Art africain : la restitution et ses enjeux expliqués sur France 5

90 % du patrimoine culturel africain est aujourd’hui hors du continent. Très tôt réclamée par les pays concernés mais toujours refusée par les anciennes puissances colonisatrices, la restitution des artefacts africains devient un thème important dans le débat public. Le discours de Ouagadougou d’Emmanuel Macron en novembre 2017 lui a donné un élan particulier, suivi par une loi en décembre 2020. La restitution fait l’objet de polémiques et pose des difficultés aussi bien pratiques que juridiques, culturelles ou morales. Dans un documentaire d’une heure, produit par Temps Noir et réalisé par Laurent Védrine (fils de l’ancien ministre Hubert Védrine), France 5 propose de démêler cette question, depuis son origine à ses derniers développements.

« Restituer l’art africain – Les fantômes de la colonisation » remonte le cours de l’histoire jusqu’à la Conférence de Berlin en 1885, qui partage l’Afrique entre les colonisateurs occidentaux. Dans un discours volontiers à charge, le documentaire déroule l’histoire du « pillage de l’Afrique par les occidentaux », le sac du royaume de Dahomey (actuel Bénin) par l’armée française et le devenir des artefacts sacrés embarqués dans les cales des navires pour être exposés dans les nouveaux musées d’ethnologie, du Quai Branly au Trocadéro. 

Le documentaire s’appuie sur des gravures de journaux du XIXe siècle et des archives photos et vidéos du XXe. La narration est émaillée d’interventions de plusieurs spécialistes africains et français. Parmi eux Felwine Sarr, économiste et écrivain sénégalais, et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française, tous deux fervents promoteurs de la restitution et auteurs d’un rapport en ce sens. Des responsables de collections du Quai Branly (Gaëlle Beaujean), directeurs de musées au Bénin (Marie-Cécile Zinsou), avocats en droit de l’art (Corinne Hershkovitch)… commentent également la question. Le panel est très complet et le propos limpide. 

Le réalisateur, Laurent Védrine, a choisi d’utiliser comme fil rouge l’histoire d’une statue du dieu Gou, dieu de la guerre, emportée par l’armée française du royaume de Dahomey et aujourd’hui conservée au Louvre. Un choix qui permet de guider le spectateur au travers de l’histoire tortueuse qui lui est contée. 

Depuis son vol du palais royal du Dahomey à la demande officielle de restitution formulée par le Bénin, en passant par son influence sur Apollinaire, qui en 1912, la qualifie d’« objet d’art le plus imprévu et gracieux qu’il y ait à Paris », la statue du dieu Gou chérie et réclamée par son peuple, considérée comme un chef-d’œuvre en Occident, peut être vue comme un symbole du destin de ces objets. 

Les enjeux sont clairement exposés : d’un côté, le principe de l’inaliénabilité des collections nationales, avec à la clef des questions telles que comment restituer ? Sur quels critères ? A qui ? De l’autre côté, l’accueil et la conservation des œuvres éventuellement retournées fait débat : de la construction de nouveaux musées à la possibilité que les artefacts sacrés ne soient pas considérés comme des œuvres d’arts par leurs premiers propriétaires. 

Clair, concis, illustré et enrichissant, le documentaire donne voix aux principaux intéressés et décode l’actualité culturelle loin du seul prisme géopolitique.

Le Bénin attend toujours le retour de 26 objets que la France lui a promis, dont le dieu Gou ne fait pas partie. Quant aux autres pays occidentaux, ils commencent aussi à envisager un retour des artefacts africains sur leur terre d’origine et à aider leurs anciennes colonies à construire les musées qui le recevront.