PARIS
La galerie Hauser & Wirth accueille pour la première fois les grands formats de l’artiste pour qui l’essentiel réside dans les détails.
Paris. Voici donc Hélène Delprat chez Hauser & Wirth, pour sa première exposition dans l’espace parisien ouvert en octobre dernier par la méga galerie suisse. L’artiste qui a fait, depuis une petite dizaine d’années, son retour sur le devant de la scène aux côtés de son galeriste Christophe Gaillard a intégré Hauser & Wirth en collaboration avec ce dernier. Annoncé par un titre, « Monster Soup », et un carton inspiré d’une caricature du XIXe siècle montrant une goutte d’eau grouillant sous le microscope de bestioles effrayantes, ce solo show invite à regarder de plus près ce que l’on préférerait ne pas voir (sans adopter pour autant une posture supérieure ; Hélène Delprat n’est pas du genre donneuse de leçons).
S’il comporte une très grande sculpture, deux films, trois tapis gigantesques et quelques céramiques, c’est avant tout d’une exposition de peintures dont il s’agit. La première salle en réunit trois. La plus grande, Peinture – catastrophe (2023) évoque un champ de bataille qui serait perçu par les yeux d’un enfant, où l’on retrouve l’habituel mélange de citations érudites et de culture populaire caractéristique de l’artiste. Une vidéo, Hammer Song (2007), flanque ce tableau comme le second opus d’un diptyque : Hélène Delprat, déguisée, y joue les projectionnistes, braquant son faisceau de lumière sur des extraits de films d’horreur de série B, des films « d’horreur pour rire» comme elle dit. De la même façon, le spectateur doit fouiller du regard la grande toile attenante pour isoler la multitude de détails qui s’y révèlent : là un visage à la manière cubiste de Pablo Picasso, ici des explosions dans un style cartoon, des trouées évoquant les « célestographies » d’August Strindberg, un nuage de paillettes, des coulures quadrillées, des dripping dorés appliqués par transfert, un drapeau brandi… Dans la partie haute du tableau, des volutes héraldiques rappellent que le langage peut se constituer en image. Voilà pour ce qui est au fond l’essentiel, un crépitement sombre traversé de lueurs. Au premier plan se détachent d’étranges créatures en armes, mi-hommes mi-insectes, cernant un soldat qui gît à la renverse.
Dans la deuxième salle, à l’étage, J’accuse (2023), une toile de très grand format – il a fallu l’acheminer par camion et la tracter avec une grue – occupe un pan entier de mur. Là encore, c’est la guerre qui est évoquée, avec ses croix blanches (l’artiste a été marquée très jeune par les cimetières militaires de Picardie). Le masque au centre du tableau, avec son rictus de bande dessinée, est emprunté aux logos d’identification des sous-marins allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans une petite salle dérobée, L’Enterrement de la sardine (2023) est titré en référence explicite au tableau de Francisco de Goya : la foule a disparu, mais la composition, formant une sorte de ronde, reste identique. La peintre a rajouté dans cette vignette de carnaval une étrange figure en lévitation – un Christus mortus ? – ainsi qu’une petite fleur rose très « kawaï », totalement anachronique, mais aussi des effets calligraphiques, des rayures orange. La jubilation, le plaisir à peindre sont évidents. Juste à côté, un tableau proclame « I declare I am not a white european female artist », photomontage à l’appui montrant Hélène Delprat crâne rasé et costard-cravate, en héros de science-fiction kitsch. Toujours tenir le sérieux à distance. La cote de l’artiste a augmenté mais les prix ne sont pas encore stratosphériques (entre 20 000 et 325 000 euros).
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Hélène Delprat peint avec légèreté la gravité du monde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Hélène Delprat peint avec légèreté la gravité du monde