Les pratiques muséales selon l’âge des visiteurs

France. La dernière livraison du département des enquêtes statistiques du ministère de la Culture fourmille de chiffres passionnants sur le profil et le comportement des visiteurs d’un musée ou d’une exposition en France. Hélas, les dernières pages du rapport font l’effet d’une douche froide. Alors que, selon le panel d’Élipps (Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales) qui sert de base à l’enquête, 42 % des répondants déclarent avoir visité un musée ou une exposition au cours des douze derniers mois, ils ne sont que 29 % dans la grande « enquête sur les pratiques culturelles » menée en parallèle. Treize points de différence entre les réponses à une même question, c’est bien au-delà de la marge d’erreur. Si les auteurs de la note publient ces deux chiffres dans une transparence qui les honore, leurs explications sur cette différence sont très laconiques. De quoi jeter un doute sur la pertinence des deux enquêtes. D’autant que celles-ci ont été réalisées avant la pandémie de Covid-19 dont on suppose qu’elle a modifié certains comportements.

Les seniors, par exemple, sont suspectés de venir moins nombreux au musée aujourd’hui de peur d’être contaminés. Ils étaient pourtant les plus motivés en 2018 : 50 % des 60-69 ans ont visité une exposition au cours de l’année et même 51 % des 70 ans et plus, soit bien plus que la moyenne (42 % dans le panel Internet Élipps). En revanche, seulement 35 % des 30-44 ans, moins disponibles en raison de leur charge familiale – c’est l’enquête qui le dit – ont fait une sortie au musée.

La cohérence des chiffres vient cependant donner un peu de crédibilité à l’enquête sans toutefois faire de révélations fracassantes. Ainsi, elle indique que les plus de 70 ans vont plus souvent au musée en semaine (43 %) que les 30-44 ans (7 %), tandis que le rapport s’inverse le week-end. À cet égard, il serait souhaitable de changer, dans les résultats, la tranche d’âge des 60-69 ans qui agglomère des actifs et des retraités, brouillant ainsi la lisibilité des chiffres.

Autres résultats convenus, les freins à la visite sont très divers selon l’âge. Alors que les 18-29 ans sont attirés par d’autres activités (44 %, un chiffre élevé), les 30-44 ans (28 %) sont empêchés par les difficultés de déplacement – ils ont des enfants en bas âge – et les plus de 70 ans se limitent aux événements exceptionnels. De même, les 18-44 ans utilisent plus Internet pour préparer leur visite – cela comprend aussi de se renseigner sur les horaires – que les plus de 60 ans, mais la différence n’est pas aussi marquée qu’on aurait pu le croire. Internet est d’ailleurs le deuxième canal d’incitation à la visite juste après le bouche-à-oreille, pour à peu près toutes les tranches d’âge. Les chiffres relatifs aux types de musées visités sont plus homogènes. Les plus de 60 ans ont un peu plus d’appétence pour les musées des beaux-arts et d’histoire que les 18-59 ans, mais sont tout autant intéressés par les musées d’art moderne et contemporain que de photographie.

On attend maintenant une enquête sur les raisons pour lesquelles 58 % des répondants d’Élipps et 71 % des répondants à l’enquête du ministère sur les pratiques culturelles ne sont pas allés au musée depuis un an.