PARIS
Le galeriste parisien restaure un château en Normandie qui lui permettra d’accueillir des artistes en résidence, de recevoir amateurs et collectionneurs et d’organiser des expositions. Des échanges qu’il juge d’autant plus nécessaires aujourd’hui.
Installé depuis 2015 au 5, rue Chapon (Paris-3e) après avoir inauguré sa première galerie en 2007 à quelques centaines de mètres de là, rue de Thorigny, Christophe Gaillard s’apprête à inaugurer, au printemps, un lieu à vocation multiple, dans l’Orne.
J’ai acheté un château parce que je ressens depuis longtemps l’absolue nécessité de créer un lieu convivial, hors de la frénésie du temps qui nous emporte tous, ce temps que l’on ne s’octroie jamais parce que l’on a tant à faire… Lorsque nous avons emménagé rue Chapon, j’ai tenu à créer un grand bureau pour accueillir les gens dans les meilleures conditions. Ce n’est pas un bureau fermé dans lequel on ne pénétrerait qu’à la condition d’avoir acquis des œuvres pour un certain montant. Au contraire, il s’agit d’une grande pièce où, à n’importe quel moment de la semaine, et particulièrement le samedi, les amateurs se croisent, se rencontrent, échangent. J’ai aujourd’hui envie que ce château, « La Résidence Le Tremblay », devienne le prolongement de mon bureau. Je n’ai jamais cru qu’un galeriste était là uniquement pour vendre des œuvres. C’est effectivement important pour le fonctionnement du lieu et pour les artistes qu’il représente, mais l’activité n’est pas moindre lorsqu’on s’inscrit dans un temps plus long. Ce que l’on perd, a priori, au début, on le gagne par la suite avec la fidélisation et les liens que l’on crée avec les collectionneurs.
Hormis quelques événements, ce ne sera pas un lieu public, pour ne pas en avoir la lourdeur administrative ni l’équipe que cela nécessiterait. J’y inviterai des amis, des collectionneurs, conservateurs, commissaires d’exposition, artistes, etc., qui pourront rester déjeuner ou dîner, passer une ou plusieurs nuits. Le modus operandi est complètement ouvert et s’adaptera au fil du temps. J’ai simplement envie que les conversations et les échanges passionnants qui se créent rue Chapon entre les différents acteurs précités puissent se prolonger en toute liberté dans un temps plus long. Le château permettra également de montrer tout ce qui m’anime, car ce que l’on peut voir à la galerie n’en est qu’une facette – je suis féru de musique, baroque particulièrement, de littérature, d’histoire et de peinture ancienne. Et j’ai envie que des rencontres se fassent autour de tous ces sujets.
Le château est composé de quatre modules distincts : la maison du régisseur, lequel s’occupera de la gestion des espaces verts et de l’intendance ; une résidence d’artistes, avec cinq ou six sélectionnés chaque année ; un espace à vivre dans lequel nous ferons régulièrement des accrochages thématiques et sans doute un « salon annuel », et enfin le château lui-même (une bâtisse du XVIIIe siècle ayant appartenu, à sa création, à un garde du corps du roi) et ses huit chambres, qui aura vocation à recevoir les invités. Enfin, pour le parc de 13 hectares, nous avons développé, avec le concours de Thierry Dalcant [paysagiste], un ambitieux projet paysager et de sculpture.
J’entends dire que des galeries ont perdu 80 % de leur chiffre d’affaires avec la suspension des foires ; pour moi c’est l’inverse : je fais 85 % de mon chiffre à la galerie. Cela dit je n’ai rien contre les foires et nous en faisons quelques-unes. Mais aller de manière assez agressive à l’autre bout du monde pour vendre des œuvres à des collectionneurs que l’on ne reverra jamais et sans que l’on sache pourquoi ils ont acheté, ne correspond pas à notre mode de fonctionnement. Je préfère de loin les vraies rencontres. De même, en ces périodes de confinement, je n’ai rien contre la présence digitale qui est un formidable outil, mais il faut qu’elle soit cohérente avec ce qui se fait dans la galerie et corresponde à une vraie politique. Et quoi qu’il en soit, cela reste frustrant de mettre une image en ligne et de répondre ensuite par mail.
Le prix d’un château aujourd’hui n’est pas plus élevé que celui d’un appartement à Paris. La rumeur a souvent circulé qu’il y avait un mécène ou des actionnaires derrière la galerie. Cela me flatte mais cela n’a jamais été le cas. La mise en place de ce projet passe donc par un emprunt auprès des banques et les remboursements qui en découlent.
Je crains que cela recommence exactement comme avant. Je ne crois pas au monde « d’avant » et au monde « d’après ». En revanche, que des glissements qui étaient déjà en cours s’accentuent, oui. La volonté de proximité, souvent évoquée, que ce soit dans l’alimentation ou dans l’art, était déjà en œuvre. Lorsque j’ai décidé d’ouvrir ce château, c’était il y a un an et demi, c’est-à-dire avant la crise. Hauser & Wirth n’a pas attendu la pandémie pour ouvrir son sublime lieu à Somerset dans le sud-ouest de l’Angleterre. Plusieurs expériences avaient ainsi vu le jour. Donc à mon avis, cette crise va être l’accélérateur de tendances qui étaient déjà en train de sourdre, bien plus qu’elle ne va générer un changement radical de direction.
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Christophe Gaillard, galeriste : « Je préfère de loin les vraies rencontres »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°557 du 11 décembre 2020, avec le titre suivant : Christophe Gaillard, galeriste : « Je préfère de loin les vraies rencontres »