France
L’Artindex France enregistre plusieurs belles progressions, parfois même spectaculaires, pour les artistes femmes en 2017. Mais celles-ci ne représentent encore qu’un cinquième du nombre de créateurs recensés.
L’année écoulée invite à se pencher sur la situation des femmes dans l’art contemporain. Les mouvements de libération de la parole qui ont fait suite à l’affaire Weinstein n’ont certes pas pu avoir d’effets sensibles sur un classement mesurant la visibilité des artistes femmes en 2017. Ils sont toutefois portés par une lame de fond dont les effets se manifestent depuis plusieurs années au travers d’une revalorisation de la place des femmes artistes, notamment dans les pays anglo-saxons. En France, quelques rares initiatives en ce sens sont à saluer, comme l’action de l’association Aware en faveur de la visibilité des femmes dans le milieu de l’art [Violaine Lochu est lauréate du prix Aware 2018, NDLR], ou encore « Women House », l’exposition consacrée aux femmes qui vient de se terminer à la Monnaie de Paris. Si l’on examine les trajectoires particulières, Sophie Calle demeure largement en tête et reste très sollicitée par les institutions françaises et étrangères. En 2017, elle a bénéficié d’expositions personnelles notamment au Musée de la chasse et de la nature à Paris et au Fort Mason Center à San Francisco. Camille Henrot la suit et gagne 6 places (au classement mixte). Sa « carte blanche » au Palais de Tokyo, à Paris, en dépit de son infortune critique, a indéniablement joué un rôle dans ce résultat. En outre, la Kunsthalle de Vienne lui a consacré une exposition monographique et elle a participé à la Biennale de Timisoara (Roumanie) ainsi qu’à de nombreuses expositions collectives.
Parmi les progressions remarquables, Olga Kisseleva gagne 31 places (au classement mixte) et se hisse au 10e rang (du classement féminin). Elle a bénéficié en 2017 de nombreuses expositions personnelles, à Lugano (Suisse), Torun (Pologne), Vladivostok (Russie), São Paulo (Brésil) et Astana (Kazakhstan). Nombre de ses consœurs font comme elle un véritable bond en avant : Bertille Bak (+ 34 places), Anne-Marie Schneider (+ 26 places), Judit Reigl (la doyenne du classement, + 53 places, lauréate 2017 du prix d’honneur Aware). On relève quelques avancées spectaculaires telles celle de Marie Voignier (+ 106 places au classement mixte) ou, plus vertigineuse encore, de Pauline Curnier Jardin (+ 169 places) : ces deux dernières ont bénéficié de l’énorme coup de projecteur que leur a procuré leur participation à la dernière Biennale de Venise. La championne des progressions est Hélène Delprat qui gagne 190 places. La peintre représentée par Christophe Gaillard a manifestement bénéficié là de son exposition personnelle à La Maison rouge à Paris. Un constat s’impose ici : le peloton de tête est composé de femmes qui pour l’essentiel vivent à l’étranger. Ainsi, sur les 10 premières, seules Sophie Calle (1re), Annette Messager (5e), Tatiana Trouvé (8e) et Lili Reynaud-Dewar (9e) résident en France (à Paris ou dans sa proche banlieue, sauf Lili Reynaud-Dewar qui vit à Grenoble). Camille Henrot (2e) et Yto Barrada (3e) vivent à New York, Laure Prouvost (4e) vit à Londres, Dominique Gonzalez-Foerster (6e) entre Paris et Rio de Janeiro, Latifa Echakhch (7e) en Suisse et Olga Kisseleva (10e) entre Saint-Pétersbourg et Paris. Le choix fait par ces artistes de vivre à l’étranger a un impact indéniable sur leur carrière. À l’inverse, à partir de la 20e place, presque toutes les créatrices recensées vivent en France. L’international apparaît clairement comme un « booster » de carrière. Une nécessité pour les artistes françaises ? Sur les 250 artistes du classement, les femmes, au nombre de 56, ne représentent qu’un cinquième du contingent. Par ailleurs, à la différence des hommes, très peu de femmes âgées y figurent : sur 28 artistes âgés de plus 79 ans, on ne recense que deux femmes. Ceci atteste de la mise à l’écart historique des femmes artistes et d’un travail de rattrapage en leur faveur qui tarde à se concrétiser. Ainsi, la visibilité de quelques artistes phares et de très belles progressions sont l’arbre qui cache la forêt d’un classement qui demeure essentiellement masculin. En France, les résistances devant une politique affirmative et volontariste en faveur des femmes sont fortes. La mythologie naturaliste voulant que les artistes mis en valeur le seraient sur la seule base de leur talent révèle un aveuglement devant la prégnance des structures masculinistes du pouvoir dans le milieu de l’art. Français.es, encore un effort si vous voulez être féministes !
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Où sont les femmes ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Où sont les femmes ?