ANTIBES
Le Musée Picasso d’Antibes rappelle fort opportunément que l’artiste est aussi l’auteure d’un œuvre gravé et dessiné autonome, habité d’êtres hybrides.
Antibes. Il y a soixante ans, Germaine Richier (1902-1959) exposait au château Grimaldi, qui n’était pas encore le Musée Picasso, peu de temps avant de disparaître. Jean-Louis Andral, le directeur des lieux, célèbre cet anniversaire en exposant un pan méconnu de l’artiste, ses dessins et gravures en rapport avec sa sculpture.
Le parcours, qui prend ses aises dans les salles du château, met ainsi en regard les œuvres sur papier avec de nombreuses sculptures. Ce choix très pertinent permet de se rendre compte qu’il ne s’agit pas des dessins préparatoires aux sculptures : cette production méconnue est une œuvre en soi. Une œuvre autonome mais pas dissemblable. On y retrouve les mêmes personnages au croisement de l’homme, de l’animal (surtout des insectes) et des végétaux. Un bestiaire inquiétant et fantastique qui doit plus au contexte de la guerre et de l’après-guerre qu’au surréalisme. L’Ogre, L’Hydre, La Mante, ces quelques titres d’œuvres disent bien ce qui anime l’artiste. La parenté stylistique y est également forte, et plus encore dans la technique de la gravure que Germaine Richier découvre en 1947 et qu’elle pratique assidûment. La taille-douce lui offre la possibilité de strier, scarifier la plaque de cuivre de la même façon que la terre cuite, donnant à voir des êtres hybrides, déchiquetés ou incisés. Le noir et blanc domine, ajoutant à l’effet saisissant des œuvres sur papier.
Le parcours prend fin sur la terrasse surplombant la mer où sont installées en permanence des sculptures de Richier, rappelant que l’artiste est un peu chez elle à Antibes. Certaines représentations moins transgressives de la réalité humaine sont un écho troublant aux sculptures de Giacometti.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°537 du 17 janvier 2020, avec le titre suivant : Germaine Richier n’était pas uniquement sculptrice