PARIS
Une proposition de loi transpartisane veut rétablir la commission chargée de donner un avis sur les restitutions.
Les sénateurs sont de plus en plus agacés par les annonces d’Emmanuel Macron de restitution d’objets d’arts aux pays africains. Dernière annonce en date qui est venue apporter de l’eau à leur moulin : celle de la restitution à la Cote d’Ivoire, le 8 octobre dernier, d’un tambour parleur ébrié (Djidji Ayokwe), réclamé officiellement par Abidjan en 2018 dans une liste de 148 œuvres. Ce tambour, emporté en 1916, est actuellement détenu au Quai Branly.
Ils ne sont pas opposés au principe de restitution, et pas à celui-ci en particulier, mais considèrent que toute annonce de ce type doit être éclairée par des experts et que le Président ne doit pas disposer des collections publiques comme il l’entend. « Cela relève du fait du prince » relève Catherine Morin-Desailly lors de la conférence de presse du 13 octobre. Plus sévère le sénateur communiste Pierre Ouzoulias pointe « un lit de justice », se référant à une pratique de l’Ancien Régime où le roi pouvait écarter le parlement.
Si en théorie toute restitution doit être approuvée par le Parlement par une loi adhoc qui déclassifie les objets concernés, le rapport de force parlementaire actuel ne lui permet pas de s’y opposer (le Président dispose d’une large majorité à sa main), pas plus qu’une restitution déguisée en dépôt à long terme.
Voila pourquoi ils veulent reconstituer la Commission scientifique national des collections (CNSC). Cette commission, créée par la loi musée de 2002, avait été réactivée par le législateur lors du débat sur la loi de restitution des têtes maories tout en corrigeant ses dysfonctionnements. La CNSC avait alors une double mission : se prononcer sur les demandes de déclassement d’un bien dans un Musée de France et définir une « doctrine » sur les restitutions.
La CNSC a cependant été supprimée par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP ») en décembre 2020, malgré l’opposition des sénateurs. Le Gouvernement avait justifié cette suppression par l’absence de réunion de la commission depuis deux ans. Un argument fallacieux pour les sénateurs qui dans un amendement très détaillé avaient montré que le ministère de la Culture avait tout fait pour que la commission ne puisse pas organiser de réunions.
Aujourd’hui des sénateurs - droite et gauche confondues - ont déposé une proposition de loi visant à créer un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européen. Chaque mot à son importance : « retour » au lieu de « restitution », « circulation » pour élargir les travaux du Conseil aux dépôts par exemple, et « réflexion » afin de conférer à ce conseil une autorité qui se substituerait à la simple instruction des demandes de restitution faite par les services de la Rue de Valois et surtout afin de fixer une « doctrine » sur le sujet.
En somme, les sénateurs voudraient que l’Exécutif cesse de prendre ses décisions dans son coin et que le débat soit porté sur la place publique à travers ce conseil. La commission de la culture du Sénat qui porte ce texte est constante sur le sujet. Elle avait lancé en décembre 2019 une mission d’information sur les restitutions aux pays-tiers qui avait abouti quelques mois plus tard à une quinzaine de propositions dont la proposition 1 portait justement sur ce conseil.
La proposition de loi, veut également étendre la procédure judiciaire prévue dans le code du patrimoine pour faciliter la restitution de certains restes humains appartenant aux collections publiques. Laurent Lafon, le président de la commission culture du Sénat, ne pense pas que la proposition de loi pourra être présentée au parlement avant les prochaines élections législatives.
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Restitutions, les sénateurs ne veulent plus du « fait du prince »
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