Les bons points du Pass culture

France. Après les critiques souvent féroces notamment de la classe politique, lors de la phase d’expérimentation, le Pass culture connaît un moment de grâce – ou de répit –, comme en témoignent deux rapports récents issus d’institutions en général peu favorables au gouvernement : le Sénat et la Cour des comptes. « Une montée en charge progressive, des résultats satisfaisants », titrent ainsi Vincent Éblé et Didier Rambaud, les deux rapporteurs de la commission des finances du Sénat. « La situation actuelle présente des éléments de réassurance importants », commentent les magistrats de la Cour des comptes.

Les deux rapports n’ont pas le même objet. Les sénateurs se sont penchés sur les premiers résultats du dispositif tandis que les sages de la Rue Cambon ont surtout décortiqué la mise en œuvre administrative du passe dans sa phase de préfiguration. Si les magistrats de la Cour sont très critiques sur cette mise en œuvre, leurs commentaires annexes sur le programme sont a minima neutres.

Il est vrai que les chiffres sont éloquents. Au 1er mai 2023, plus de 3 millions de jeunes avaient ouvert un compte sur l’application du passe et 92 % d’entre eux (parmi les plus de 18 ans) avaient déjà effectué une réservation. Le taux de couverture rapporté aux populations concernées est de 76 % pour les plus de 18 ans, et de 47 % pour les 15-17 ans (pour lesquels le dispositif est plus récent). En 2022, la valeur totale des réservations s’élevait à 186 millions d’euros, tandis que la dépense moyenne (pour la cohorte la plus ancienne) était de 244 euros (la bourse est de 300 €). Le phénomène majeur à retenir est que l’application est en train de devenir le point d’entrée naturel d’achat de biens et services culturels pour toute une génération (largement motivée par les 300 € d’argent de poche).

Ces chiffres étaient cependant en grande partie connus. Plus inédits sont les données et analyses sur la part collective du passe et son articulation avec l’Éducation artistique et culturelle (EAC). Comme l’avait déjà souligné le Journal des arts dans son enquête parue en mai 2022 (JdA n° 590), la combinaison des deux programmes familiarise les moins de 18 ans avec le passe, mais surtout bouleverse l’économie de l’EAC. Chaque classe, de la sixième à la terminale, dispose d’une enveloppe de 600 à 900 euros à utiliser pour une sortie, un projet culturel, un intervenant extérieur, à choisir dans une base de données dénommée « Adage » qui simplifie le processus de commandes. 86 % des collèges et lycées ont ainsi activé le programme au bénéfice de 2 millions d’élèves. Le rapport du Sénat signale que l’application « Adage » répertorie déjà 154 000 offres collectives présentées par 8 000 « offreurs ».

Pour autant, les deux rapports soulignent que le Pass culture individuel n’a pas encore fait ses preuves sur le plus important : la diversité et l’égalité culturelle. Les chiffres ne permettent pas (encore) de déceler d’éventuels changements de pratiques dans le sens d’une exploration au-delà de la zone de confort des jeunes, ravivant la critique récurrente sur l’effet d’aubaine. Rejoignant les pistes actuellement à l’étude par la SAS Pass culture, les sénateurs proposent de modifier l’algorithme de l’application pour qu’elle incite à la découverte ou de créer des offres « duo » afin qu’un proche accompagne le jeune dans sa sortie. Sénateurs et magistrats pointent également le problème maintes fois évoqué des zones blanches culturelles en milieu rural et des difficultés de mise en œuvre d’une offre de transport pour y remédier.