 20 euros l’année de leurs 15 ans, 30 euros l’année de leurs 16 ans et 30 euros l’année de leurs 17 ans.

Mais, on le sait moins, il existe une part collective qui permet de financer les projets d’EAC qui est de 25 euros par collégien (quatrième et troisième), 30 euros pour les lycéens de seconde et élèves de CAP, et 20 euros pour les lycéens de première et de terminale. De sorte que, par exemple, une classe de seconde de trente élèves dispose d’une enveloppe de 900 euros pour un projet d’EAC. L’objectif est d’inciter les élèves et les enseignants à dépenser cet argent, à travers un processus de prise de décision que les enseignants vont rendre participatif. Et quel est l’outil qui va permettre de « commander » un projet EAC ? Adage ! L’association Pass culture « part collective » et Adage vont donner un coup de fouet au développement des actions et projets EAC dans les collèges et lycées et, subsidiairement, familiariser les enseignants avec l’utilisation de l’application. À la mi-mai 2022, 333 000 collégiens avaient activé la part collective de leur Pass culture. « 900 euros disponibles par professeur via quelques clics dans Adage, ce ne sont pas les 2 euros à récupérer dans les enveloppes de la coopérative de l’établissement », souligne Édouard Geffray.

Coté « offreurs », c’est la même logique que pour le Pass culture pour les moins de 18 ans. Les lieux (musées, cinémas, théâtres…) et associations culturels sont invités à proposer des offres calibrées pour les budgets d’une classe du Pass culture « part collective » qui seront chargées sur Adage. La SAS Pass culture, qui dispose de délégués en région est chargée d’évangéliser le dispositif auprès des lieux et associations.

Une étude est en cours pour trouver une solution au problème critique du transport des élèves. La SAS travaille actuellement sur des offres packagées avec des compagnies de transport qui permettraient de commander sur Adage un bus en même temps qu’une offre d’EAC. Un arbitrage ministériel a été sollicité pour le financement de ce « pack transport ».

L’attestation scolaire de parcours d’EAC

Tout est en place pour rendre visibles les actions d’EAC auprès des parents. Les élèves, classes et groupes dans les bases de données de l’Éducation nationale sont automatiquement remontés dans Adage avec un identifiant unique par élève. Et, depuis cette année, les chefs d’établissement peuvent délivrer à tout moment une attestation scolaire du parcours d’EAC par élève qui répertorie toutes les actions d’EAC auxquelles ce dernier a participé dans l’année. Un document qui a vocation à être communiqué aux parents en même temps que le bulletin de notes et qui va matérialiser ces actions autrement que par une mention dans le carnet de correspondance ou par messagerie. Grâce à l’identifiant unique, il sera possible de suivre le parcours EAC des élèves tout au long de leur scolarité, même s’ils déménagent.

La base de données ainsi constituée dans Adage va également apporter de précieuses statistiques : quels sont les établissements les plus (ou les moins) actifs et, à un niveau supérieur, les villes, les départements, les régions les plus (les moins) vertueux ? Adage va enfin permettre de disposer de données plus fiables au niveau national sur le pourcentage d’élèves bénéficiaires d’une action d’EAC avec un degré de finesse sur le type d’action qui va distinguer la simple sortie au musée d’un projet d’EAC dans la durée. Les budgets associés à chaque action vont également permettre de piloter l’affectation des budgets EAC au niveau national.

Les aiguillons de l’EAC

Une fois les outils mis en place, il convient d’entraîner les collectivités locales dans l’objectif du 100 % EAC. C’est le rôle du label « 100 % EAC » pour les territoires. Quatre-vingt-quatorze villes ont déposé un dossier fin avril dont Bordeaux, Rennes, Reims, Nancy, Rouen, Saint-Étienne, Aix-en-Provence, Besançon, Villeurbanne, Bastia, Brest ou Clermont-Ferrand. Le label sera attribué prochainement pour cinq ans par les préfets et recteurs, après avis des directions régionales des Affaires culturelles (Drac) et rectorats. « C’est une sorte de cahier d’engagement qui va être travaillé avec les villes, étape par étape », explique Emmanuel Ethis. Il comporte trois niveaux d’engagement selon les demandes des collectivités la collectivité qui va du soutien ponctuel aux établissements et lieux culturels au conventionnement sur la durée. Il s’agit aussi de promouvoir l’EAC hors du temps scolaire, dans des cadres où les collectivités locales sont partie prenante.

Le label vise également à pousser les collectivités à dégager des fonds, car les budgets de l’État vont vite être insuffisants pour financer les projets de plus en plus élaborés des enseignants. En 2022, les crédits de l’EAC sont répartis entre les deux ministères. Le ministère de l’Éducation nationale dispose de 22 millions d’euros de crédits d’intervention pour financer les actions (plan chorale…), les compléments de rémunération des enseignants et les aides aux partenaires. C’est aussi lui qui finance la part collective du Pass culture : 45 millions d’euros en 2022 et 93 millions d’euros en année pleine. « Il convient d’ajouter les 2,2 milliards d’euros du coût des enseignements artistiques », s’empresse de préciser Édouard Geffray. Le ministère de la Culture dispose, lui, de 100 millions d’euros en 2022, répartis dans les régions académiques, un quasi-doublement par rapport à 2016.

Après des années d’expérimentation plus ou moins réussies, il se pourrait bien que l’Éducation nationale dispose enfin des outils permettant d’offrir à 10 millions de jeunes un parcours réellement engageant d’éducation artistique et culturelle. Une petite révolution.

Charte de l’EAC

1. L’éducation artistique et culturelle doit être accessible à tous, et en particulier aux jeunes au sein des établissements d’enseignement, de la maternelle à l’université.

2. L’éducation artistique et culturelle associe la fréquentation des œuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances.

3. L’éducation artistique et culturelle vise l’acquisition d’une culture partagée, riche et diversifiée dans ses formes patrimoniales et contemporaines, populaires et savantes, et dans ses dimensions nationales et internationales. C’est une éducation à l’art.

4. L’éducation artistique et culturelle contribue à la formation et à l’émancipation de la personne et du citoyen, à travers le développement de sa sensibilité, de sa créativité et de son esprit critique. C’est aussi une éducation par l’art.

5. L’éducation artistique et culturelle prend en compte tous les temps de la vie des jeunes, dans le cadre d’un parcours cohérent impliquant leur environnement familial et amical.

6. L’éducation artistique et culturelle permet aux jeunes de donner du sens à leurs expériences et de mieux appréhender le monde contemporain.

7. L’égal accès de tous les jeunes à l’éducation artistique et culturelle repose sur l’engagement mutuel entre différents partenaires : communauté éducative et monde culturel, secteur associatif et société civile, État et collectivités territoriales.

8. L’éducation artistique et culturelle relève d’une dynamique de projets associant ces partenaires (conception, évaluation, mise en œuvre).

9. L’éducation artistique et culturelle nécessite une formation des différents acteurs favorisant leur connaissance mutuelle, l’acquisition et le partage de références communes.

10. Le développement de l’éducation artistique et culturelle doit faire l’objet de travaux de recherche et d’évaluation permettant de cerner l’impact des actions, d’en améliorer la qualité et d’encourager les démarches innovantes.
 


Emmanuel Ethis, « monsieur EAC » 

Portrait. Courtois, affable, prévenant. On comprend pourquoi Emmanuel Ethis (57 ans) a été choisi pour animer le HCEAC et l’Inséac. Il faut en effet de la bienveillance pour porter des projets aussi complexes. « La gentillesse et la patience. C’est la meilleure manière de travailler tous ensemble et de réussir à construire un édifice qui tienne », explique-t-il d’une voix douce et calme. Et quand son débit dense et régulier s’accélère, c’est pour évoquer les bénéfices de l’EAC : « L’EAC, c’est donner à chacun une boussole d’orientation pour pouvoir s’approprier le monde dans lequel on est, grâce aux arts et à la culture. » Docteur en sociologie des arts et de la culture, il déroule une partie de sa carrière universitaire à Avignon dont il a été le président de 2007 à 2017. Il signale son intérêt pour la culture dans le monde universitaire en supervisant à la demande du ministère, en 2010, une commission qui formule cent vingt-huit propositions pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse. Trois ans plus tard, il est propulsé à la vice-présidence du HCEAC. En 2015, il est nommé recteur de l’académie de Nice qu’il quitte en 2019 pour le rectorat de Bretagne. La République l’a, entre autres, promu Officier des Arts et des Lettres et nommé Chevalier de la Légion d’honneur. « Construire une politique publique, c’est faire en sorte que l’ensemble des acteurs concernés s’en sentent dépositaires. » Emmanuel Ethis est plus que dépositaire de l’EAC, il en est un peu l’âme.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : L’éducation artistique et culturelle change de dimension

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