BÂLE / SUISSE
L’édition 2022 d’Art Basel, qui réunit 289 galeries, déploie un dispositif toujours aussi riche, divers et hors norme de propositions de qualité qui contribuent à faire d’elle la plus grande foire du monde.
Bâle (Suisse). Neuf mois après une édition 2021 exceptionnellement décalée en septembre, Art Basel revient à Bâle aux dates qui étaient les siennes avant la pandémie. Sauf que le contexte est différent de celui qui prévalait jusqu’en 2019. De nombreux marchands ont changé leurs habitudes de fréquentation des foires et réduit le nombre de leurs participations. Ceux qui en faisaient quatre en 2019 n’en ont fait que trois en 2021, dont une en ligne. La part de leurs transactions réalisées via Internet a ainsi continué de progresser en 2021, même si plus de la moitié d’entre eux s’attendent cependant à voir le volume des ventes effectuées dans les foires repartir à la hausse dans les prochains mois. Art Basel a pour sa part muté entre-temps en manifestation hybride, avec un événement physique doublé d’une version numérique, ce qui lui permet d’étendre son audience internationale et son aura virale. Enfin, le calendrier de l’organisation suisse s’est enrichi d’un nouveau rendez-vous avec la tenue de « Paris+, par Art Basel » programmée en octobre, la foire de Bâle précédant cette année pour la première fois l’édition inaugurale de sa déclinaison parisienne. Or le marché français ne s’est jamais aussi bien porté en dix ans et la place de Paris a gagné en attractivité.
Cette édition de 2022 semble néanmoins renouer avec sa configuration habituelle, et un programme au complet, souligne son directeur, Marc Spiegler. On retrouve donc comme chaque année une nouvelle installation artistique à l’échelle de la Messeplatz, le Parcours d’œuvres dans la ville, la programmation vidéo du Stadtkino, les projets hors norme d’« Unlimited », et bien sûr, les différents secteurs des allées marchandes : « Galleries », « Feature », « Statements » et « Edition ».
Hommage à l’artiste conceptuel Lawrence Weiner disparu en décembre dernier, son œuvre participative Out of Sight occupe le parvis du bâtiment principal [voir ill.]. Elle s’y déploie à la façon d’une marelle géante, jouer le jeu consistant ici pour les amateurs à « assumer une position » (« assuming a position »). Samuel Leuenberger, commissaire indépendant et fondateur d’un lieu d’exposition à but non lucratif, conçoit « Parcours » depuis 2016. Sa programmation d’œuvres in situ et de performances autour du centre historique de Bâle comprend cette fois-ci une vingtaine de propositions. Depuis les sculptures en bronze hiératiques d’Alicja Kwade jusqu’à la fragilité de la nature observée par Tomàs Saraceno en passant par la sculpture d’une femme trans de Puppies Puppies (Jade Guarano Kuriki-Olivo), véritable manifeste contre la transphobie et toutes les formes de rejet ou d’abus vis-à-vis des minorités. Le thème de Parcours invite en effet cette année à s’interroger sur les transformations de la société. Comment progresser quand l’époque change ? (« How to Grow in Times of Change ? ») Une question que la foire, qui retrouve son format de référence, semble avoir déjà résolue, ou qu’elle réserve au cycle de ses Conversations, à travers une douzaine de discussions abordant quelques-unes des thématiques du moment, de la responsabilité des collectionneurs actifs sur le marché des NFT aux défis posés aux musées par le changement climatique, sans oublier la décolonisation.
Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Bâle conserve son rang de foire leader, que la crise n’a pas remis en jeu. Cette édition compte un peu moins de 300 galeries venues du monde entier, couvrant selon une formule éprouvée un spectre allant des maîtres de l’art moderne aux artistes émergents. Avec 70 projets sélectionnés une nouvelle fois par Giovanni Carmine, directeur de la Kunst Halle de Sankt Gallen, le secteur « Unlimited » entend également réunir des artistes consacrés comme des talents à découvrir, d’une série de dessins de Gerhard Richter datée de 1986 (Sies + Höke, Düsseldorf) aux sculptures suspendues dans l’espace comme des carcasses métalliques de Kennedy Yanko, artiste en résidence du Rubell Museum en 2021 (Vielmetter Los Angeles), en passant par une émouvante galerie de portraits de villageois par Barthélémy Toguo, composée de 45 panneaux en bois d’iroko (Lelong & Co., Paris). La plateforme offre surtout aux galeries une occasion de se démarquer et d’affirmer leur importance, en bénéficiant pendant quelques jours d’une médiatisation planétaire et de l’attention des plus grands collectionneurs. Installations coûteuses, sculptures volumineuses, immenses peintures murales, amples séries photo et projections vidéo trouvent ici une vitrine à leur démesure. Et même si certaines enseignes, habituées aux grands espaces, n’hésitent déjà pas à repousser les limites sur leur stand, comme Hauser & Wirth qui présente sur le sien une monumentale Araignée (Spider, 1996) de Louise Bourgeois, l’énorme et le hors norme sont a priori réservés au hall 1. « Très ambitieuse et sans précédent par sa diversité, avec un choix d’artistes extrêmement large, dont certains avec des points de vue longtemps marginalisés dans le monde de l’art », assure Marc Spiegler, cette édition d’« Unlimited » s’annonce « comme un chœur de voix artistiques s’élevant contre l’isolement, la solitude et l’indifférence », veut croire Giovanni Carmine. L’humanisme a de nouveau la cote.
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Art Basel immuable
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Art Basel immuable