Hélène Delprat rejoint Hauser & Wirth grâce à son galeriste parisien Christophe Gaillard.
Paris. Fin septembre, Hauser & Wirth a annoncé représenter nouvellement Hélène Delprat (née en 1957), précisant que cette représentation se faisait en collaboration avec la Galerie Christophe Gaillard. L’enseigne parisienne, qui travaille avec l’artiste depuis 2013, préparait en effet activement ces deux dernières années son transfert dans la méga-galerie suisse. Chose rare, cela s’est donc passé en bonne intelligence. « La plupart des marchands n’ont pas du tout envie que leurs artistes partent ailleurs. Mais ce n’est pas le raisonnement de Christophe : il considère que ce mouvement bénéficiera à tout le monde », souligne Hélène Delprat. Christophe Gaillard, en effet, ne se contente pas d’accepter que l’une de ses artistes phares intègre une grande enseigne internationale, il a tout fait pour que cela advienne ; l’annonce de Hauser & Wirth couronne un cheminement patient.
Quand il lui consacre sa première exposition personnelle dans sa galerie de la rue de Thorigny (Paris-3e), cela fait vingt ans que l’on n’a pas vu la peinture d’Hélène Delprat. Après son départ de Maeght en 1995, la plasticienne dit en effet avoir rangé ses pinceaux pour explorer d’autres pratiques (la photo, la vidéo, l’écriture dramaturgique…). Mais Christophe Gaillard l’encourage à persévérer dans son activité principale, qu’elle n’a, de fait, jamais abandonnée. En 2014, il décide qu’elle est « la plus grande peintre française vivante ».« C’était une évidence, j’en étais et j’en suis toujours persuadé », affirme-t-il. Il s’attelle donc avec un prosélytisme pugnace à faire partager cette conviction à quelques personnes influentes. Et notamment à Caroline Bourgeois, conservatrice auprès de la Collection Pinault. À cette époque, Christophe Gaillard a emménagé dans son espace actuel, rue Chapon, toujours dans le 3e arrondissement, où il dispose de la place nécessaire pour montrer de très grands formats. Caroline Bourgeois passe, et revient avec François Pinault. Le collectionneur achète plusieurs toiles, et en achètera à nouveau au cours de l’exposition suivante. Les prix se situent alors entre 15 000 et 20 000 euros. Puis en 2017, la Maison rouge, dont le fondateur, Antoine de Galbert, et la directrice, Paula Aisemberg, ont été les premiers à attirer l’attention de Christophe Gaillard sur son travail, offre à Hélène Delprat son premier solo institutionnel. L’aura de l’artiste suscite l’attention de quelques marchands. Mais après une brève collaboration avec les Berlinois de la galerie Carlier Gebauer, Hélène Delprat demeure sans représentation à l’étranger et Gaillard se met en tête de lui en trouver une, de premier plan. La rencontre avec Olivier Renaud-Clément sera déterminante. Le commissaire indépendant joue les intermédiaires avec Hauser & Wirth, pour qui il monte régulièrement des projets d’exposition. Après de premiers contacts fructueux, Iwan Wirth et Manuela Wirth, ainsi que Marc Payot, les coprésidents de la multinationale, acceptent une visite d’atelier. Celle-ci, soigneusement préparée par le galeriste et l’artiste, scellera la future collaboration, dont les termes seront formalisés lors d’un rendez-vous à New York. Si Hauser & Wirth s’octroie désormais l’essentiel de la production, la galerie Gaillard en conserve une petite part et reste la galerie mère. « Nous continuerons à gérer le studio Hélène Delprat », confirme Christophe Gaillard.
L’histoire est exemplaire. Elle traduit surtout la complicité qui unit le galeriste parisien et la peintre. « Je n’aurais pas intérêt à ce que ce deal se fasse si je n’avais pas un certain nombre de tableaux d’Hélène. Or j’ai pu les acquérir parce qu’elle s’est toujours montrée généreuse et m’a fait une confiance aveugle », assure Christophe Gaillard. « J’ai participé à l’effort de guerre… », commente sobrement cette dernière qui admet avoir parfois accepté des paiements différés sans jamais non plus négocier les prix de ses œuvres, dont elle laissait l’appréciation à son galeriste. Le galeriste a pour son part consenti de lourds investissements pour la mettre en avant, voire en majesté, à travers des productions somptuaires, comme la fontaine commandée pour la Résidence Le Tremblay ou l’installation montrée dans le cadre d’Art Basel Unlimited, à Bâle, en 2021. Ce pari sur le long terme se révélera probalemement payant. La première exposition de Delprat chez Hauser & Wirth ouvrira en janvier 2024. Et les prix des œuvres auront sans doute considérablement augmenté.
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Comment Christophe Gaillard a organisé le transfert d’Hélène Delprat à Hauser & Wirth
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Un transfert gagnant pour tous