PARIS
Aussi paradoxal que cela puisse paraître après un an de pandémie, la capitale bruisse d’un dynamisme qui augure de la bonne santé de sa scène artistique. Pour les galeries étrangères, les collectionneurs, les artistes, Paris est « the place to be ».
Paris. Lorsqu’il a annoncé l’ouverture en 2021 d’un nouvel espace situé au 8, avenue Matignon (Paris-8e) et dévolu au second marché, Emmanuel Perrotin a été contacté par trois galeristes intéressés par son local du 2 bis de la même avenue, inauguré quelques mois auparavant. Mais il entend bien pour l’heure conserver ces deux emplacements dans un « triangle d’or » qui semble connaître un regain d’attractivité pour le monde de l’art malgré le contexte que l’on sait. L’enseigne Perrotin, pareille à celle d’une griffe de luxe, est ainsi deux fois présente sur la très chic avenue perpendiculaire aux Champs-Élysées, avec un showroom intimiste, et, quelques numéros plus loin, un hôtel particulier où le marchand s’est associé à Tom David-Bastok et Dylan Lessel. Les cinq étages de l’édifice seront affectés à l’achat et à la revente d’œuvres d’art. Une activité que la galerie pratiquait déjà ponctuellement, en toute discrétion, et qui revendique désormais un département dédié et une adresse prestigieuse. Le chantier est en cours, les trois locataires associés ayant décidé de réaménager entièrement l’immeuble, dont ils refont jusqu’à la façade. Quitte à investir dans une vitrine, autant la valoriser. D’autant que « le 8 est un chiffre porte-bonheur pour les Chinois », se félicite Emmanuel Perrotin, qui y voit un atout supplémentaire vis-à-vis de la clientèle asiatique.
Quant au voisinage, il est également favorable : la galerie White Cube détient depuis quelques mois une antenne au deuxième étage de l’immeuble mitoyen, où elle reçoit sur rendez-vous. Almine Rech ouvre le 21 de ce mois-ci une seconde galerie sur deux niveaux au 18, avec une exposition de Kenny Scharf dont les peintures ont inspiré la dernière collection Dior Homme. Vétéran du quartier, Larry Gagosian a pour sa part récemment fêté les 10 ans de son enseigne de la rue de Ponthieu, tandis que la maison de ventes Sotheby’s est attendue en 2023 à l’angle de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Ce dynamisme localisé signifie-t-il que Paris connaît un nouvel élan ? Alors que Londres se trouve isolée par le Brexit, la capitale française semble pouvoir retrouver une place de premier plan. Même s’il ne faut pas minimiser, selon Emmanuel Perrotin, la capacité de rebond de New York, qui restera la première place de marché. Mais Paris offre une densité culturelle exceptionnelle, un décor architectural et patrimonial unique. Dans un périmètre de quelques kilomètres à peine, on peut ainsi passer du Musée d’Orsay au Louvre, bientôt voisin de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, qui va s’installer au Louvre des Antiquaires, et de la Pinault Collection, logée dans l’ancienne Bourse de commerce, pile dans l’axe du Centre Pompidou, qui pour sa part jouxte le Marais des galeries, où se trouve également le bâtiment de la Fondation Lafayette Anticipations… Un parcours piétonnier unique au monde, de nature à séduire n’importe quel amateur d’art, et bien plus facile à arpenter que le circuit très étendu des galeries de Berlin. « Sans compter que les galeries allemandes, anglaises ou américaines sont moins ouvertes aux artistes étrangers », souligne Christophe Gaillard, qui, au moment de quitter sa précédente adresse en 2015, a préféré rouvrir à Paris plutôt que déménager à Bruxelles. « Paris reste une capitale dans laquelle les collectionneurs viennent passer non pas deux jours, mais deux semaines, voire un mois : ils y ont des pied-à-terre, ils viennent pour la Fiac. Les Asiatiques en particulier sont toujours fascinés par le Vieux Continent et nous bénéficions d’un cadre sublimissime. »
Paris est indéniablement « la plus belle capitale d’Europe », pour Staffan Ahrenberg aussi. Le Suisse cosmopolite qui a relancé les Cahiers d’art et ouvert une galerie-librairie rue du Dragon (6e arr.) se dit heureux de prendre part à ce « renouveau de la scène parisienne», comparable à celui que connut Christian Zervos, le fondateur des Cahiers d’art, qui publia et exposa « des artistes du monde entier ». Paris a en effet une histoire qui inspire les créateurs. « Les musées parisiens sont incontestablement propices à stimuler et renouveler les conversations déjà existantes avec la scène artistique américaine, observe Niklas Svennung, gérant de la galerie Chantal Crousel. Un artiste comme Wade Guyton, par exemple, met l’histoire de la peinture au centre de son œuvre récente, dans un dialogue avec les thèmes des XIXe et XXe siècles, présents dans les musées parisiens. »
Joseph Allen, qui a quitté son Australie natale pour ouvrir il y a sept ans rue de Dunkerque (Paris-9e) une galerie très vite sélectionnée par la Fiac pour son travail de défrichage, note, quant à lui, que les artists-run spaces [lieux ouverts et gérés par des artistes] et les espaces non commerciaux n’ont cessé, ces dernières années, de se développer. « En 2013, il existait seulement Shanaynay et Treize, à présent il y a the The Community, DOC !, etc. Plus la foire off Paris Internationale… » En tant que vice-président de l’association Paris Gallery Map, Joseph Allen se félicite de la vitalité de cette scène émergente. « Paris a toujours été une cité excitante où vivre et travailler, et de mon point de vue, c’est de plus en plus vrai. » Au point que certains, tel Jérôme Poggi, se prennent à rêver « d’un nouvel âge d’or qui ne serait pas derrière nous, mais bien devant nous ».
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Un nouvel âge d’or pour Paris ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : Un nouvel âge d’or pour Paris ?