Le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle pilote le dispositif 100 % EAC, pour une éducation à l’art des scolaires. Une dizaine de villes ont déjà testé ce label, en attendant un déploiement national.
Emmanuel Ethis est vice-président depuis 2013 du Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle, une instance interministérielle. Docteur en sociologie des arts et de la culture à l’EHESS et professeur d’université, il a consacré de nombreux ouvrages à la sociologie des publics du cinéma et des festivals (Cannes, Avignon…). Après avoir présidé l’université d’Avignon et des pays de Vaucluse (2007-2015), il devient recteur de l’académie de Nice en 2015, puis de la Région Bretagne en 2019.
Le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle a été créé en 2005. On commence vraiment à parler d’EAC dans les années 2000. La notion, qui hérite de l’éducation populaire, évolue alors pour se focaliser sur l’environnement scolaire, de la maternelle à l’université. En 2005, sous l’impulsion du président Jacques Chirac, se mettent en place les PREAC (pôles régionaux d’EAC), et un haut conseil national, qui est alors présidé par le musicien Didier Lockwood. Entre 2005 et 2012, le HCEAC produit beaucoup de rapports et d’études. En 2013, sous la présidence de François Hollande, le HCEAC s’élargit à divers représentants des collectivités territoriales pour se situer au plus près du terrain. Il travaille à établir une charte avec l’ensemble des partenaires impliqués. Publiée en 2016, celle-ci définit l’EAC à partir de trois piliers : la fréquentation des œuvres et la rencontre avec les artistes, la pratique artistique, et l’acquisition de connaissances. C’est une éducation à l’art et une éducation par l’art.
En 2017, avec l’élection d’Emmanuel Macron, l’EAC prend un nouveau tournant : elle devient le « 100 % EAC », ce qui signifie très concrètement qu’on en fait une véritable politique publique. Son objectif : tous les jeunes doivent être concernés par une expérience d’EAC. Cet objectif nous oblige à avoir une réflexion sur le pourquoi et le comment.
Depuis 2017, nous travaillons sur l’élargissement du HCEAC à des collectivités qui veulent s’engager dans la logique du 100 % EAC. Le dispositif est testé dans dix villes laboratoires, et nous analysons de façon très pragmatique comment se met en place l’EAC, quels sont les obstacles et les difficultés rencontrés. Un comité de pilotage EAC, en général codirigé par le recteur d’académie et la Drac, associe l’ensemble des acteurs d’un territoire : Départements pour les collèges, Régions pour les lycées, Villes pour les écoles. Le HCEAC est dans une logique d’accompagnement, d’évaluation et de mise en place d’une réflexion sur ce que pourrait être une labellisation 100 % EAC.
On constate que l’EAC fonctionne quand elle devient un pacte de territoire. Le 100 % EAC insuffle une dynamique aux structures culturelles en lien avec l’Éducation nationale. On y apprend à travailler sur des parcours adaptés à toutes les classes d’âge pour présenter et transmettre autrement ce qui relève de la culture et des institutions.
Si l’on prend l’exemple de Cannes, on note que le festival de cinéma joue un rôle très important dans les projets d’EAC. À Guingamp, le 100 % EAC s’appuie sur le GwinZegal, un très beau centre de photographie, pour travailler avec les lycées professionnels sur ce qu’est l’image.
Quand on rencontre les Villes, il est très intéressant de les voir se poser des questions sur elles-mêmes. Certaines se rendent compte qu’elles sont déjà très impliquées et n’ont qu’un pas à franchir pour aller vers le 100 % EAC. L’intérêt de la démarche est qu’elle permet de transformer depuis le terrain une réflexion en politique publique.
L’Inséac est un institut du Cnam qui sera installé dans l’ancienne prison de Guingamp, et qui bénéficie d’une convention liant l’État à la Région Bretagne. À partir de la rentrée 2020, l’Institut travaillera sur des contenus de formation à distance. À la rentrée 2021, il sera inauguré avec une première promotion in situ d’étudiants de niveau master. Les formations proposées s’adressent à l’ensemble des acteurs : les enseignants, les écoles dépendant du ministère de la Culture, les agents des collectivités territoriales, les artistes… Il s’agit de travailler sur l’ensemble du système, et d’être beaucoup plus concret sur l’EAC pour comprendre comment elle fonctionne et apprendre à monter des projets en travaillant avec tous les acteurs d’un territoire. L’Inséac comportera aussi un volet de recherches ; pendant vingt ans, la ville de Guingamp deviendra ce qu’on appelle un « living lab » où l’on suivra les parcours en EAC de tous les enfants de la maternelle à l’université. Il s’agira d’aborder cette question fondamentale, qui n’a au fond jamais été traitée, des effets de l’EAC, via une évaluation qualitative.
Nous avons pris du retard avec le confinement, mais dès la rentrée, nous mettrons en place des cahiers de labellisation pour que tous les territoires volontaires puissent s’en saisir. La force du HCEAC est d’associer les représentants des collectivités qui vont diffuser largement ce cahier de labellisation. Libre aux acteurs de s’en saisir, mais je suis convaincu que beaucoup de collectivités le feront, parce que le 100 % EAC permet de toucher des publics qu’on ne touche pas d’habitude.
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Emmanuel Ethis : « L’EAC fonctionne quand elle devient un pacte de territoire »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Emmanuel Ethis, vice-président du Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle : « L’EAC fonctionne quand elle devient un pacte de territoire »