Le Musée mémorial du terrorisme affiche ses ambitions

Suresnes. Le 15 mai dernier, le Musée mémorial du terrorisme (MMT) organisait un colloque international au Centre national des arts et métiers (Cnam) à Paris, où une vingtaine de pièces des collections était exposée au public. Ces collections reflètent la complexité du projet du MMT, qui englobe à la fois l’histoire contemporaine immédiate (attentats de 2015), l’histoire politique (mouvements terroristes au XXe siècle) et politique mémorielle (associations de victimes et procès). De la robe brodée commémorant les victimes d’Utøya (Norvège) à une poubelle ayant servi aux attentats du Hezbollah dans les années 1980, en passant par des dessins d’enfants, les collections du MMT sont disparates. Les pièces liées aux victimes et aux commémorations voisinent ainsi avec des objets du quotidien, des croquis d’audience et des scellés judiciaires. Henry Rousso, président de la mission de préfiguration, explique que les collections contiendront de nombreux scellés des procès tenus en France, puisque le MMT a obtenu du ministère de la Justice de les archiver : il précise qu’après les procès « près de 80 % des scellés sont habituellement détruits en France » et que le MMT fait donc œuvre de mémoire en les conservant.

L’aspect mémoriel s’incarne aussi dans le site choisi pour le MMT à Suresnes, l’ancienne école de plein air au pied du mont Valérien. Le futur MMT y disposera d’un ensemble de bâtiments de 1935, classé « Monuments historiques (2002) ». Conçue par le maire de Suresnes comme un havre de verdure pour les enfants malades, l’École de plein air (EPA) incarnait une pédagogie novatrice, avec des salles de classe ouvertes sur un parc et des bâtiments lumineux dotés de baies vitrées sur trois côtés. Un grand bâtiment en forme de parenthèse, orienté au nord, protégeait du vent dix pavillons plus petits disséminés dans le parc arboré. Si chaque bâtiment possédait une identité chromatique, l’ensemble restait homogène par la blancheur des murs de béton et la forme des vitres. Henry Rousso précise que « l’ensemble des bâtiments sera restauré à l’identique » par l’architecte en chef des Monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier, sous la direction de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). L’architecte Fanny Houmeau, qui assiste Pierre-Antoine Gatier, précisait le 15 mai dernier que les archives de l’École de plein air permettront de restaurer la plupart des structures et des mécanismes des bâtiments, comme « l’ossature métallique des baies vitrées », élément constitutif du style « fonctionnaliste ». Il en est de même des éléments décoratifs minimalistes, qui seront restaurés avec des matériaux proches de ceux d’origine. Les mécanismes d’ouverture (par coulissage ou par enroulement) devront être réparés voire modifiés au cas par cas : les dix pavillons ne sont en effet pas tous identiques.

L’essentiel des travaux se concentrera sur le bâtiment principal en trois ailes, destiné à accueillir le hall d’entrée, le parcours permanent de 900 mètres carrés, un auditorium, des salles d’exposition temporaire et des ateliers pour les enfants. Là encore, l’ouverture des baies vitrées sur le parc reste primordiale dans le projet de réhabilitation. Ce parc fera l’objet d’une replantation, « avec des essences historiques » semblables à celles des années 1930, selon Fanny Houmeau. Et Henry Rousso ajoute que le parc sera accessible au public « sans conditions » car le MMT doit être « un lieu ouvert » : il concède cependant que la question de la sécurité se pose et qu’elle est prise en compte dans le projet de réhabilitation.

Reste l’aspect « mémorial » du MMT, qui sera hébergé dans le plus grand des dix pavillons du parc. Ce pavillon sur deux étages de forme octogonale se situe au centre du site : il centralisera en quelque sorte la circulation des publics, et sera accessible directement depuis l’entrée du MMT. Conçu comme un lieu de recueillement pour les familles de victimes, les survivants et le public, il abritera une œuvre recensant les noms des victimes des attentats en France et des victimes françaises à l’étranger depuis 1974 (date du décret qui crée la médaille de victime du terrorisme). Henry Rousso précise que l’œuvre fait l’objet d’un concours international, œuvre qui devra être évolutive en cas de nouvel attentat : « Le MMT travaille en effet sur un phénomène en cours. » Il ajoute qu’il ne s’agit pas pour autant de « construire un mausolée ». Le budget total des travaux avoisine 95 millions d’euros sur un peu plus de deux ans, un montant conséquent.

Si le budget des travaux semble garanti par quatre ministères, le projet ambitieux du MMT risque de se heurter à l’austérité budgétaire à moyen terme : malgré le soutien de huit ministères, membres fondateurs du GIP, le MMT concède que son budget de fonctionnement pour 2025 a déjà baissé (il est de 583 550 euros en 2024). Le MMT ajoute que le budget prévu pour l’ouverture en 2027 est encore en discussion avec les ministères et les services du Premier ministre. Un responsable du mécénat a été engagé récemment pour « renforcer la solidité du projet ». Comme de nombreuses institutions culturelles, le MMT doit donc diversifier ses ressources, malgré le soutien des ministères à ce projet dont Henry Rousso souligne l’aspect « expérimental ».