OUAGADOUGOU / BURKINA FASO
Le président français a annoncé hier à Ouagadougou, devant des étudiants, qu’il « fallait tout faire » pour que les œuvres d’art détenues en France reviennent en Afrique. Une déclaration qui n’a pas fini de faire des vagues
Délibérément ou pas, le président Macron vient d’ouvrir la boite de Pandore des restitutions avec des conséquences incalculables. Il a en effet déclaré à Ouagadougou, devant une salle pleine d’étudiants : « Je veux que d'ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Et pour que le message soit bien clair, il a ajouté plus loin : « Mais le meilleur hommage que je peux rendre non seulement à ces artistes mais à ces Africains ou ces Européens qui se sont battus pour sauvegarder ces œuvres c'est de tout faire pour qu'elles reviennent. »
Le président a ainsi expliqué cette initiative : « le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités… ». Se voulant rassurant sur les modalités de la restitution tout en s’efforçant de relativiser l’effet de cette annonce il a ajouté : « Ça supposera aussi un grand travail et un partenariat scientifique, muséographique parce que, ne vous trompez pas, dans beaucoup de pays d'Afrique ce sont parfois des conservateurs africains qui ont organisé le trafic et ce sont parfois des conservateurs européens ou des collectionneurs qui ont sauvé ces œuvres d'art africaines pour l'Afrique en les soustrayant à des trafiquants africains, notre histoire mutuelle est plus complexe que nos réflexes parfois ! ».
Soumis à un devoir de réserve, les conservateurs contactés n’ont pas voulu commenter une annonce présidentielle. Moins contraints, les antiquaires sont plus directs. Le marchand spécialisé en art d’Afrique, Bernard Dulon, se dit peu inquiet sur les conséquences de cette initiative sur son activité mais situe le débat au plan éthique : « le terme restitution est mal choisi, on confond morale et législation, ce qui me paraît plus choquant c’est qu’il n’y pas de grand musée digne de ce nom en Afrique ». Il rappelle que le Musée Tervuren de Belgique avait rendu il y a quelques années un millier de pièces à un musée de Kinshasa et que les pièces s’étaient retrouvées sur le marché. Bob Vallois, qui connaît bien le Bénin, et assure la promotion de la sculpture contemporaine africaine se veut ouvert : « Pourquoi pas, mais pour l’instant il n’y a pas de lieu ».
Maître Yves-Bernard Debie, avocat à Bruxelles spécialisé en marché de l’art porte lui le débat sur l’inaliénabilité des collections : « Le discours prononcé par Emmanuel Macron rompt avec la tradition juridique française établie depuis 1566 par "l'édit de Moulins". Depuis cette époque, le domaine royal devenu ensuite le domaine public, est inaliénable et imprescriptible ». Et il ajoute : « Dès l’instant où les principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité, et d’insaisissabilité ne sont plus "inscrits dans le marbre", toutes demandes venues par exemple d’Egypte, de Grèce, ou des pays d’Asie sont tout aussi légitimes que celles formulées par des états africains, sauf à dénier à ces pays et à ces peuples le droit de récupérer leur "patrimoine" .»
La polémique ne fait que commencer.
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Emmanuel Macron veut organiser la restitution d’œuvres d’art à l’Afrique
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Abonnez-vous dès 1 €Le Président de la République Emmanuel Macron à l'université de Ouagadougou, le 28 novembre 2017 © photo Ludovic Marin / AFP