Éditorial

La politique de l'autruche

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2024 - 420 mots

Budget. Comme dans les polices d’assurance, c’est en tout petit qu’est mentionné dans les 283 pages du projet de budget de la Culture pour 2025 ce qui pourrait se passer après 2025.

Il est en effet inscrit que le budget de la mission baissera de 6,5 % en 2026 et de 2,5 % en 2027. Soit une diminution des crédits de paiement de 240 millions d’euros en 2026 et de 333 millions en 2027. Il est même prévu que les dépenses de personnel diminuent en 2027, ce qui suppose le départ ou plutôt le non-remplacement de nombreux agents.

On se demande pourquoi le budget de la Culture ne baisse pas dès 2025 étant donné l’état des finances publiques. L’explication est simple, la ministre de la Culture anticipe son départ l’an prochain pour préparer les élections municipales parisiennes et préfère laisser le fardeau des sacrifices à ses successeurs.

On objectera qu’il est dans l’ordre des choses qu’un ministre défende le budget de son administration, de même qu’un journal d’art peut se lamenter des coupes dans les subventions publiques du secteur. Après tout, que pèse le budget de la Culture face à l’ampleur de la charge de la dette ? à peine 3,9 milliards contre 54,2 milliards d’euros pour les seuls intérêts d’emprunt en 2024. Ne faudrait-il pas regarder aussi du côté de l’autre grande mission de la Rue de Valois, l’audiovisuel public, dont la dotation est supérieure (de peu) à celle de la Culture pour un périmètre plus étroit ?

Mais raisonner ainsi reviendrait, dans un autre registre, à ne pas engager la France dans la transition écologique au motif qu’elle ne contribue qu’à 1 % des gaz à effets de serre dans le monde. Chaque secteur doit faire des efforts proportionnellement à ce qu’il coûte. Entre 2017 et 2024, Emmanuel Macron a augmenté le budget de la Culture de 500 millions d’euros (dont 210 pour le Pass culture). Il doit être possible d’en reprendre une partie sans mettre en danger la protection du patrimoine, le soutien à la création et la démocratisation culturelle.

On regretta à cet égard l’opacité des documents officiels qui ne permettent pas vraiment de connaître les budgets opération par opération, et d’éclairer ainsi le débat public sur l’opportunité des dépenses. Il n’existe même pas de document récent qui consolide les budgets de la Culture de l’État et des collectivités territoriales alors qu’il est admis que les contributions de ces dernières s’élèvent au moins au double de celle de l’État. Une bonne information est le préalable à tout bon diagnostic.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : La politique de l'autruche

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque