Royaume-Uni - Musée

Le Science Museum met fin au sponsor du pétrolier Equinor

Par Sara Genin · lejournaldesarts.fr

Le 24 juillet 2024 - 670 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

L’entreprise norvégienne ne respecte pas les objectifs de l’accord de Paris, motif de rupture de contrat pour le musée londonien.

Science Museum de Londres. © Gary Bembridge, 2012, CC BY 2.0
Le Science Museum de Londres.
Photo Gary Bembridge, 2012

Le président du conseil d’administration du Science Museum Group, Tim Laurence, a annoncé la fin de l’accord de mécénat avec Equinor, géant norvégien du pétrole, dans un communiqué publié sur le blog du musée le 28 juin 2024. Depuis mai 2022, la direction du musée s’est en effet engagée à rompre le contrat des sponsors ne respectant pas les critères climatiques conformes à l’Accord de Paris (2015). 

De nombreux courriels obtenus récemment par le groupe de militants écologistes « Culture Unstained » ont mis en évidence des éléments compromettants pour l’entreprise pétrolière. Le directeur du Science Museum Group, Ian Blatchford, a révélé dans L’Observer qu’Equinor avait délibérément enfreint l’engagement du musée pour la limitation du réchauffement climatique à 1,5 degrés.

Cette décision n’a pas éteint la polémique sur l’implication des entreprises du secteur des énergies fossiles dans les musées, bien que les militants saluent un « changement radical ». Certains activistes pointent en effet l’absence de prise de position nette du Science Museum dans le communiqué, qui remercie largement Equinor pour ses contributions précédentes. Une « clause baillon » du contrat de sponsoring prévient tout commentaire négatif de la part du musée sur les activités d’Equinor. 

« Plutôt que de dire fièrement au monde qu’il a agi parce que son sponsor bafouait les objectifs climatiques soutenus par les gouvernements du monde entier, le musée continue de diffuser le faux récit selon lequel ses sponsors polluants mènent la transition énergétique » dénonce Sara Waldron, co-directrice de Culture Unstained. Le groupe militant appelle le Science Museum à abandonner ses autres contrats de sponsoring avec le pétrolier British Petroleum et le géant du charbon Adani. Le président du conseil d’administration a répondu par la négative au nom du musée, annonçant conserver les sponsors actuels. 

Le Science Museum est sous pression depuis juillet 2018, lorsque 46 scientifiques avaient déposé une plainte officielle, lui demandant de mettre fin à ses partenariats avec les géants pétroliers British Petroleum, Shell et Statoil/Equinor. Les signataires brandissaient alors l’engagement du Musée qui annonçait officiellement « s’engager pour l’urgence du défi climatique ». Depuis mars 2024, les éco-activistes menés par le groupe Fossil Free Now ont multiplié les actions devant le musée pour protester contre les parrainages pétroliers dans le secteur culturel. 

Les scientifiques signataires de la pétition ont également dénoncé l’ingérence d’Equinor dans le contenu des expositions du musée, qui selon eux permettent au géant du pétrole de défendre auprès des politiques et du grand public l’exploitation des combustibles fossiles. Les critiques accusent un autre groupe pétrolier Shell d’avoir utilisé les expositions du Science Museum à ses propres fins. « Les courriels révèlent que le Science Museum est un rouage important de la machine de propagande de Shell », estime Chris Garrard du groupe de campagne anti-sponsor du pétrole « BP or not BP »

Un article du Guardian (2015) révélait que Shell avait tenté d’influencer la présentation d’un espace du musée sur le changement climatique qu’il sponsorisait. Shell est le principal sponsor de la « galerie Atmosphère » au Science Museum, conçue pour sensibiliser le public aux enjeux du réchauffement climatique. Un courriel accablant révélait ainsi les inquiétudes des dirigeants de Shell quant à la présence de membres de certaines ONG à un symposium du musée.

Avant d’écarter Equinor de ses sponsors, Ian Blatchford avait déclaré en 2019 au Financial Times que même si le Science Museum était financé par les fonds publics il était souhaitable de bénéficier des parrainages des sociétés pétrolières dans un contexte de raréfaction des subsides publiques. Le conseil d’administration du musée révèle dans le communiqué du 24 juin que les 95 millions de livres investis dans la transformation des galeries du musée ces dix dernières années ont été entièrement financés par les entreprises pétrolières. « Pas un seul centime ne provenait des contribuables » affirme-t-il. Mark Jones, actuel directeur du British Museum a récemment proposé l’idée d’un billet d’entrée à 20 livres pour les touristes étrangers dans les musées nationaux comme alternative au mécénat des entreprises du secteur des énergies fossiles. 

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