ART CONTEMPORAIN AFRICAIN

Le Bénin envoûte la villa Arson

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2017 - 527 mots

La religion animiste et ses rites, mais aussi l’immigration et l’esclavage, sont au cœur de la création des 14 artistes invités.

Nice. L’art actuel africain suscite depuis quelques années une curiosité grandissante en dehors du continent. Pour autant, reviennent systématiquement les noms de quelques artistes stars, tels El Anatsui, Pascale Marthine Tayou ou Chéri Samba. Et si les scènes artistiques de certains pays sont bien identifiées, à l’instar de l’Afrique du Sud (lire le JdA no 479, 12 mai 2017), d’autres, en revanche, ne bénéficient d’aucune visibilité. Heureuse initiative donc que celle de la Villa Arson de montrer l’émergence de la création actuelle au Bénin, avec le soutien de la galerie Vallois (Paris), qui a lancé une saison « Paris-Cotonou-Paris » dans le prolongement de la création du Centre Arts et Cultures Lobozounkpa dans la capitale béninoise.

De l’actualité du culte vaudou
Au fil des salles, l’exposition donne à voir un panorama des thématiques abordées et leurs différents traitements formels par les quatorze artistes invités. Un art qui mêle histoire, héritage traditionnel et approche contemporaine. Edwige Aplogan réalise des drapés in situ, des habillages avec des drapeaux. Au sol, des coupures de billets de franc CFA dénoncent le maintien des pays africains francophones dans une relation de dominant/dominé, vestige de la colonisation. Aston recycle des objets trouvés pour mieux critiquer la surconsommation, l’accumulation de déchets. Son Voilier des temps est une imposante caravelle négrière faite d’objets de récupération. Il a reçu en 2012 le premier prix de la Biennale Regard Bénin. Kifouli Dossou réalise quant à lui des masques en bois sculptés puis recouverts de couleurs vives. Scènes de la vie quotidienne et représentations d’animaux illustrent les versions artistiques de ces masques Gèlèdé dont la fonction rituelle est au cœur de la culture Yoruba – des cérémonies inscrites en 2008 par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Richard Korblah présente une installation de sculptures intitulée « Des ponts, pas des murs », soit quatre personnages entourés de leurs colis, incarnations des populations déplacées.

Ailleurs, Charles Placide expose des photos de cérémonies liées au culte vaudou, religion animiste très présente dans la culture béninoise. Un travail à la fois personnel et documentaire, évoquant les images réalisées dans les années 1930 par Pierre Verger, l’un des premiers à s’intéresser à ces cérémonies de l’ancien royaume de Dahomey avant de se passionner pour le candomblé, sa version brésilienne, à Salvador de Bahia. Vaudou que l’on retrouve dans le travail de Gérard Quenum, l’un des principaux représentants de cette génération contemporaine qui expose au-delà du continent africain. Ici, Voyage vers Mars est une accumulation d’impressionnantes têtes de poupées dans une frêle embarcation, métaphore de l’immigration de masse au péril des vies. Issu des Beaux-Arts de Dijon, Julien Vignikin utilise des douves de tonneau pour réaliser des masques. L’une de ses installations, Le Dîner des fantômes, une table cloutée, dénonce l’inéquitable répartition alimentaire mondiale. Benjamin Déguénon revisite la récade, sceptre royal, symbole de l’autorité suprême. Mais les pièces les plus fortes sont celles de Dominique Zinkpè, artiste catalyseur et figure de proue. En particulier ses installations Globe et surtout Voyage, pirogue habitée de petites statuettes Ibeji debout, entourée de tongs, sur le thème de l’esclavage.

Stop Ma Pa Ta (Ma matière première n’est pas ta matière),
jusqu’au 17 septembre, Villa Arson, 20, avenue Stephen-Liégeard, 06100 Nice.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Le Bénin envoûte la villa Arson

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