NEW YORK / ETATS-UNIS
C’est le premier grand musée à profiter de l’assouplissement des règles déontologiques de la profession sur le deaccessioning.
La pratique est interdite en France mais autorisée aux Etats-Unis. Christie’s va vendre, le mois prochain, 12 œuvres issues des collections du Brooklyn Museum, parmi lesquelles des peintures de Cranach l’Ancien, Corot, Courbet…. La maison de ventes a estimé l’ensemble entre 1,9 et 2,9 millions d’euros (soit entre 2,3 et 3,5 millions de dollars), dont 1 à 1,5 million d’euros pour le seul Lucrèce de Lucas Cranach l’Ancien.
La vente d’œuvres d’art par un musée, ou « deaccessioning » (c’est-à-dire l’aliénation des collections), est loin de faire consensus dans le monde muséal américain. « C’est une décision difficile, mais c’est la meilleure chose à faire pour assurer la longévité et la conservation des collections », estime la directrice du musée, Anne Pasternak, qui entend ainsi faire face à la crise qui a plongé le musée dans de graves difficultés financières.
Le Brooklyn Museum est la première grande institution américaine à profiter de l’assouplissement des règles de l’Association of Art Museum Directors (AAMD), qui fixe pour ses quelques 228 musées membres aux Etats-Unis le cadre déontologique encadrant la pratique du deaccessioning. En temps normal, l’association autorise les musées américains à vendre des œuvres dans le seul et unique but de pouvoir en acquérir de nouvelles. L’association peut imposer des sanctions si le produit de la vente sert à une autre fin, sanctions qui sont principalement la suspension des prêts d’œuvres et des collaborations sur des expositions. Le Berkshire Museum a pu en faire les frais en 2018.
Mais dans un communiqué publié dès le 15 avril, l’association a décidé d’assouplir les règles en vigueur et de permettre le deaccessionning jusqu’au 10 avril 2022 pour faire face à la crise du Covid. Soit une fenêtre de 2 ans durant laquelle les musées pourront vendre des œuvres sans impératif d’acquisition en échange. « Nous avons conscience de la sévérité de la crise actuelle et des besoins financiers dont beaucoup d’institutions ont besoin immédiatement », a déclaré Christine Anagnos, la directrice exécutive de l’AADM.
Le communiqué précise néanmoins que « cette mesure temporaire ne vise pas à encourager le deaccessionning ou la vente des œuvres, mais à apporter une flexibilité dans l’utilisation des recettes qui peuvent en découler. L’association reste attachée au principe que les revenus tirés du deaccessionning ne doivent pas être utilisés pour les dépenses de fonctionnement courantes. »
D’autres musées, de moindre envergure, avaient déjà laissé entendre qu’ils vendraient des œuvres, comme l’Everson Museum de Syracuse (Etat de New York) qui a annoncé qu’il souhaitait lui aussi se séparer d’une toile de Pollock.
En France, le principe d’inaliénabilité des œuvres revient fréquemment dans les débats. Hérité de l’Edit de Moulins de 1566 qui consacra l’inaliénabilité des collections royales, ce principe réaffirmé par la loi Musée de 2002 empêche les musées dépositaires de collections nationales de vendre des œuvres, sauf procédure de déclassement. Parfois remise en question ou questionné, notamment s’agissant des restitutions, les préconisations du rapport Rigaud de 2008 rappelant sa nécessité pour se prémunir des abus ou des effets de mode, restent la règle.
Une législation dont les musées américains, privés dans leur très grande majorité, préfèrent se passer au profit de l’autorégulation en adhérant aux codes déontologiques de grandes associations nationales telles l’American Association of Museums (AAM) ou l’Association of Art Museum Directors (AAMD).
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Le Brooklyn Museum va vendre 12 œuvres pour faire face à la crise
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