Gaz et effet de serre, chiffres mondiaux d’émissions, engagement des États... tout comprendre à la décarbonation.
Toutes les réponses aux questions que l’on se pose sur le réchauffement climatique et les mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
La surface terrestre absorbe une partie du rayonnement solaire et renvoie en retour des rayons infrarouges. Les gaz à effet de serre (GES), naturellement présents dans l’atmosphère, agissent de la même manière que le verre d’une serre : ils piègent une partie de ces rayons et retiennent ainsi la chaleur autour de la Terre. Ce faisant, ils rendent la planète habitable en maintenant à la surface une température moyenne de +15 °C (sans eux, elle avoisinerait les - 18° C). Mais à ce phénomène naturel, s’ajoutent les activités humaines fortement génératrices de GES qui, en amplifiant leur concentration dans l’atmosphère, causent un dérèglement climatique. Ce déséquilibre provoque des changements importants : augmentation des températures moyennes et des phénomènes extrêmes tels que des vagues de chaleur, des ouragans et des inondations.
Le dioxyde de carbone (CO2), généré par la déforestation et l’utilisation de combustibles fossiles, est le plus souvent cité mais il en existe d’autres, à commencer par le méthane qui est produit lors de la combustion et décomposition de matières organiques et qui est surtout lié à l’élevage animal. Parmi les principaux GES, figurent aussi le protoxyde d’azote, généré par la fabrication de certains engrais et procédés chimique, et les gaz fluorés produits par les réfrigérants et procédés industriels.
Tous ces gaz n’ont pas la même durée de résidence dans l’atmosphère ni le même pouvoir de réchauffement. Pour simplifier le calcul de leur impact sur l’environnement, une unité de mesure commune a été créée par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) : la tonne équivalent CO2 (t CO2 eq). Le dioxyde de carbone est utilisé comme référence puisqu’il représente près des deux tiers des émissions mondiales de GES induites par les activités humaines, en plus de rester présent longtemps dans l’atmosphère. Chaque gaz est alors comparé au CO2 en fonction du réchauffement qu’il cause sur cent ans (PRG100). À titre d’exemple, 1 g de méthane a le même PRG100 que 28 g de CO2.
Le mathématicien et physicien français Joseph Fourier (1758-1830) est le premier à émettre la théorie selon laquelle les gaz de l’atmosphère augmentent la température à la surface de la Terre, phénomène ensuite démontré par la chercheuse américaine Eunice Foote (1819-1888) en 1856. Quarante ans plus tard, le chimiste suédois Svante Arrhenius (1859-1927) constate que l’accumulation du CO2, sous l’effet de l’utilisation industrielle des combustibles fossiles, réchauffe la planète. Dans les années 1950, le scientifique américain Charles Keeling (1928-2005) développe alors le premier instrument capable de mesurer directement le CO2 de l’atmosphère, donnant naissance à la célèbre « courbe de Keeling ». Cette prise de conscience environnementale franchit une nouvelle étape avec la publication du rapport Charney en 1979, le premier document scientifique officiel qui interpelle le monde politique sur le réchauffement climatique causé par les activités humaines. La même année, la première Conférence mondiale sur le climat se tient à Genève et dix ans plus tard, en 1988, le GIEC est créé. L’organisme intergouvernemental est alors chargé d’évaluer l’évolution du climat, ses causes et ses impacts.
53,7 milliards de tonnes de CO2 eq ont été produites dans le monde au cours de l’année 2022, selon les estimations de The Emissions Database for Global Atmospheric Research (Edgar), un rapport de la Commission européenne, en progression de 62 % par rapport à 1990. La majorité des émissions de GES proviennent des grandes puissances économiques et industrielles. La Chine représente à elle seule plus d’un quart de ces émissions (29 %) en générant près de 16 milliards de tonnes de CO2 eq en 2022. Une grande partie vient de son utilisation des ressources énergétiques carbonées, notamment du charbon (70 % de son mix énergétique) et du pétrole. Les États-Unis arrivent en deuxième position (11 %) et l’Inde en troisième (7 %). La France génère 430 millions de tonnes de CO2 eq, (mais 404 millions de tonnes selon les chiffres officiels de la France) soit 0,8 % des émissions mondiales. Attention, ces chiffres relèvent de « l’approche inventaire » et ne prennent pas en compte le bilan carbone des biens importés (voir plus bas) et exportés. Dans « l’approche inventaire », le bilan carbone d’un produit fabriqué en Chine et importé en France est mis sur le compte de la Chine. Si l’on prend en compte les produits et services importés, l’empreinte carbone de la France est de 623 millions de tonnes de CO2 eq émises en 2022 selon le Service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique, soit 1,15 % des émissions mondiales.
« L’approche inventaire », se focalise uniquement sur les émissions territoriales, c’est-à-dire sur celles produites sur le territoire national. Toutes les émissions liées aux biens importés d’autres pays pour la consommation intérieure ne sont donc pas comptabilisées. Cette approche est privilégiée pour faire des comparaisons entre les pays puisqu’elle permet d’additionner facilement leurs émissions sans risquer de les compter en double. Mais ces chiffres sont imparfaits puisqu’en sont exclues les émissions associées au transport aérien et maritime international et surtout celles liées aux importations de biens et services. « L’approche empreinte », intègre, elle, les émissions importées. Elle ajoute tous les GES induits par la consommation, dans un pays, de produits fabriqués à l’étranger. De même, elle soustrait le bilan carbone des produits fabriqués dans le pays et exportés.
Les émissions brutes de GES correspondent à celles rejetées dans l’atmosphère, alors que les émissions nettes soustraient celles qui sont absorbées par les puits de carbone. Ces derniers, qui peuvent être naturels comme artificiels, absorbent et stockent le CO2 de l’atmosphère. Les océans, les forêts, les sols et les tourbières constituent les principaux puits de carbone naturels. À lui seul, l’océan absorbe et stocke durablement près de 30 % des émissions de carbone anthropiques chaque année (naturellement dissoutes dans l’eau et captées par la photosynthèse du phytoplancton). Deuxième plus grand puits de carbone de la planète, les forêts rejettent plus rapidement dans l’atmosphère le CO2 qu’elles ont absorbé via la photosynthèse : entre 20 et 80 ans selon le type de forêt (tempérée, méditerranéenne, tropicale ou boréale). En France, on assiste à une baisse importante des puits de carbone en raison notamment de la sècheresse. Alors que la quantité de CO2 absorbé était de 35 millions de tonnes en 2015, elle a chuté à 13 millions de tonnes en 2022.
Les chiffres d’émission de GES par habitant ne sont pas les mêmes selon que l’on prend en compte l’approche « inventaire » ou l’approche « empreinte » c’est-à-dire selon l’endroit où l’en prend en compte les biens ou services consommés importés. Selon l’approche inventaire, un Quatari a émis 67 tonnes de CO2 eq en 2022, un Américain 17,90 tonnes, un Chinois 10,95 tonnes et un Français 6,60 tonnes, soit proche de la moyenne mondiale (6,76) [source Edgar].
Mais selon l’approche « empreinte », un Français a émis en moyenne 11,2 tonnes de CO2 eq en 2018 [source SDES]. Les trois quarts de son empreinte carbone proviennent de ses déplacements, de son type d’habitat et de son alimentation. Elle varie surtout selon le niveau de revenus : les individus les plus aisés tendent à émettre davantage du fait de leur niveau élevé de consommation. Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), évalue ce chiffre à 8,2 tonnes de CO2 eq par individu, en faisant une enquête déclarative couplée à des facteurs d’émissions d’analyse de cycle de vie plutôt que d’adopter une approche macro-économique. En comparaison, l’empreinte carbone d’un Asiatique est de 3,8 tonnes de CO2 et celle d’un Africain de 1,1 [source rapportée par le ministère de la Transition écologique]. À noter que pour contenir le réchauffement climatique à + 2°C, il faut que l’empreinte carbone par individu soit entre 1,6 et 2,8 tonnes de CO2.
De grandes négociations internationales ont lieu chaque année pour réduire les émissions mondiales de GES. Depuis 1995, plus d’une centaine de pays se réunissent lors de la Conference of the Parties (COP) pour lutter conjointement contre le réchauffement climatique. En 1997, la COP3 se conclut sur la ratification du Protocole de Kyoto, qui fixe pour la première fois un cadre contraignant aux émissions mondiales de GES : elles doivent être réduites d’au moins 5 % (par rapport aux niveaux de 1990) entre 2008 et 2012. En 2015, l’adoption de l’Accord de Paris (COP21) marque également un tournant. Les pays signataires s’engagent à contenir d’ici à 2100 le réchauffement de la planète en dessous de 2° C maximum par rapport à l’ère préindustrielle et de poursuivre leurs efforts pour le limiter à 1,5° C. À ce jour, 193 pays et l’Union européenne ont adhéré à l’accord, qui les engage à soumettre tous les cinq ans un plan d’action national mis à jour.
Pour respecter son engagement à l’international, le gouvernement français a fixé dans son Plan climat de 2017 l’objectif d’atteindre la neutralité carbone dès 2050 sur tout le territoire. Cette neutralité carbone correspond à un état d’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone de l’atmosphère par les puits de carbone. Pour y parvenir, la France devrait ramener ses émissions de GES à 80 millions de tonnes de CO2 eq par an et augmenter au même niveau ses puits de carbone. Conformément à la loi européenne sur le climat, la France s’est ainsi engagée, d’ici à 2030, à réduire de 50 % ses émissions brutes et de 55 % ses émissions nettes de GES (incluant l’absorption du CO2 par les puits carbone) par rapport à 1990. En 2021, l’État français a été condamné par le tribunal administratif de Paris pour ne pas avoir tenu ses engagements de réduction des GES sur la période 2015-2018. Le plan de transformation écologique de l’État, paru en mars 2024, fixe un objectif de réduction de 22 % des émissions d’ici à 2027 (au rythme de 4 à 5 % par an) et une diminution de 138 millions de tonnes de CO2 eq d’ici à 2030. Une résolution plutôt sur la bonne voie puisqu’entre 2022 et 2023, les émissions nationales ont baissé de 5,8 % selon les données du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa).
Le secteur des transports circulant dans le territoire est incontestablement le plus polluant [voir tableau ci-dessous] : il est à l’origine de plus d’un quart des émissions nationales, avec 138 millions de tonnes de CO2 eq émises en 2021 selon le Citepa. Elles proviennent en grande partie du déplacement des véhicules particuliers. L’agriculture arrive en deuxième position avec 81 millions de tonnes de CO2 eq, essentiellement produites par l’élevage et la fertilisation des cultures. Puis, vient le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction (78 millions de tonnes de CO2 eq) et celui des bâtiments et activités résidentielles et tertiaires (75 tonnes de CO2 eq). Les émissions du secteur de l’énergie, évaluées à 44 millions de tonnes de CO2 eq ont, quant à elles, diminué depuis 1990 du fait de l’évolution du mix énergétique français, qui est aujourd’hui l’un des plus décarbonés d’Europe avec comme source principale le nucléaire et, dans une moindre mesure, les énergies renouvelables.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La lutte contre le réchauffement climatique en questions / réponses
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : La lutte contre le réchauffement climatique en questions / réponses