La loi impose à des structures d’une certaine taille de réaliser et publier un bilan carbone sur un site public. Les lieux culturels y sont astreints aussi s’ils ont plus de 250 agents.
France. Depuis 2010, la loi Grenelle II impose à un certain type d’acteurs publics et privés de comptabiliser leurs émissions de GES et de mettre en place un plan d’action pour les réduire. Cette obligation concerne les entreprises de plus de 500 salariés en France métropolitaine et de plus de 250 salariés en outre-mer, les collectivités locales de plus de 50 000 habitants et les établissements publics de plus de 250 agents. Le bilan intitulé « Bilan des émissions de gaz à effet de serre » (BEGES) doit ensuite être mis à jour tous les trois ans (quatre pour les entreprises) et être publié sur la plateforme de l’Ademe depuis 2016, où il est accessible à tous.
Le BEGES est une déclinaison de la méthodologie Bilan Carbone, développée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) au début des années 2000, avec l’aide de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici. Celle-ci est gérée par l’Association Bilan Carbone, récemment renommée Association pour la transition Bas Carbone (ABC), depuis 2011. Sur le même principe que la méthodologie Bilan Carbone, le BEGES comptabilise les émissions de GES liées à l’activité d’une entité en les divisant en trois catégories intitulées « scopes » tels qu’ils sont définis par le Greenhouse Gas Protocol, protocole international adopté en 2001. Mais alors que le Bilan Carbone fait un recensement complet de ces émissions, le BEGES en est une version simplifiée : jusqu’à encore récemment, il n’obligeait à prendre en compte que les scopes 1 et 2, rendant la comptabilisation du scope 3 facultative alors même qu’il représente la majorité des émissions de GES d’une structure.
Ce n’est que depuis le 1er janvier 2023, avec l’entrée en vigueur du décret n°2022-982, que les assujettis sont astreints à comptabiliser et à publier 80 % des émissions les plus significatives du scope 3. Ils n’ont pas à inclure l’intégralité des émissions de cette catégorie puisque certaines pèsent très peu dans l’empreinte carbone globale d’une structure, mais au moins 80 % des émissions du scope 3 doivent être intégrées. « C’est une étape très importante d’un point de vue réglementaire, explique Carole Rapilly, ingénieure et directrice générale, fondatrice du cabinet TranSyLience spécialisé dans les conseils en stratégie bas carbone. Alors qu’une organisation dispose la plupart du temps de leviers directs pour réduire les émissions des scopes 1 et 2, ce n’est pas le cas pour le scope 3. Elle est alors obligée d’impliquer des acteurs extérieurs comme ses fournisseurs par exemple. »
Le décret instaure également un autre changement : la substitution du plan d’action par un plan de transition qui se veut plus exigeant. Les institutions doivent désormais détailler les moyens, les actions, mais aussi les objectifs de réduction quantitatifs qu’elles comptent mettre en place sur le moyen et long termes. Il est cependant à noter que ces objectifs ne sont pas définis par la réglementation, mais par l’institution en question, qui est libre de les respecter ou non.
Les sanctions encourues en cas de non-respect de la loi ont évolué dans le temps. La sanction pour non-réalisation d’un BEGES a d’abord été de 1 500 euros puis a été portée à 10 000 euros (20 000 euros en cas de récidive) en 2022. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’industrie verte de 2023, l’amende maximale est de 50 000 euros (100 000 euros en cas de récidive). Des agents habilités par le préfet de région sont chargés de contrôler le respect de cette réglementation, mais l’État se montre encore peu exigeant dans son application.
De nombreux assujettis ne respectent pas cette obligation légale. En 2021, seul un tiers des cinq mille organisations privées et publiques concernées avait publié leur BEGES sur le site de l’Ademe. Ce non-respect de la loi est pointé du doigt par des organismes indépendants comme le collectif Open Carbon Watch, qui met en ligne une liste de tous les assujettis en indiquant s’ils ont bien mesuré leur empreinte carbone et, le cas échéant, à quand remonte leur dernier bilan. « Cette pression sociétale vis-à-vis d’un engagement écologique se fait de plus en plus forte aujourd’hui, relève Carole Rapilly. C’est aussi ce qui favorise une prise de conscience commune et permet de faire progressivement bouger les choses. »
Conformément à la loi, les structures culturelles doivent réaliser un BEGES si elles ont plus de 250 employés. En France, seule une poignée de musées sont concernés : le Louvre, le Musée d’Orsay et le Musée de l’Orangerie, le Quai Branly, le Grand Palais, le Centre Georges Pompidou, le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie, le Muséum national d’histoire naturelle… D’autres établissements culturels sont aussi soumis à cette obligation. Parmi eux, le château de Versailles, le Mobilier national, la Bibliothèque nationale de France, la Comédie-Française, la Philharmonie de Paris, le Centre national du cinéma et de l’image animée ou encore l’Opéra national de Paris.
Plusieurs musées réalisent leur bilan carbone, même s’ils n’en sont pas obligés, qu’ils publient ou non sur l’Ademe. Dans le cadre de son programme de mécénat « Palais Durable », le Palais de Tokyo a rendu public son bilan carbone sur l’année 2021 et sa feuille de route qui vise une réduction de ses émissions de 42 % d’ici à 2030. Le Musée des beaux-arts de Lyon a aussi réalisé son bilan carbone (sans compter le déplacement des visiteurs) pour la première fois l’année dernière, tout comme le Jeu de Paume qui a évalué son empreinte carbone sur l’année 2022 en se fixant comme objectif de la réduire de 40 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2050. En février dernier, l’Icom a lancé un appel d’offres pour concevoir un référentiel carbone à destination des petits et moyens musées français, pour lesquels le BEGES n’est pas obligatoire.
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La réglementation des émissions de gaz à effet de serre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : La réglementation des émissions de gaz à effet de serre