L’exécution du budget de la mission « Culture » a une nouvelle fois dépassé le montant qui avait été voté.
Paris. Pour la quatrième année consécutive, la mission « Culture » a dépensé plus que ce qui était prévu. Son budget a considérablement augmenté avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, puis sous l’effet du « quoi qu’il en coûte » pendant la crise liée au Covid-19. C’est ce qui ressort de l’analyse de cette mission par la Cour des comptes, publiée fin avril. Le dépassement en 2023 – soit 150 M€ en crédits de paiement – est à peu près le même qu’en 2022, sans atteindre cependant celui de 2021.
Une des premières raisons de ce dépassement est la montée en flèche de l’inflation depuis la guerre en Ukraine, qui a provoqué une envolée des prix de l’énergie, des matériaux de construction, et par effet retour des salaires. La Cour estime l’impact de l’inflation sur le budget de la mission à 209 millions d’euros (soit 5,7 %, en phase avec le taux d’inflation de 4,9 %). L’augmentation de son budget 2023, d’un montant de 72 millions d’euros, a été insuffisante pour couvrir le coût total, ce qui a obligé le ministère à arbitrer en faveur de ses opérateurs, lesquels ont été mis à contribution en diminuant leurs dépenses de programmation ou leurs travaux.
Ces surcoûts ont été absorbés par le dégel d’une partie de la réserve de précaution (les crédits de paiement bloqués en début d’exercice pour chaque programme). Son taux était de 0,5 % sur les salaires et de 6 % sur les autres postes (il a d’ailleurs été augmenté d’un point – « le surgel » – en cours d’exercice). Sur les 146 millions d’euros « gelés » en début 2023, 116 millions d’euros ont été dégelés.
Le Pass culture a dû dégeler la totalité de sa réserve de précaution afin de répondre à la consommation plus importante que prévue des 300 euros alloués à chaque jeune âgé de 18 ans. Comme il s’agit d’une dépense dite « de guichet », sur laquelle l’État n’exerce que peu de contrôle (il ne peut pas empêcher les bénéficiaires de profiter de leur passe), il a bien fallu dégeler ses crédits. Mais comme ce n’était encore pas suffisant, le ministère a dû augmenter son budget de 32 millions d’euros pour couvrir les demandes de remboursement par les offreurs. Résultat, alors que le budget initial du Pass culture était de 208 millions d’euros (réserve de précaution comprise), il a terminé l’année 2023 sur un coût total de 240 millions d’euros. La Cour des comptes s’inquiète fort logiquement de ces dépassements importants et réitère sa demande que la société qui gère le Pass ait le statut d’opérateur de l’État afin de mieux contrôler son budget. Si l’on prend en compte le budget de la part collective du Pass, soit 51 millions d’euros financés par le ministère de l’Éducation, le Pass ne coûte pas loin de 300 millions d’euros, ce qui en fait, selon notre pointage, le dispositif le plus coûteux du ministère. La Cour doit prochainement publier un rapport sur ce dispositif.
Une autre « dépense de guichet » a également fait déraper les comptes : il s’agit des dispositifs du Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (Fonpeps), qu’il a fallu augmenter de 29 millions d’euros pour répondre à la demande. Certains dispositifs d’aide à l’embauche dans le spectacle vivant sont supprimés depuis 2023, mais en raison de l’effet de traîne (les délais d’instruction de demandes faites en 2022), l’enveloppe initiale de 39 millions d’euros n’était plus suffisante.
Enfin, la Cour attire depuis plusieurs années « l’attention du ministère de la Culture sur le niveau particulièrement élevé du programme de grands travaux . Le programme a atteint des proportions inédites avec le plan de relance. » Le président de la Cour, Pierre Moscovici, a de nouveau lancé une alerte lors de la récente présentation du rapport sur le Centre Pompidou qu’il a tenu à présider lui-même, car les investissements ont doublé depuis 2018. Ils partaient cependant d’une base faible. Si le budget de la mission « Culture » de François Hollande apparaît vertueux dans son évolution et son exécution, c’est aussi parce qu’à son arrivée ce président de la République a pu bénéficier de la fin des grands travaux lancés au cours des mandats précédents (MuCEM à Marseille, Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, Philharmonie de Paris, Musée Picasso-Paris) et qu’il n’a pas lancé de nouveaux chantiers.
L’an prochain, l’analyse du budget 2024 présentera une tout autre physionomie : si elle est positive du point de vue des comptes publics, cela sera au prix d’un effort demandé aux 72 opérateurs du ministère (musées, écoles supérieures…) qui reçoivent 40 % des crédits de la Rue de Valois. Après les coupes de Bruno Le Maire décidées en mars dernier, le budget 2024 de la mission est inférieur à ce qu’il était en 2023. Au ministère de la Culture, on indique que ces coupes seront absorbées par le dégel de la réserve de précaution, mais cela appelle des preuves.
La préparation du budget 2025, qui a déjà commencé et pour lequel chaque ministère doit rendre sa copie en mai, en attendant les arbitrages du Premier ministre en juillet, promet d’être un casse-tête. Le ministre de l’Économie voudrait diminuer les dépenses de l’État de 12 milliards d’euros, soit une baisse de 240 millions d’euros pour la mission « Culture » si les proportions sont respectées. En coulisse, les professionnels du secteur veulent se rassurer en soulignant le poids politique de Rachida Dati qui lui permettrait d’obtenir des arbitrages favorables. Réponse en septembre.
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L’inflation plombe les comptes 2023 de la Culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°633 du 10 mai 2024, avec le titre suivant : L’inflation plombe les comptes 2023 de la Culture