PARIS
Malgré un contexte difficile, la capitale reste une ville attractive pour les galeries : des enseignes internationales y ouvrent ces jours-ci tandis que d’autres repensent ou agrandissent leurs espaces.
Paris. On se souvient du slogan de Galeristes l’an dernier : en fixant ses dates en octobre, le salon annonçait, non sans humour, « cette année, la Fiac se tient pendant Galeristes ». Un an plus tard, l’annonce de l’annulation de la Foire internationale d’art contemporain fait l’effet d’une douche froide. Une semaine de l’art sans la Fiac ? Art Élysées ayant elle aussi dû jeter l’éponge dans la foulée, on aurait pu craindre un effondrement général du secteur. Il n’en est rien. Les événements du « off » se sont pour la plupart tant bien que mal adaptés. Quant aux galeries, elles affichent leur mobilisation à travers une communication commune émanant du CPGA (Comité professionnel des galeries d’art) : « Le Pari(s) » recense ainsi les différents parcours, nocturnes, ouvertures dominicales, accueil de consœurs étrangères, etc., mis en place du 19 au 25 octobre. Loin d’une saison morte, on enregistre même cet automne de nouvelles venues dans la capitale, des transformations, et des agrandissements ambitieux.
Au 2, rue Beaubourg (Paris-4e) Jérôme Poggi a ainsi mis à profit le confinement et l’été pour lancer un vaste chantier et repenser entièrement sa galerie : son architecture, jusqu’à sa façade, son identité graphique, la composition de son équipe, la localisation des réserves, sa stratégie digitale. « Il ne s’agit pas de résister à la crise, mais de la laisser nous transformer », résume-t-il.
L’adresse se signale dès l’extérieur par une devanture en forme de manifeste : trois vitrines lumineuses et quasi vides évoquent l’activité du lieu sans la montrer autrement qu’à travers des cartels et un accrochage en cours… appelé à le rester puisque l’ensemble constitue une œuvre commandée à l’artiste Wesley Meuris. Ce dispositif conceptuel intrigue, amuse, et fait référence à L’Enseigne de Gersaint, toile peinte par Watteau en 1720 pour son ami et marchand Edme-François Gersaint. Jérôme Poggi cite ce tableau en tant qu’« image fondatrice de sa culture visuelle ». En se plaçant sous ces auspices savants, sa galerie remise à neuf se définit donc comme un espace de transaction à forte valeur ajoutée. Plus intime, avec son sas façon antichambre meublé d’un coin bibliothèque et de son showroom confidentiel, plus modulable, grâce aux deux cabinets en alcôve et à une cimaise en arrière-plan où seront ponctuellement présentées des œuvres, sans renoncer pour autant au classique « white cube » central, qu’éclaire un plafonnier de leds.
Le but de l’opération ? « Intensifier l’expérience des œuvres d’art. » La programmation de rentrée démarre avec le projet « Nations » de Kapwani Kiwanga, parallèlement à l’exposition au Centre Pompidou du prix Marcel Duchamp pour lequel l’artiste est nommée. Détail : au début de la rue Beaubourg, la destination, rebaptisée tout simplement « Galerie Poggi », emprunte sa signalétique à celle des stands de foire ; un clin d’œil à ce type de manifestation alors qu’il semble, pour un temps, révolu. Et où il s’agit donc d’apprendre à faire sans.
Changement de nom aussi pour la galerie de Los Angeles associant Alex Freedman et Robert Fitzpatrick, qui avait ouvert en 2018 une antenne parisienne. Le binôme se sépare et la Fitzpatrick Gallery se veut désormais nomade.
Dans le Marais, au 4 de la rue des Minimes (Paris-3e), on attend en revanche l’ouverture annoncée le 19 octobre de la Marguo Gallery, par l’ancienne directrice du pôle Asie de Hauser & Wirth, Vanessa Guo, associée au marchand d’art parisien Jean-Mathieu Martini. La galerie est appelée à cultiver son tropisme franco-chinois et sera inaugurée avec une exposition de dessins sur feutrine de l’artiste émergent Zhang Yunyao.
Le 23 octobre, c’est la puissante Lévy Gorvy Paris qui ouvrira ses portes, au 4, passage Sainte-Avoye (Paris-3e). Après New York, Londres, Zürich, Hongkong, l’enseigne internationale choisit donc de s’établir dans la capitale française, où elle sera la nouvelle voisine d’Art : Concept. La galerie de Basquiat, Calder, Fontana, de Kooning, entre autres artistes historiques, reprend l’ancien Espace Claude Berri, conçu à l’époque par Jean Nouvel et réaménagé par l’architecte Luis Laplace. Sa fondatrice, Dominique Lévy, associée depuis 2017 à Brett Gorvy, occupe ainsi l’espace d’un marchand qui l’inspira au début de sa carrière – commencée chez Sotheby’s, poursuivie auprès d’Édouard Malingue. L’exposition inaugurale est consacrée à l’artiste allemand Günther Uecker (né en 1930) avec un ensemble récent de peintures de très grand format ainsi que de petites aquarelles.
Le spécialiste d’art brut Christian Berst inaugure pour sa part le 23 octobre une annexe dévolue au dialogue entre les œuvres. Intitulée « The Bridge », et pensée pour relier les rives de l’art brut à celles de l’art contemporain, elle fera face à son adresse initiale, qui fête cette année son quinzième anniversaire (3-5, rue des Gravilliers, Paris-3e). L’enseigne a contribué à la diffusion et à la reconnaissance de l’art situé en marge des courants dominants, à travers sa programmation mais aussi grâce à la publication de très nombreux catalogues bilingues. Elle figure depuis 2016 dans la sélection de Paris Gallery Map (anciennement Galeries mode d’emploi) et a toujours pratiqué une forme d’iconoclasme en faisant appel à des commissaires d’exposition extérieurs, afin de privilégier le décloisonnement. The Bridge fonctionnera sur ce même principe, avec des invitations renouvelées sept fois par an. Le commissaire indépendant Gaël Charbau ouvre le ban avec un « Face à face » qui met en regard des œuvres d’Arman, Annette Messager, Tetsumi Kudo, Philippe Mayaux…, toutes issues d’une collection privée, avec des pièces de la galerie signées Raymond Coins, Misleidys Castillo Pedroso, Carlo Zinelli…
Enfin, la galerie Massimo De Carlo, déjà présente à Milan, Londres et Hongkong, habituée de la Fiac, reprend le concept de Pièce Unique lancé par le galeriste Lucio Amelio en 1989, et consistant à montrer une seule œuvre en vitrine. Massimo De Carlo-Pièce Unique sera situé au numéro 57 de la rue de Turenne (Paris-3e), dans un local spécialement conçu par l’architecte Kengo Kuma. Fidèle à l’esprit de son prédécesseur, Massimo De Carlo entend cependant l’actualiser en alternant la présentation d’œuvres physiques avec celle de projets numériques.
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Paris sera toujours Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : Paris sera toujours Paris