Politique

Plan artistes-auteurs : de bonnes intentions qui doivent encore être précisées

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2020 - 824 mots

PARIS

Le plan Riester reprend la philosophie du rapport Racine, mais renvoie leur mise en œuvre à des travaux ultérieurs.

Franck Riester, ministre de la Culture © Photo Patrice Soudin.
Franck Riester, ministre de la Culture
© Photo Patrice Soudin

Franck Riester a été très applaudi après la présentation de son plan sur les artistes-auteurs, le 18 février dernier, mais il n’a pas voulu répondre aux questions des quelques journalistes invités. De même, son conseiller art plastique n’a pas répondu aux sollicitations du Journal des Arts. Des précisions n’auraient pourtant pas été inutiles. Car si le plan reprend les lignes de force du rapport Racine remis officiellement quelques jours auparavant – mais qui avait été lu par le ministère il y a plusieurs semaines –, il reste flou sur de nombreux points. Or ce sont les chiffres et les détails techniques qui vont faire (ou pas) de ce plan « un plan d’action d’une ampleur sans précédent », comme le qualifie le ministre.

Accès aux droits sociaux

Un exemple : le périmètre et le plafond des activités principales et accessoires qui permet d’atteindre le seuil de revenu de 900 fois la valeur du Smic horaire (soit environ 9 000 €), seuil qui permet de bénéficier des prestations de l’assurance maladie et maternité (indemnités journalières). Le ministre a annoncé qu’ils seraient définis dans un décret à venir, indiquant uniquement que le plafond de revenus des activités accessoires sera augmenté de 50 % (soit environ 10 000 €) et que la direction de collection (dans les maisons d’édition) sera incluse dans les activités principales. Par ailleurs, le ministre ne semble pas avoir pris en compte la recommandation n° 1 du rapport Racine concernant des « critères de professionnalité » permettant – pour faire court – d’atteindre ce seuil de 9 000 euros.

Et s’il a été un peu plus précis sur la réforme des retraites en cours de discussion au Parlement s’agissant du régime des artistes-auteurs, il s’est contenté de demander la création d’une « cellule d’accompagnement » au sein des Agessa, afin de répondre aux demandes des auteurs qui pensaient de bonne foi cotiser pour leur retraite alors qu’il n’en était rien et qui découvrent aujourd’hui que leur retraite sera moindre que ce qu’ils espéraient.

Registre économique

Sur le plan économique, il renvoie (comme le fait le rapport Racine) au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) le soin « d’évaluer l’opportunité d’un encadrement du contrat de commande ». En clair, de fixer des taux de référence pour la partie du travail d’un artiste-auteur qui peut faire l’objet d’un tel contrat, par exemple l’écriture d’un scénario de BD. Au passage, il semble écarter le souhait de Bruno Racine de renforcer la représentation des artistes-auteurs au sein du CSPLA.

Pas de chiffres non plus sur l’augmentation des aides directes aux artistes, contrairement à une trajectoire qu’il fixe pour les écrivains par le truchement du Centre national du livre. En l’espèce, l’opérateur de l’État est le Centre national des arts plastiques (Cnap) qui distribue directement environ 450 000 euros aux artistes et indirectement 600 000 euros aux « acteurs de l’aval » que sont les galeries, éditeurs et maisons de production. Mais il faudrait pour cela qu’il augmente la subvention au Cnap qui dépend de l’État pour 97 % de son budget, lequel risque d’être très sollicité par le déménagement du Cnap à Pantin.

Le ministre s’est abstenu de fixer une part minimum d’aides directes aux artistes-auteurs dans les crédits d’actions artistiques et culturelles des organismes de gestion collective (les OGC – dont l’ADAGP pour les arts plastiques), comme le lui demandait pourtant le rapport Racine.

Élections professionnelles

À décharge du ministre, l’économie de la création n’étant pas une économie administrée, la meilleure répartition de la valeur entre auteurs et acteurs de l’aval qu’il appelle de ses vœux doit être négociée directement entre ces derniers. C’est ici qu’il reprend la philosophie du rapport Racine en préconisant des élections professionnelles d’artistes-auteurs d’ici 2021, afin de les doter de représentants légitimes au sein du futur Conseil national des artistes-auteurs qui sera l’instance transversale de dialogue social. Comment vont être financées les organisations représentatives ? Pas de réponse précise du ministre qui, en revanche, rejette la proposition de Bruno Racine qui demandait aux OGC de mettre la main au porte-monnaie.

Le ministre a cependant été un peu plus précis – encore que – sur la désignation d’interlocuteurs pour les artistes-auteurs. Il a vaguement évoqué le choix d’un médiateur dans les arts visuels, indiqué qu’il y aura un « référent artistes-auteurs » dans chaque opérateur (le Cnap pour les arts plastiques) et annoncé la création d’une « entité spécifique en charge du parcours de l’artiste et du créateur » au sein de son ministère.

Symbole d’un certain flou artistique dans les annonces du ministre, alors que Bruno Racine recommandait « une manifestation ou un cycle d’expositions d’ampleur nationale autour de la création contemporaine en France » (c’est le « en France » qui est important), le ministre a confié à Emma Lavigne, la présidente du Palais de Tokyo, le soin d’organiser « une grande manifestation de promotion de l’art contemporain », mais, au final, la référence à la scène française a disparu.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Plan artistes-auteurs : de bonnes intentions qui doivent encore être précisées

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