Restitutions

PARLEMENT

Restitutions : bras de fer entre Macron et le Sénat

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2021 - 514 mots

PARIS

L’Élysée et les sénateurs s’opposent sur la méthode permettant de border les restitutions de biens culturels aux pays extra-européens.

Statues du Bénin du XIXe s. appartenant au musée du Quai Branly - Photo Shonagon - CC0 1.0
Statues du Bénin du XIXe s. au musée du Quai Branly
Photo Shonagon

Paris. La riposte ne s’est pas fait attendre. Quelques jours après que le président Emmanuel Macron a évoqué, le 27 octobre, une « loi-cadre » pour les restitutions, les sénateurs annoncent que leur proposition de loi sur le sujet, déposée le 12 octobre, sera débattue en commission le 15 décembre, ouvrant la voie à un vote en séance plénière en janvier. « Gérard Larcher [le président du Sénat] ne veut pas lâcher Macron sur ce sujet », commente un familier du Sénat. De son côté, Pierre Ouzoulias, ex-conservateur du patrimoine aujourd’hui sénateur (communiste), avait immédiatement réagi aux propos d’Emmanuel Macron en rappelant que, « loi-cadre ou pas, il faudra toujours une loi au cas par cas pour sortir une œuvre des collections nationales ».

Laurent Lafon, le président (centriste) de la commission de la culture du Sénat, avait initialement indiqué que la proposition de loi serait sans doute débattue après les élections présidentielles et législatives. Le texte vise notamment à réactiver et élargir un « Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ». Les sénateurs veulent en effet que chaque projet de restitution à un pays soit d’abord analysé par une commission d’experts avant d’être voté par le Parlement. La visée est double, éclairer la représentation nationale qui a du mal à se faire un avis sur chaque demande de restitution, et porter le débat dans l’opinion publique, une façon de contraindre l’exécutif, à commencer par Emmanuel Macron, à utiliser le conditionnel quand il promet de rendre une œuvre d’art, comme il l’a encore fait récemment avec le tambour parleur Ebrié réclamé par la Côte d’Ivoire.

Loi-cadre contre « Conseil national de réflexion »

Le projet de conseil de réflexion vient d’obtenir le renfort inattendu de l’avocat belge Yves-Bernard Debie, qui s’est progressivement installé dans le débat comme le porte-parole des opposants aux restitutions à la va-vite. Celui-ci, interrogé, tient à rappeler que « le principe d’inaliénabilité des collections muséales françaises a été mis à néant par le processus de restitutions dans lequel s’est engagée la France ». Selon lui, « la création d’un Conseil national de réflexion chargé de donner son avis sur les demandes de restitution est une urgence absolue. La science, l’Histoire et le droit doivent être remis au centre du jeu pour éviter que les politiques ne voient dans les musées qu’une ressource diplomatique ».

Emmanuel Macron ne veut surtout pas d’un tel fil à la patte. Sans nier que « des lois d’espèce sont nécessaires au cas par cas pour “sortir” une œuvre des collections nationales », l’Élysée a indiqué au Journal des Arts que le président souhaite « ouvrir la voie à une réflexion sur une “doctrine générale” basée sur des “critères de restituabilité” pour tenter de définir un cadre global dans lequel inscrire notre politique de restitutions ». Rappelant au passage que la mission diplomatique confiée à Jean-Luc Martinez comporte une réflexion sur les critères de restitution. Mais le président tient à sa « loi-cadre », en lieu et place d’un conseil national, une question de méthode qui n’a rien d’anodin.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°577 du 12 novembre 2021, avec le titre suivant : Restitutions : bras de fer entre Macron et le Sénat

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