Société

Après la pluie…

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 494 mots

25 % de soleil en moins, 20 % de pluie en plus. L’hiver 2025 s’inscrit dans la droite ligne de l’année 2024, la moins ensoleillée en France depuis 1991. 

Et même si Henri Matisse écrivait qu’« il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir », force est de constater que tout le monde attend avec impatience le retour du printemps, le vrai ! Avant de retrouver les ciels bas et humides de l’automne, qu’annonce non sans malice une prochaine grande exposition du Musée d’arts de Nantes (« Sous la pluie », en novembre), profitons des beaux jours et de cette régénération saisonnière.

On ira donc, traversant les frondaisons du bois de Boulogne à Paris, voir l’exposition consacrée à David Hockney par la Fondation Louis Vuitton, qui offrira au public une profusion d’œuvres des vingt-cinq dernières années de création de l’artiste. Un peintre de presque 88 ans – 88 printemps ! – qui affiche une jeunesse créative et une curiosité formelle que beaucoup lui envieraient. De nombreux autres événements invitent à goûter à une certaine forme d’insouciance ou d’émerveillement, telle l’exposition « Eugène Boudin » du Musée Marmottan Monet, propice aux promenades venteuses sur les littoraux normands, ou la manifestation Lille 3000, intitulée « Fiesta », qui s’ouvre avec une grande parade populaire et une exposition au Palais des beaux-arts qui, riche de chefs-d’œuvre, donne le ton : « Fêtes et célébrations flamandes ».

Il y a dans cette période incertaine, menaçante à de nombreux égards, un besoin d’expériences légères. Non pas qu’il faille accoler cette épithète à toutes les expositions, loin de là même, puisque les préoccupations climatiques, sociales et politiques n’ont pas déserté les cimaises. Mais la fréquentation de l’art procure de nécessaires échappées, à l’heure où les trois grandes aires d’influence du monde développent aujourd’hui un récit national décomplexé aussi désarçonnant qu’effrayant : l’Amérique de Donald Trump, son impérialisme retrouvé, sa croisade contre les sciences, l’édition, et pour la suprématie du mâle blanc, la Chine de Xi Jinping et son obsession de la censure, la Russie de Vladimir Poutine et son aversion pour la vérité qui sert un expansionnisme d’un autre temps. Dans ce contexte anxiogène, les événements artistiques agissent comme des soupapes, en mettant en avant les vitalités et les résiliences de la nature humaine quand l’époque en montre les faces obscures jusqu’à saturation. Aller voir les expositions est une thérapie. Une catharsis salutaire, comme le sont d’ailleurs les autres fréquentations artistiques de manière générale, qu’on aime écouter de la musique comme assister à du spectacle vivant.

Quoiqu’on dise, l’art est sans doute aujourd’hui l’un des derniers champs sociaux à faire fi des frontières ou des origines, qui ne peuvent pas constituer des éléments d’appréciation et de hiérarchisation. En ces temps où l’on galvaude avec un cynisme sans limites la « liberté d’expression » pour mieux manipuler les foules, cela fait du bien de se dire que l’expérience artistique, par nature, reste un véritable et authentique refuge de toutes les libertés d’expression. Un safe space pour respirer un peu.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Après la pluie…

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