PARIS
L’ancienne directrice du Musée des arts décoratifs et directrice adjointe chargée des arts plastiques au ministère de la Culture dirige le Centre national des arts plastiques depuis fin 2019.
Le Cnap est l’opérateur du ministère de la Culture pour le secteur des arts visuels, chargé de la gestion de la collection du fonds national d’art contemporain et du soutien aux artistes et professionnels de l’art contemporain.
Béatrice Salmon : L’équipe du Cnap, à la fois celle du pôle création, du pôle collection et de l’administration, s’est adaptée et fonctionne en télétravail. Cela correspond à 70 % de l’effectif, soit une cinquantaine de personnes. En revanche, les personnels liés à la régie des œuvres ne peuvent plus travailler – même si nous continuons à recevoir des demandes – et sont en autorisation exceptionnelle d’absence. De même, l’équipe extérieure qui intervenait sur le chantier des collections est en chômage partiel. Le point positif est que tout le monde est en bonne santé.
Nous avions déjà une expérience du télétravail et de la dématérialisation des procédures, y compris dans la préparation de nos commissions. Aujourd’hui, c’est très utile car cela nous permet de continuer à être opérationnel, notamment pour mettre en œuvre les aides d’urgence. Je voudrais saluer le travail de l’équipe qui fait face à ce défi avec beaucoup d’efficacité.
Oui. Trois personnes sont mobilisées sur cette opération et reçoivent une centaine de courriels par jour. Chaque cas est un cas particulier et nous essayons de trouver la solution la plus adaptée en orientant au mieux notre interlocuteur. L’aide qui peut aller jusqu’à 2 500 euros pour les artistes et auteurs dont l’activité est pénalisée par le confinement sera versée à partir de la fin avril. Les premiers messages reçus indiquent que ce sont les artistes indépendants, sans activité professionnelle principale ou complémentaire, qui sont les plus pénalisés.
À ce jour, la dotation confiée par le ministère de la Culture au Cnap est de 1,2 million d’euros, dont 500 000 euros pour ce fonds. C’est une mesure très circonstanciée, dans un moment que je regarde comme un début de crise.
500 euros par jour de présence et 800 euros pour deux jours. Il faut bien comprendre que le travail en commission ne se limite pas à assister à la commission, il y a une importante phase de préparation. Les bénéficiaires en sont les artistes et auteurs présents au titre des personnalités qualifiées ; cela représente environ une trentaine de personnes. Les membres de droit sont salariés, donc rémunérés, et cela rentre dans leurs missions. Mais quand un artiste participe à une commission, il n’est pas dans son atelier et un auteur n’est pas devant son ordinateur en train de produire de la pensée. Cette mesure sera pérennisée au Cnap. Cela rejoint la problématique plus générale de la rémunération des artistes et auteurs dans le domaine des arts visuels, dossier dont s’est saisi la Direction générale de la création (ministère de la Culture) depuis plusieurs mois. Dans cette continuité, le Cnap s’engage dans une réécriture des contrats de prêts pour demander aux emprunteurs de respecter ce droit.
Oui, et je voudrais préciser qu’elle s’ajoute aux autres commissions d’acquisition qui sont maintenues. Avec ce montant additionnel de 600 000 euros, le budget d’acquisition du Cnap est de 2,4 millions d’euros cette année. Les trois grands domaines habituels d’intervention du Cnap sont concernés : arts plastiques, photographie, design/art décoratif pour un montant maximum de 25 000 euros. Cette session exceptionnelle est réservée aux galeries françaises pour des artistes de la scène française. Dans le monde « d’après », il est indispensable de renforcer l’économie de la scène française.
C’est difficile de mesurer cet impact à l’heure actuelle. Avant le confinement, nous tablions sur un début de chantier à la fin de l’année et une ouverture en 2023. En tout cas, nous continuons à avancer sur ce dossier. Nous espérons une validation définitive de l’Avant-projet détaillé (APD) à la fin du mois, ce qui autorisera les architectes à préparer le dossier qui réunit les pièces permettant aux entreprises de répondre aux appels d’offres.
Il est à l’arrêt et c’est bien dommage, y compris pour l’équipe extérieure qui a été constituée. À l’automne dernier, nous avions monté une équipe externe d’une dizaine de personnes composée de restaurateurs, documentalistes, photographes, tous indépendants. Elle avait démarré le chantier fin octobre. Le travail est gigantesque puisqu’il s’agit, pour chacune des quelque 40 000 œuvres qui sont dans nos réserves, de vérifier leur état, effectuer de micro-restaurations (nettoyage), identifier d’éventuels travaux de restauration plus conséquents, les photographier si nécessaire et les conditionner pour le déménagement. Les travaux étaient prévus initialement jusqu’en 2022 pour un coût total de plus de 2,5 millions d’euros.
Oui, tout à fait, nous ne connaissons pas assez notre population comme le rapport Racine l’a souligné. Y a-t-il des « trous dans la raquette », dans les divers dispositifs ? Avant la crise, j’avais prévu de réunir l’ensemble des acteurs, public ou privé afin de faire un état des lieux des aides. Je compte relancer cette initiative lorsque le déconfinement le permettra ; nous ne pouvons plus continuer chacun dans notre coin, il nous faut mieux nous coordonner. De mon côté, au Cnap, je souhaite muscler notre offre d’accompagnement auprès des artistes et auteurs dans un état d’esprit très pratique. Cette crise souligne l’hyper fragilité des artistes et auteurs, notre responsabilité est d’être à leurs côtés.
Par son caractère mondialisé, cette crise interroge nos modèles. Ensuite, elle ne doit pas cacher l’autre crise, la crise écologique, et il est indispensable de repenser notre action à l’international en fonction de cette nouvelle donne. Le confinement nous rappelle aussi que l’expérience de l’œuvre est d’abord « présentielle », et le Cnap, dont une des missions essentielles est de constituer une collection et de la mettre à disposition des publics dans des lieux consacrés ou non, ne peut que le réaffirmer.
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Béatrice Salmon : « Cette crise souligne l’hyper fragilité des artistes et auteurs »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°544 du 24 avril 2020, avec le titre suivant : Béatrice Salmon, directrice du Centre national des arts plastiques : « Cette crise souligne l’hyper fragilité des artistes et auteurs »