Espagne - Restitutions

Première restitution d’œuvre volée sous le régime franquiste

Par Cordelia Hales · lejournaldesarts.fr

Le 18 décembre 2024 - 505 mots

Un portrait du XIXe a été restitué à ses ayants droit 80 ans après sa confiscation sous Franco, première d’une longue série.

Restitution à la Fondation Giner du portrait de Don Francisco Giner de Los Rios réalisé en 1852 par Manuel Ojeda y Siles. © Ministère de la Culture espagnol
Restitution à la Fondation Giner du Portrait de Don Francisco Giner de Los Rios réalisé en 1852 par Manuel Ojeda y Siles.
© Ministère de la Culture espagnol

Deux ans après l'adoption d’une loi sur la restitution des biens saisis au cours de la période franquiste, le ministre espagnol de la Culture, Ernest Urtasun, a officiellement remis à la Fondation Francisco Giner de Los Rios la première œuvre volée de son inventaire : Le portrait de Don Francisco Giner de Los Rios, réalisé en 1852 par le peintre Manuel Ojeda y Siles (le père de Francisco Giner de Los Rios). « Longtemps resté au fond d’un placard de la bibliothèque nationale d’Espagne », le tableau a été remis à la fondation 80 ans après sa confiscation par le régime franquiste. « La toile revient désormais au premier plan de notre histoire, elle retourne chez elle », a déclaré Ernest Urtasun lors de la cérémonie de restitution.

Le tableau avait été confisqué en 1940. À cette époque, Francisco Giner de Los Ríos travaillait, depuis quatre décennies à l’Institution libre d’enseignement de Madrid. Les troupes rebelles qui assiégèrent Madrid en 1939 firent irruption dans les locaux de l’établissement. En 1940, celle-ci fut interdite et les biens, dont le portrait de Francisco Giner, furent confiés au ministère de l’Éducation nationale.

En 1978, un décret reconnaît la Fondation Francisco Giner de los Ríos comme héritière de l’institution et ayant droit de ses biens. La restitution intervient dans les faits grâce à la loi mémorielle de 2022. Cette loi ouvre en effet le droit à la restitution des biens saisis (article 31) sous le franquisme. Elle donne lieu en juin 2024 à un inventaire des biens saisis mené par la direction générale du patrimoine culturel et des beaux-arts (DGPC). Cet inventaire, consacré exclusivement aux seize musées d’État, recense aujourd’hui 5 000 pièces : peintures, bijoux, céramiques, sculptures, éventails, meubles et vaisselle. Ces saisies remontent au moment où le gouvernement de la République a créé l’Autorité du Trésor de l’Art (JTA) afin de protéger les biens des pillages et des bombardements. À la fin de la guerre, le régime franquiste, arrivé au pouvoir, a créé le Service de défense du patrimoine artistique national (SPDAN) afin de restituer les œuvres à leurs propriétaires, ce qui n’a été fait qu’en partie. Ces œuvres ont alors pour la plupart été remises à diverses institutions et musées.

Si la remise de ce tableau est symbolique « c’est un petit tableau dans son format, mais grand et décisif dans sa signification » expliquent les autorités dans El Pais, un important travail de recherche reste encore à faire. En effet, d’aucuns s’étonnent de la faible quantité et valeur de l’inventaire des biens volés dans les musées nationaux. Il serait nécessaire de regarder du côté des musées privés régionaux ou municipaux, qui détiennent eux aussi des œuvres pillées. En 2021, lors de ses recherches, le chercheur Arturo Colorado Castellary avait notamment identifié pas moins de 17 000 œuvres non restituées, dont 8 710 avaient été en dépôt dans les musées, les organismes publics, les églises ou encore chez des particuliers sous Franco.

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