Architecture étonnante, lieu de culte inattendu, château improbable ou œuvre d’art perdue dans la nature… notre patrimoine réserve de jolies surprises. Beaucoup de ces lieux sont classés, et pourtant la plupart sont méconnus. Région par région, en voici une petite sélection.
Bazoches-sur-guyonne (78) - Visiter la maison Louis Carré à Bazoches-sur-Guyonne (78), c’est faire une expérience intime, celle de découvrir un intérieur qui paraît encore habité. Les vêtements visibles dans les placards, les livres de la bibliothèque, les bouquets de fleurs, tout ici évoque la vie du marchand d’art Louis Carré (1897-1977) et de son épouse Olga. Avec ses grandes baies vitrées donnant sur le jardin, ses plafonds en lamelles de bois, ses luminaires en cuivre conçus pour éclairer les tableaux, ses assises confortables et jusqu’aux poignées de portes en bronze et cuir, l’architecte finlandais Alvar Aalto a conçu un environnement global et chaleureux, inspiré du bien-être scandinave. « Une maison petite à l’extérieur, et grande à l’intérieur », selon son propriétaire, qui met en valeur les matériaux dans des lignes sobres. Cet été, les sculptures de marbre du Franco-Brésilien Jaildo Marinho, disséminées dans les différentes pièces et le jardin, renouent avec la tradition de ce dialogue entre les arts et l’architecture entamé au milieu des années 1950. Mathieu Oui
Maison Louis Carré, 2, chemin du Saint-Sacrement, Bazoches-sur-Guyonne (78), maisonlouiscarre.fr
Notre-dame Du Raincy (93) - Surnommée la « Sainte-Chapelle du béton armé », cette impressionnante église a défrayé la chronique et révolutionné l’architecture, car elle est le premier édifice religieux construit avec ce matériau industriel. Érigée il y a pile un siècle (17 juin 1923) par les frères Perret, son décor exceptionnel est une collaboration de Maurice Denis, Marguerite Huré et Antoine Bourdelle. Isabelle Manca-Kunert
Notre-Dame de la Consolation, 83, avenue de la Résistance, Le Raincy (93), www.notredameduraincy.fr
Boulogne-billancourt (92) - Combien de temps faut-il pour faire le tour du monde ? 80 jours ? Et si quelques heures suffisaient ? Dépaysement garanti dans les jardins Albert Kahn, qui rassemblent sur 4 hectares des essences et des éléments patrimoniaux venus des quatre coins de la planète. Témoignage de l’art horticole du début du XXe siècle, ce parc à scènes fait cohabiter plusieurs univers, dont un élégant jardin à la française, un pittoresque jardin anglais, mais surtout un exceptionnel village japonais hébergeant des maisons traditionnelles. Ainsi qu’une forêt vosgienne aménagée, en hommage aux paysages de la jeunesse de ce philanthrope utopiste qui voulait réconcilier le monde dans cet étonnant jardin initiatique. Isabelle Manca-Kunert
Jardins Albert Kahn, 2, rue du Port, Boulogne-Billancourt (92), albert-kahn.hauts-de-seine.fr
Conflans-sainte-honorine (78) - Capitale de la batellerie, Conflans-Sainte-Honorine abrite un riche patrimoine fluvial, à commencer par sa chapelle-péniche amarrée sur la Seine. Le chaland initialement destiné au transport du charbon a été transformé en aumônerie des mariniers dans les années 1930. Ce bâtiment unique est reconnaissable à ses grandes croix et à ses vitraux colorés. Isabelle Manca-Kunert
Bateau-chapelle, Je sers, Conflans-Sainte-Honorine, www.bateaujesers.org
Ivry-sur-seine (94) - Depuis 2011, le centre d’art contemporain d’Ivry a pris ses quartiers au troisième étage de la manufacture des Œillets, fleuron du patrimoine industriel d’Île-de-France. Construit en 1913, ce vaste bâtiment de brique et d’acier, avec de grandes baies vitrées, s’inspire du modèle américain de la Daylight Factory. Cette architecture ouverte sur l’extérieur et accueille la lumière naturelle sert de cadre à de nombreuses expositions d’art contemporain auxquelles elle confère un véritable cachet. Anne-Charlotte Michaud
Crédac, La manufacture des Œillets, 1, place Pierre-Gosnat, Ivry-sur-Seine (94), https://credac.fr7. Patrimoine insolite IDF
Saint-ouen-l’aumône (95) - Cette magnifique abbaye cistercienne a été fondée en 1236 par la reine Blanche de Castille. Depuis, elle a connu une alternance de périodes de rayonnement et de crises. À la Révolution, elle est vendue comme bien national, et une partie du site est détruit. Laissée à l’abandon pendant plus d’un siècle, elle a été classée monument historique en 1947, puis acquise par le département une trentaine d’années plus tard. Après des fouilles et une restauration importante, sa magnifique architecture abrite depuis 2001 un centre d’art contemporain, qui occupe les bâtiments encore debout (du parloir à la salle des religieuses, en passant par les latrines). Les espaces, installés dans un vaste parc accessible au public, sont magnifiés chaque année par des expositions pensées par des artistes contemporains en lien avec le lieu et son histoire (Voir Cahier des expositions Île-de-France, p. 143). Anne-Charlotte Michaud
Abbaye de Maubuisson, avenue Richard-de-Tour, Saint-Ouen-l’Aumône (95), www.ot-cergypontoise.fr/fr/fiche/676213/abbaye-de-maubuisson
Le Mesnil-saint-denis (78) - Inutile de vous frotter les yeux : vous n’avez pas la berlue. Qui s’attendrait à trouver au bout d’une rue pavillonnaire en bordure d’un bois un ermitage russe orthodoxe ? Ce monastère est même le plus ancien encore en activité en France. Labellisé Patrimoine du XXe siècle en raison de son originalité, mais surtout de sa beauté, il a été édifié dans la plus pure tradition par des moines réfugiés dans l’Hexagone. Il arbore donc une coupole byzantine se terminant par une flèche dorée et un porche coiffé de bulbes bleus. Le décor intérieur est tout aussi dépaysant avec ses murs tapissés de fresques et d’icônes réalisées par Grégoire Krug, chef de la communauté religieuse, par ailleurs iconographe. Isabelle Manca-Kunert
Skit du Saint-Esprit, avenue des Bruyères, Le Mesnil-Saint-Denis (78), www.sortir-yvelines.fr
Barneville-carteret (50) - C’est un paysage de carte postale. Dans un site grandiose, entre le cap et les dunes, se dressent les ruines de l’ancienne église paroissiale de Carteret. Érigée au XIIe siècle et dédiée à Saint Germain Le Scot, l’évangélisateur du Cotentin, elle a été abandonnée, car l’avancée de la mer la menaçait. Dans l’enceinte, les vestiges d’une croix témoignent que le cimetière était situé à gauche. Isabelle Manca-Kunert
Vieille église Saint-Germain, cap de Carteret, Barneville-Carteret (50), station.barneville-carteret.fr
Écausseville (50) - Superbe vaisseau de béton lové dans la campagne normande, ce hangar est un rare vestige de la Grande Guerre. La halle de 31 mètres de haut sur 150 de long abritait les dirigeables de la Marine nationale qui avaient pour mission de surveiller les convois navals dans la Manche. C’est le seul des centres de construction de la Marine qui a été préservé. Isabelle Manca-Kunert
Hangar à dirigeables, La Bazirerie, Écausseville (50), www.aerobase.fr
Rotheneuf (35) - Attention, pépite ! À quelques kilomètres de Saint-Malo, se trouve un véritable trésor d’art brut. C’est en effet un extravagant peuple de pierre qui surgit des falaises face à la mer. Les rochers ont été sculptés par un personnage inclassable : l’abbé Fouré. En 1894, le prêtre se retire à Rothéneuf où, armé d’un marteau et d’un burin, il sculpte 300 figures racontant l’histoire de la Bretagne. Les surprenantes sculptures, essentiellement d’inspiration religieuse et patriotique, sont taillées directement dans le granit, quatorze ans durant. Cet artiste autodidacte puisa son inspiration dans les connaissances acquises au séminaire, mais aussi dans ses lectures assidues de la presse locale. Isabelle Manca-Kunert
Rochers de l’abbé Fouré, 4, chemin des Rochers-Sculptés, Saint-Malo (35), rochersrotheneufartbrut.com
Brézé (49) - Quand on pense à une forteresse, on imagine instantanément un pont-levis, un chemin de ronde, des écuries, des cuisines et un logis seigneurial. Brézé possède tous ces équipements… à la différence qu’ils se déploient dans un extraordinaire dédale troglodyte ! Face au château de surface, il est strictement impossible d’imaginer qu’un réseau de 4 kilomètres se dissimule ainsi sous l’imposant monument. Et pourtant, la forteresse originelle subsiste à 11 mètres de profondeur. Redoutable système défensif, elle se compose d’un entrelac de galeries tortueuses visant à ralentir les assaillants, tandis que de larges silos servaient à entreposer des vivres afin de résister en cas de siège. Au fil des siècles, d’autres équipements sont venus compléter cet aménagement, dont d’immenses douves sèches, une exceptionnelle boulangerie, une glacière ainsi qu’une magnanerie où l’on élevait des vers à soie. Sans oublier l’ancestrale salle des pressoirs qui témoigne de la longue tradition viticole du domaine. Isabelle Manca-Kunert
Château de Brézé, 2, rue du Château, Brézé (49), www.chateaudebreze.com
Notre-dame-de-bondeville (76) - On traverse un petit pont, on pousse une porte… Bienvenue dans la salle des machines ! D’un coup, une roue hydraulique actionne les mécanismes. Quelle magie ! Des fils colorés se mettent à danser pour tresser des cordes, tandis que le bâtiment vibre au rythme de la rivière et au son métalliques de métiers à câbler, retordeuses à ailettes, bobinoirs, tresseuses, de cette corderie du XIXe siècle, qui ferma ses portes en 1978 avec le déclin de l’industrie textile. Cerise sur le gâteau : le dernier étage accueille cet été l’un des volets de l’exposition « Esclavage, mémoires normandes, Rouen, Le Havre, Honfleur », déployée sur plusieurs sites. Marie Zawisza
Musée de la Corderie Vallois, 185, route de Dieppe, Notre-Dame-de- Bondeville (76), corderievallois.fr
Maulévrier (49) - Et si le plus court chemin pour aller au Japon était de passer par le Maine-et-Loire ? A quelques encablures de Cholet se trouve un exceptionnel parc emblématique du pays du Soleil-Levant. Camélias, rhododendrons, ginkos, érables, cerisiers, mais aussi pagode et pont, carpes et lanternes, nous projettent tout droit en Asie. La symbolique des jardins japonais a servi de fil directeur pour concevoir ce parc hors du commun, né de la passion de l’architecte Alexandre Marcel et de son épouse Bérangère, qui souhaitaient recréer en leurs terres des éléments orientaux de l’Exposition universelle de 1900. Tombé dans l’oubli, ce parc extraordinaire a été sauvé par une association il y a presque quarante ans. Isabelle Manca-Kunert
Parc oriental de Maulévrier, 8, place de la Mairie, Maulévrier (49), www.parc-oriental.com
Germigny-lès-prés (45) - C’est un lieu aussi unique que discret. Ce petit village du Loiret abrite en effet l’une des plus anciennes églises françaises, et surtout l’ultime mosaïque du règne de Charlemagne encore intacte. Bâti en 806, l’oratoire faisait partie de la somptueuse villa de Théodulphe d’Orléans. Évêque proche de l’empereur, il était également un grand intellectuel, artisan de la renaissance carolingienne. Si l’essentiel du décor originel a disparu, le monument a miraculeusement conservé une éblouissante mosaïque du IXe siècle. Cent trente mille tesselles dessinent l’Arche d’alliance ouverte, entourée d’anges. Ce bâtiment hors norme faisait partie de la toute première liste de monuments historiques dressée en 1840. Isabelle Manca-Kunert
Oratoire carolingien, route de Saint-Martin, Germigny-des-Prés (45), www.tourisme-valdesully.fr
Saint-jean-de-boiseau (44) - De prime abord, c’est une chapelle du XVe siècle comme il en existe tant d’autres. Pourtant, si vous levez les yeux, vous observez de bien étranges chimères. En lieu et place des habituels monstres médiévaux, le toit est en effet coiffé de pinacles surmontés de personnages issus de la culture populaire. Un étrange bestiaire où se croisent les Gremlins et Goldorak. Isabelle Manca-Kunert
Chapelle de Bethléem, rue de Bethléem, SaintJean-de-Boiseau (44), www.loire-atlantique.fr
Pontpoint (60) - L’architecte Dominique Perrault et l’architecte d’intérieur et designer Gaëlle Lauriot-Prévost ont travaillé pendant trois ans à la réhabilitation de la villa Weil, sublime construction moderniste dessinée par l’architecte Jean Dubuisson à la fin des années 1960. Le programme Mondes nouveaux leur a offert la possibilité de créer la rencontre entre cette architecture remarquable et l’art contemporain, en passant commande à l’artiste Loris Gréaud d’une œuvre pérenne. Intitulée /dʌv/, celle-ci prend la forme d’un monument funéraire souterrain dédié à une colombe, symbole de paix échappant au chaos anthropocène dans un repos éternel. Conçue par l’artiste comme un espace de recueillement, la petite cellule attenante à l’ensemble architectural rectiligne s’accompagne d’une bande son, « Orion, soundtrack for an underground moment », écho cosmique de la constellation d’Orion résonnant dans ce tombeau terrestre. Anne-Cécile Sanchez
Villa Weil, Domaine de Frapotel, 5-7, route de la Croix-Frapotel,Pontpoint (60), www.domainedefrapotel.com/agenda (visite sur inscription)
Condette (62) - L’histoire des relations tumultueuses franco-britanniques a son musée. Elle se raconte dans les salles du manoir du château d’Hardelot, situé entre Le Touquet et Boulogne. Ancienne place forte royale à la Renaissance avant de devenir propriété privée au XIXe siècle, le château alors en ruine est racheté en 1848 par un industriel anglais à la retraite, Sir John Hare. Trois autres propriétaires anglais se succéderont et transformeront le château en style néo-Tudor, jusqu’à son rachat en 1986 par la commune de Condette. Géré depuis par le département du Pas-de-Calais, il abrite le Centre culturel de l’Entente cordiale, qui retrace l’histoire des relations franco-britanniques, riche d’une collection de mobilier et d’art décoratif anglais. Dans le parc, s’élève le seul théâtre élisabéthain de France, conçu par le Studio Andrew Todd et qui tout au long de l’année est le cadre d’une programmation franco-britannique. Cette année, l’auteur Benjamin Lacombe, illustrateur de L’Étonnante Famille Appenzell, a été invité à investir jusqu’au 5 novembre prochain l’espace d’exposition temporaire avec ses dessins inspirés de l’époque victorienne. Christine Coste
Château d’Hardelot, 1, rue de la Source, Condette (62), www.chateau-hardelot.fr
Chaource (10) - De l’extérieur, c’est une église des plus banales. Rien ne laisse présager l’extraordinaire corpus sculpté qu’elle renferme jalousement. Jugez un peu : une rarissime crèche de la Renaissance, un vaste ensemble de statues médiévales, sans oublier un remarquable orgue baroque. Mais le clou de la visite, c’est La Mise au tombeau du Maître de Chaource. Exécuté en 1515, ce groupe sculpté orne la chapelle du Sépulcre, construite en contrebas du chœur et baignée d’une lumière presque surnaturelle. Huit personnages grandeur nature et polychromes composent une scène d’un réalisme saisissant. Fidèles et spectateurs ont ainsi la troublante sensation d’assister en direct à cet épisode particulièrement poignant. Isabelle Manca-Kunert
Église Saint-Jean-Baptiste, chemin de Ronde, Chaource (10), tourisme-chaource-othe-armance.com
Besançon (25) - C’est une véritable machine à remonter le temps. L’apothicairerie de l’hôpital Saint-Jacques est en effet l’une des plus belles et des plus anciennes de France. Besançon peut revendiquer une longue tradition hospitalière, car l’hôpital est le premier édifice d’envergure construit après la conquête de la Franche-Comté par Louis XIV. Miraculeusement, il n’a pratiquement pas changé depuis. La pharmacie a conservé intacts son décor de boiseries, sang et or, et son exceptionnelle collection de pots en faïence. La seconde pièce, le laboratoire où étaient fabriquées les potions et les pilules, a également préservé son mobilier ainsi que des éléments historiques, dont un mortier et des vases de monstre. Isabelle Manca-Kunert
Apothicairerie de l’hôpital Saint-Jacques, place Saint-Jacques, Besançon (25), www.bourgognefranchecomte.com/sit/apothicairerie-de-lhopital-saint-jacques
Mutzig (67) - C’est un lieu unique en son genre. Dans le sillage de l’annexion de l’Alsace-Moselle, l’empereur Guillaume II décide de construire un rempart imprenable pour protéger la province contre une potentielle offensive française. Il fait élever la plus vaste et la plus moderne fortification d’Europe, qui comprend 22 tourelles et peut accueillir 7 000 soldats. Isabelle Manca-Kunert
Fort de Mutzig, rue du Camp, Dinsheim-sur-Bruche (67), www.fort-mutzig.eu
Buffon (21) - On connaît Buffon pour son Histoire naturelle. Moins pour sa Grande Forge. Celle-ci se dresse le long du canal de Bourgogne, à 7 kilomètres de Montbard. Elle fut édifiée entre 1768 et 1772 par le naturaliste, âgé d’une soixantaine d’années, qui imagina là une véritable « usine intégrée ». Autour de la forge, se déploient des logements pour les ouvriers, un potager, une boulangerie, une chapelle… La partie la plus emblématique de ce complexe étonnant, habité par les membres d’une même famille depuis six générations, est sans doute le haut fourneau. On y accède par l’imposant escalier qui donnait aux invités du maître la joie de contempler le spectacle des coulées de lave en fusion. Marie Zawisza
La Grande Forge de Buffon, Buffon (21), www.grandeforgedebuffon.fr
Altkirch (68) - Fondé en 1992, le centre rhénan d’art contemporain s’est installé dans l’ancien lycée d’Altkirch, une petite commune de moins de 10 000 habitants dans la région de Mulhouse, à proximité de l’Allemagne et de la Suisse. Le bâtiment, construit en 1889, est caractéristique de l’architecture wilhelmienne (du règne de l’empereur Guillaume II, entre 1888 et 1918), notamment par sa présence imposante. Anne-Cécile Michaut
Crac Alsace, 18, rue du Château, Altkirch (68), www.cracalsace.com/fr5
Thiers (63) - Voilà Un nom qui fait froid dans le dos. Et pour cause : le centre d’art créé en 1986, labélisé en 2019 Centre d’art d’intérêt national, doit son appellation terrifiante aux légendes que charrie le flot torrentiel de la Durolle, qui dévale en contrebas. Celle de saint Genès – un adolescent venu d’Orient vers le IVe siècle pour se rendre auprès de saint Sirénat, qui aurait été supplicié puis décapité par un soldat romain – est notamment attachée à l’histoire de cet éperon rocheux sur lequel fut construit plus tard le quartier médiéval. C’est là, dès le XVIIe siècle, que va naître l’industrie coutelière, favorisée par la présence de la rivière, dont l’énergie hydraulique fait tourner les pales des moulins à eaux, et qui ne cessera de grossir jusqu’au XIXe siècle, avant de péricliter. La présence de nombreuses écluses témoigne de ce passé industriel, tout comme le bâtiment spectaculaire du centre d’art à flanc de roche, doté par le sculpteur George Trakas, au milieu des années 1980, d’une passerelle métallique en surplomb de la chute d’eau grondante. Anne-Cécile Sanchez
Le Creux de l’enfer, 85, avenue Joseph-Claussat, Thiers (63), www.creuxdelenfer.fr
Moulins (03) - Là, Le temps a oublié de s’écouler. Et, à parcourir cette somptueuse et pittoresque demeure de la toute fin du XIXe siècle, on se demande même si la mort n’a pas passé son chemin. Son excentrique propriétaire, Louis Mantin, qui légua à la ville sa maison et l’éclectique collection qu’elle abrite pour « montrer aux visiteurs dans cent ans un spécimen d’habitation d’un bourgeois du XIXe siècle » semble toujours habiter les lieux. On se surprend ainsi à le féliciter pour l’originalité de ses choix, ses magnifiques cuirs dorés, ses tapisseries d’Aubusson, ses vitraux anciens, sa salle de bains moderne… et à s’amuser avec lui de ses petites bêtes taxidermisées qui, au dernier étage, s’affrontent au fil de l’épée dans une vitrine. Saurez-vous les retrouver ? Marie Zawisza
Maison Mantin, 5, place du Colonel-Laussedat, Moulins (03), musees.allier.fr
Fontanges (15) - À L’entrée du village de Fontanges, au cœur du pays de Salers, se dresse une bien étrange chapelle. Inaugurée en 1901, elle a été creusée dans un énorme rocher volcanique. Ce monument singulier en forme de croix est ainsi certainement le seul lieu de culte construit à l’explosif par ses paroissiens ! Isabelle Manca-Kunert
Chapelle Saint-Michel, Fontanges (15), www.salers-tourisme.fr
Passy (74) - « Voilà Donc terminée cette petite église », écrit le père Couturier au lendemain de la consécration de l’édifice, le 4 août 1950. Petite ? Si l’on veut. Mais on peut la visiter fort longuement. Et pour cause : par l’entremise de ce prêtre dominicain, qui fut aussi artiste et théoricien de l’art, cette église, sise à 1 000 m d’altitude, face au massif du Mont-Blanc, fut décorée par les œuvres des plus grands artistes modernes. Fernand Léger a orné le fronton d’une mosaïque, Georges Rouault a dessiné les vitraux, Jean Lurçat a tapissé le chœur. Pierre Bonnard a réalisé une peinture, Georges Braque, un bas-relief. Henri Matisse a imaginé un autel, Marc Chagall, le baptistère, tandis que Germaine Richier a sculpté le Christ en croix... « Si on s’est adressé aux plus grands artistes indépendants, ce n’était pas par snobisme, parce que ceux-là étaient plus illustres ou plus avancés, mais parce qu’ils étaient plus vivants », écrit ce prêtre qui a « parié pour le génie ». Pari réussi ! Marie Zawisza
Église Notre-Dame-de-Toute-Grâce, 101, rue de Église, Passy (74), www.passy-mont-blanc.com/activites/patrimoine
La Brigue (06) - La Vallée des Merveilles porte décidément bien son nom ! Outre un patrimoine naturel exceptionnel, elle abrite en effet plusieurs monuments d’une beauté à couper le souffle. À commencer par la chapelle Notre-Dame-des-Fontaines. Nichée dans un environnement des plus sauvages, cette chapelle est tapissée de magnifiques fresques médiévales qui recouvrent l’intégralité des murs et du plafond. Surnommée « la Sixtine des Alpes-Maritimes », elle conserve dans un excellent état plus de 220 m2 de peintures exécutées par deux artistes piémontais : Canavesio et Baleison. Véritable joyau du XVe siècle, ce lieu unique offre une époustouflante immersion au cœur de fresques chamarrées et dynamiques. Isabelle Manca-Kunert
Chapelle Notre-Dame-des-Fontaines, vallon de la Madone, La Brigue (06), www.menton-riviera-merveilles.fr
Roqueredonde (34) - Voilà assurément l’un des lieux les plus étonnants du Sud de la France. Qui imaginerait trouver l’un des plus grands et des plus beaux temples bouddhistes au sein du Parc naturel régional du Haut-Languedoc ? Il comprend de nombreux bâtiments emblématiques de l’architecture tibétaine de l’Himalaya, ainsi qu’une statue de Bouddha haute de 7 m. Isabelle Manca-Kunert
Temple Lérab Ling, Domaine de l’Engayresque, Roqueredonde (34), lerabling.org
Le Puy-sainte-réparade (13) - L’une des premières propriétés viticoles à imaginer un parcours de sculptures en plein air (avec des œuvres in situ de Sophie Calle, Tracey Emin, Liam Gillick, Jenny Holzer, Jean-Michel Othoniel, etc.), mais aussi des interventions d’architectes stars (Tadao Ando, Frank Gehry, Jean Nouvel, Oscar Niemeyer, etc.), le château La Coste offre une promenade paysagée dans les collines de son domaine. Chant des cigales au milieu des cyprès, des oliviers et des pins parasols, c’est la douceur provençale dans toute sa splendeur, un patrimoine naturel magnifié par la présence des installations des artistes et des architectes invités. Anne-Cécile Sanchez
Château La Coste, 2750, route de La Cride, Le Puy-Sainte-Réparade (13), www.chateau-la-coste.com
Chamonix (74) - Plus de quatre-vingts ans après sa conception, c’est un monument qui ne cesse d’intriguer en raison de sa silhouette futuriste. Le Tonneau a en effet de faux airs de soucoupe volante. Pourtant, cette construction atypique revêt une fonction bien plus prosaïque puisqu’il s’agit d’un refuge de montagne. Un abri inventé par l’une des plus grandes architectes modernes : Charlotte Perriand. L’allure singulière de cette structure en parasol s’explique par un cahier des charges très précis. Le refuge devait être réalisé en matériaux industriels résistants, supportant la neige et un climat extrême, mais aussi être léger, transportable à dos d’homme et facilement montable ; tout en pouvant héberger huit couchages ! Isabelle Manca-Kunert
Le refuge Tonneau de Charlotte Perriand, Artocène Chamonix, place du Mont-Blanc, Chamonix-Mont-Blanc (74), www.artocene.fr
Visan (84) - Cette étrange bâtisse, plantée dans une pinède au nord de Vaison-la-Romaine, à Visan, est l’œuvre de Christian Chambon et Jean-Noël Touche, deux architectes disciples d’Antti Lovag (1920-2014), l’initiateur des maisons bulles. Celle-ci a été construite entre 1981 et 1984, pour le compte de Claude Butscher sur le principe d’une double coque en béton recouvrant une ossature métallique grillagée. Avec ses parois courbes et blanches, ses hublots en forme d’œil, ses grandes baies vitrées et ses escaliers arrondis, cette maison bulle a été classée en 2011 aux monuments historiques. Mathieu Oui
Maison Butscher, 291, chemin de la Tapi, Visan (84), www.grignanvalreas-tourisme.com
Digne-les-bains (04) - Au cœur des villages, le long des sentiers, au détour d’un chemin, les œuvres produites par le Centre d’art informel de recherche sur la nature (Cairn) offrent des points de vue inattendus sur les Alpes-de-Haute-Provence, tout en invitant à habiter différemment le paysage. Sculptures en pierres d’Andy Goldsworthy (Sentinelle) et de Richard Nonas (Edge Stone), sanctuaire d’Herman de Vries (le sanctuaire de la nature de Roche-Rousse et son bois sacré)… Dès les années 1990, le Musée Gassendi a choisi de mettre des commandes artistiques en relation avec son environnement. L’expérience s’est poursuivie avec la création, à l’initiative du musée, du VIAPAC, une route de l’art contemporain jalonnée par des sites naturels ou patrimoniaux. Ici, le visiteur se fait randonneur : il est même possible de passer la nuit dans un des refuges qu’Andy Goldsworthy a imaginés sur les ruines d’anciens habitats dans des hameaux désertés. Anne-Cécile Sanchez
Cairn centre d’art, 10, montée du Parc-Saint-Benoît-Bernard-Dellacasagrande, Digne-les-Bains (04), www.cairncentredart.org
Pont-en-royans (38) - Comment construire sur un site cerné par d’étroites falaises ? En accrochant les maisons à la paroi ! C’est ainsi qu’a été édifié Pont-en-Royans, un village médiéval qui sert de verrou pour accéder au Vercors. Renforcées par des soutènements de bois, les habitations surplombent la Bourne, un affluent de l’Isère, sur lequel transitaient les troncs qui arrivaient de la montagne pour être ensuite flottés jusqu’à Beaucaire. Aude-claire de Parcevaux
www.tourisme.saintmarcellin-vercors-isere.fr
Magnac-lavalette-villars (16) - À 25 kilomètres au sud d’Angoulême, le château de la Mercerie est une sorte de Versailles charentais. En 1924, Raymond et Alphonse Réthoré, deux frères ayant fait fortune dans le matériel de blanchisserie, rachètent le manoir d’origine et entreprennent de l’agrandir. L’un s’improvise architecte, dessine les plans et dirige les tailleurs de pierre. L’autre court les salles de ventes et les antiquaires pour meubler le château. Mais leur fortune finit par se tarir, et le chantier est interrompu dans les années 1970. Reste une façade de style Renaissance, 220 mètres de long, en trompe-l’oeil, quelques décors intérieurs étonnants, tels ces 32 panneaux d’azulejos de 6 mètres de haut, et un arboretum planté d’espèces rares. Quant aux frères Réthoré, ils reposent dans leur demeure, dans deux piliers édifiés à cet effet. Mathieu Oui
Château de la Mercerie, Magnac-Lavalette-Villars (16). www.chateaudelamercerie.fr
Bordeaux (33) - Un Coquillage géant, une famille de hiboux, une station orbitale et 11 cabanes d’artistes disséminées autour de Bordeaux vous hébergent gratuitement pour une nuit passée à festoyer ou à écouter les bruits de la nature. C’est l’expérience qui prime sur le confort, assez spartiate (ni eau, ni électricité, ni chauffage, toilettes sèches). Ne pas oublier son sac de couchage et sa lotion anti-moustiques ! Mathieu Oui
lesrefuges.bordeaux-metropole.fr
Bagnères-de-bigorre (65) - Construit entre 1870 et 1882, l’observatoire du pic du Midi offre un balcon naturel à 2 877 mètres de hauteur pour observer la chaîne des Pyrénées sur 300 kilomètres. Au début des années 1960, l’architecte toulousain Pierre Debeaux complète l’ensemble avec un nouveau bâtiment et l’érection de l’imposante antenne TDF qui vient comme prolonger l’éperon rocheux. Ceux qui n’ont pas le vertige pourront se lancer au-dessus du vide, sur une passerelle de 12 mètres de long. On peut réserver pour la nuit et observer un ciel préservé de la pollution lumineuse. Mathieu Oui
picdumidi.com
Île De Vassivière (87) - Un phare surgissant d’une forêt de feuillus au milieu de l’île de Vassivière, l’architecture minimaliste du Centre international d’art et du paysage est signée Aldo Rossi et Xavier Fabre. Immergé en pleine nature, le visiteur peut passer d’une exposition en intérieur à la découverte de la soixantaine d’œuvres du bois de sculptures (Yona Friedman, Hans Walter Muller, Andy Goldsworthy, etc.). Mathieu Oui
Centre international d’art et du paysage, île de Vassivière, Beaumont-du-Lac (87), ciapiledevassiviere.com/home
Château De Roquetaillade (33) - Au sud de la Gironde, le château de Roquetaillade réunit deux fortifications en un seul site. Le premier date du XIIe siècle, et le second, avec son donjon ceint de six tours rondes, fut construit au XIVe pour Gaillard de la Mothe, neveu du pape Clément V. En 1864, Eugène Viollet-le-Duc est sollicité par Lodois de Mauvesin et son épouse pour transformer la forteresse en habitation et la mettre au goût du jour. L’escalier, dessiné initialement lors d’un concours pour l’Opéra de Paris, devient la pièce maîtresse de l’édifice. L’architecte, qui confie le chantier à son élève Edmond Duthoit, fait entrer la lumière et recouvre les murs de fresques néogothiques, associant arabesques, couleurs chatoyantes, motifs végétaux et bestiaire fantastique. Mais c’est dans la chapelle Saint-Michel que le décor est le plus étonnant : inspiré des voyages de Duthoit en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, il mêle formes mauresques et couleurs vibrantes. Classé aux monuments historiques en 1976, ce décor total (fresques, sculptures, mobilier) est une préfiguration de l’Art nouveau. Mathieu Oui
Château de Roquetaillade, Mazères (33). www.roquetaillade.eu
Agde (34) - De Nouveau ouvert au public après des années de travaux, le château Laurens, à Agde, est une œuvre d’art totale. Construite entre 1897 et 1901 par Emmanuel Laurens, amateur d’art et héritier fortuné, cette folie combine architecture néoclassique et aménagement Art nouveau. Clou de la visite : la salle de bains particulièrement raffinée avec son pavement en mosaïque, ses meubles en sycomore, ses parois en céramique et faïence peintes, sa baignoire en marbre et émail à décor d’algues. Léon Cauvy signe d’étonnants meubles sculptures qui, comme la demeure, ont été classés monuments historiques. Les amateurs d’art contemporain apprécieront l’intervention d’Ida Tursic et de Wilfried Mille pour le salon de musique. Mathieu Oui
Château Laurens, avenue Raymond-Pitet, Agde (34). chateaulaurens.agde.fr
Aubeterre-sur-dronne (16) - Les églises romanes sont légion en Charente, mais celle-ci n’a pas d’équivalent. Pourtant, ce monument est aussi impressionnant qu’invisible. Il faut en effet s’engouffrer dans les entrailles de la terre pour découvrir le plus vaste édifice religieux troglodyte d’Europe. Au XIIe siècle, Pierre de Castillon, vicomte d’Aubeterre, fait aménager cet incroyable lieu de culte sous son château, inspiré par les constructions observées en Turquie au cours des croisades. Il fait excaver 9 000 mètres carrés de roches afin de dégager une spectaculaire cavité dont les voûtes culminent à 20 mètres. Et, dans l’abside, un colossal reliquaire en pierre reproduit le Saint-Sépulcre de Jérusalem ! Isabelle Manca-Kunert
Église Saint-Jean, 18, rue Saint-Jean, Aubeterre-sur-Dronne (16). eglisesouterraineaubeterre.fr
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°766 du 1 juillet 2023, avec le titre suivant : 40 sites insolites à découvrir cet été