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TRIBUNE

Les Frac, la fracture territoriale et l’Éducation artistique culturelle

Par Bernard de Montferrand · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2019 - 767 mots

Les gilets jaunes ont obligé les politiques à ouvrir les yeux sur les fractures pourtant bien visibles qui caractérisent désormais la géographie française..

Politique culturelle. Entre les métropoles et les écarts ruraux désertés par les services publics et les transports collectifs, quelle variété de territoires, mais surtout quelle hétérogénéité entre eux, en particulier dans l’accès à l’emploi, aux services publics et surtout à la culture !

Le paysage de tant de banlieues interstitielles massacré par un urbanisme commercial mercantile est la meilleure expression du désarroi de ces zones regroupées dans des collectivités nouvelles encore étrangères aux populations. Le mot d’ordre est aujourd’hui unanime. Il convient de revenir à un « volontarisme politique », celui d’un « aménagement du territoire » qui était il y a quarante ans une « ardente obligation » et qui a été abandonné au profit des groupes de pression qui ont perdu le sens de l’intérêt général.

La tache est immense. Il faut mettre la culture au cœur de ce nouvel aménagement. Elle seule, aux côtés de l’emploi, peut créer les repères et les motivations qui créent la confiance et développent les liens sociaux. Les solutions sont simples. Nul besoin de réinventer la lune. Il faut utiliser les initiatives existantes qui marchent ; il faut enfin donner à l’éducation artistique et culturelle (EAC) les moyens nécessaires.

L’un des exemples les plus performants de la politique culturelle en régions est le réseau des Fonds régionaux d’art contemporain (Frac). Il faut continuer à le soutenir. Depuis trente-cinq ans, les Frac ont fait la preuve de l’efficacité d’une « décentralisation à la française », qui combine l’action de l’État et celle des Régions. Ces petites institutions nomades ont apporté sur tous les territoires des régions des œuvres des artistes les plus représentatifs de notre époque, de Koons à Boltanski, d’Hyber à Veilhan ou encore d’Attia à Ekchache. Les collections publiques qu’ils ont constituées représentent dans chaque région un « patrimoine contemporain », accessible au plus grand nombre. Elles sont aujourd’hui les plus montrées de France. Sans tapage, les Frac organisent tous les ans près de 500 expositions et manifestations. Grâce à leur légèreté et donc à leur capacité d’adaptation, ces associations « de mission » peuvent apporter sur tous les territoires une présence culturelle qui est celle du monde d’aujourd’hui. Depuis leur création, ils sont peut-être les seuls à n’avoir jamais cessé d’être des acteurs de proximité de l’aménagement culturel des territoires et cela est le meilleur argument pour respecter leur diversité. Mais ils ont aussi joué un rôle capital pour aider les artistes. Ils sont les art angels, les « investisseurs providentiels » de la création en soutenant beaucoup de créateurs au début de leur carrière avec tous les risques que cela comporte. Une société et des territoires gagnent au contact des artistes qui sont des « décodeurs » de notre époque et expriment ses angoisses ou ses espoirs.

Soutenir ces actions est capital. Mais l’essentiel de la tâche doit revenir à l’EAC dans le cadre de l’Éducation nationale. En 2019, il y a près de 5,7 millions d’élèves dans le secondaire dans des milliers d’établissements. C’est en enseignant l’EAC à tous ces élèves qu’on déplacera le plafond de verre des pratiques culturelles. Il faut pour cela faire preuve d’imagination, d’esprit collectif et d’ouverture sur l’extérieur. Dans chaque région une « Alliance pour l’EAC » devrait être nouée entre les établissements scolaires et toutes les institutions culturelles de la Région, musées, patrimoine, associations, pour rendre les programmes d’EAC vivants et attractifs. Car il s’agit à la fois de transmettre un vrai savoir d’histoire de l’art, de « faire aimer » l’art ou une pratique artistique et de susciter l’émotion qui l’accompagne.

L’Éducation nationale peut beaucoup gagner à des partenariats avec des institutions qui ont une expérience dans la médiation et l’éducation artistique. Pour reprendre l’exemple des Frac, ceux-ci ont développé une expertise remarquable. Le plus souvent ils organisent un contact direct avec des œuvres et associent les artistes à la médiation avec un bénéfice pour les élèves et les publics, mais aussi pour les créateurs eux-mêmes. Ils pourraient par exemple contribuer à former des maîtres et définir avec eux des modules de formation originaux.

Le plus important dans cette affaire est la continuité. Nul besoin de lancer quelque brillante idée à chaque changement de ministre. L’imagination doit être mise chaque jour dans les classes d’EAC, dans les visites de musées ou de lieux culturels les plus divers et dans la pratique d’un art. Pour le reste, il faut continuer à labourer profond ce même sillon de l’EAC en y mettant les moyens et en mobilisant tous les partenaires. C’est ainsi que l’on récoltera une société plus solidaire et de jeunes citoyens plus confiants en eux-mêmes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Les Frac, la fracture territoriale et l’Éducation artistique culturelle

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