POLITIQUE CULTURELLE

Le budget de la Culture 2025 en sursis

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2024 - 1129 mots

Monté à la hâte avant d’être soumis au feu des parlementaires, le projet de budget de la Culture pour l’an prochain tourne en rond.
Paris. Jamais au cours des vingt dernières années un budget de la Culture n’avait été préparé dans une telle confusion, et ce n’est pas fini. Après la dissolution en juin suivie des élections législatives qui n’ont pas donné de majorité absolue à un camp, le gouvernement a été dirigé par des ministres démissionnaires jusqu’à la nomination de Michel Barnier, le 5 septembre, lequel a pris quinze jours pour composer son équipe et renouveler Rachida Dati Rue de Valois. Or, traditionnellement, c’est au cours de cette période que les ministères élaborent leur projet de budget pour l’année suivante. Les services du ministère de la Culture ont appris tardivement, le 20 août, le montant du plafond des dépenses de leur budget, égal à leur budget 2024, et ont attendu les instructions de leur ministre pour effectuer des modifications à la marge. Ces incertitudes à répétition se traduisent dans les chiffres. Le projet de budget de la mission « Culture » est donc stable par rapport à la loi de finances initiale 2024 (+ 14 M€, soit une baisse si l’on tient compte de l’inflation.

L’autre grande incertitude à ce jour est le devenir de ce budget lorsqu’il sera présenté au Parlement. Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a indiqué qu’il allait proposer par amendements des économies supplémentaires de 5 milliards d’euros sur les budgets ministériels, soit une quarantaine de millions pour la Culture si le coup de rabot est proportionnel. Le gouvernement devra peut-être aussi composer avec les demandes particulières des députés et sénateurs s’il veut faire passer son budget, à moins de recourir à l’article 49.3.

Enfin, il convient de rappeler que les chiffres de la loi de finances initiale 2024, auxquels ceux de 2025 sont comparés, ne correspondent absolument pas à ce qui aura été réellement dépensé à la fin de l’année 2024. L’an dernier, Rima Abdul Malak avait annoncé un budget en hausse de 5,7 %, représentant 182 millions d’euros, mais quelques mois plus tard le budget a été amputé de 204 millions d’euros. À l’époque elle avait expliqué que cette coupe serait comblée en partie par les crédits mis en réserve, ce qui demande à être vérifié. En résumé, il ne faut pas prendre les évolutions au pied de la lettre et ne considérer que les dynamiques.
Versailles et Fontainebleau à la rescousse du Centre Pompidou
Les dynamiques significatives dans le patrimoine se jouent dans les grands travaux. Les châteaux de Versailles et Fontainebleau sont priés de revoir fortement à la baisse les enveloppes prévues dans le cadre de leur schéma directeur (« au titre de leur contribution à la maîtrise des dépenses publiques », selon la formule utilisée dans les documents remis au Parlement), afin de pouvoir financer le début du grand chantier du Centre Pompidou (29 M€). Le ministère maintient la fermeture pendant plusieurs années du Centre malgré les voix qui s’élèvent pour demander des travaux en site ouvert. Sont également inscrits en 2025 : la restauration du cloître de l’abbaye de Clairvaux (14 M€), la poursuite de la restauration de la cathédrale de Nantes endommagée par l’incendie de 2020 et qui doit rouvrir en 2025 (6 M€), la restauration de la tour Saint-Nicolas de La Rochelle gérée par le Centre des monuments nationaux (5,6 M€). Le projet de « Musée-mémorial du terrorisme » semble battre de l’aile, puisqu’il perd 2,5 millions d’euros en crédits d’investissement.
Les curiosités du programme « Création »
Le budget des arts visuels dans le programme « Création » fait également du surplace. On relève qu’une somme de 4 millions d’euros est ouverte pour « accompagner » la fusion de la Cité de la céramique et de la manufacture des Gobelins, de sorte que ce nouvel établissement qui doit voir le jour en 2025– et est supposé renforcer les métiers d’art tout en faisant des économies sur les charges de structure – commence par coûter.

Encore plus surprenante est la dotation de 7,43 millions d’euros attribuée au Palais de Tokyo. En 2023, le centre d’art parisien a bénéficié d’une subvention de 7,3 millions d’euros tout en dégageant un bénéfice de 1,1 million d’euros grâce à la manne que lui apportent la location d’espaces (4 M€), les partenariats (2 M€) et les concessions diverses et variées (3,2 M€). Il est vrai que la fréquentation payante a baissé de 21 % en 2023. En ces périodes de budget contraint, ne faudrait-il pas envisager une programmation plus attractive et baisser la subvention de l’État ? ou à tout le moins puiser dans les réserves ?

Autre sujet de curiosité : la compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs, dispositif qui entre dans sa sixième année. C’est une dépense fiscale qui ne dit pas son nom et coûte la bagatelle de 21 millions d’euros à l’État. L’explication donnée pour compenser cette dépense vaut son pesant de cacahuètes : la pérennisation de cette mesure est rendue possible par le recouvrement des cotisations sociales des artistes-auteurs transféré en 2020 à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Sous-entendu, les économies réalisées dans ce transfert (à vérifier !) permettent de financer des dépenses fiscales. Si chaque gain en productivité dans le fonctionnement de l’État se traduit par une dépense nouvelle, la France n’est pas près de diminuer son déficit.
Le Pass culture fait de la résistance
Pour symboliques qu’elles soient, les dynamiques perceptibles dans le troisième grand budget de la mission « Culture » (Transmission et démocratisation) révèlent des partis pris étonnants : la dotation du Pass culture est maintenue alors que le budget des écoles d’art perd 7 millions d’euros et celui de l’Éducation artistique et culturel, 10 millions d’euros. Anticipant une bronca au Parlement sur les 210 millions d’euros du Pass culture (auxquels s’ajoutent 71 M€ dans le budget de l’Éducation nationale pour financer la part collective), Rachida Dati a allumé un contre-feu. Dans une tribunepubliée Le Monde, elle dit vouloir moduler la cagnotte de 300 euros en fonction des revenus des parents et favoriser les achats dans le spectacle vivant.

Pendant ce temps-là, donc, le budget des écoles d’art reste stable, tandis que les indispensables travaux sont reportés, comme c’est le cas aux Beaux-Arts de Paris. Le document indique qu’une enveloppe de 7 millions d’euros est ouverte pour le plan Culture et ruralité, mais on est bien en peine de repérer le budget qui baisse pour compenser cette enveloppe.

En définitive, le seul budget qui augmente significativement est celui des dépenses du personnel du ministère (+ 3,1 %), et ce par la simple application des revalorisations statutaires car le nombre d’agents reste le même. Cela illustre bien les contraintes des budgets des ministères en général et celui de la Culture en particulier, où pas moins de 80 % des dépenses sont déjà fixées avant même de préparer le budget.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Le budget de la Culture 2025 en sursis

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