GENÈVE / SUISSE
La responsabilité qui incombe aux intermédiaires dans les transactions était au centre des discussions de la 6e conférence organisée à Genève par le Responsible Art Market.
Genève. En marge de la foire Art Genève, se tenait le 4 mars la 6e conférence annuelle organisée par le RAM. « RAM » pour « Responsible Art Market » (marché de l’art responsable), une initiative mise en place en 2017 « par et pour les acteurs du marché de l’art », comme le rappelle Anne Laure Bandle, directrice de la Fondation pour le droit de l’art (Université de Genève), à l’origine du projet. Tout est parti d’un double constat : un marché de l’art globalisé en constante évolution, faisant face à de nouveaux défis notamment en matière de numérisation ; une relative absence d’harmonisation en matière de régulation au niveau international.
C’est l’autorégulation du secteur qu’appelle de ses vœux l’initiative genevoise qui édicte régulièrement des codes de conduite sur des questions-clés telles que l’analyse des risques (« due diligence ») ou la lutte contre blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sur le marché de l’art – accessibles en ligne (en anglais) sur le site Internet du RAM.
La mouture 2022 présentée à la conférence sous le titre de « Toolkit for intermediaries » (« outils pour les intermédiaires ») s’intéressait plus particulièrement au rôle joué ici par les intermédiaires sur le marché de l’art. Une série d’études de cas pratiques (fictifs) suivait et abordait les questions de procédures, et plus délicates, celles d’authenticité et de provenance. Si la « bonne collaboration entre les acteurs du marché de l’art » était soulignée par Mathilde Heaton (Phillips, Londres), Marion Papillon (Galerie Papillon, Paris) mettait, elle, l’accent sur la différence de durée de responsabilité juridique qui, à la suite d’une vente, est de cinq ans en France pour les maisons de ventes aux enchères et de vingt ans pour les galeries ; un point de vue défendu également par Sarah Allen (Galerie Hauser und Wirth, Londres). Une responsabilité partagée néanmoins par le client si l’on en croit la consultante en art Aude Lemogne (Link Management, Luxembourg) : « La première question que le client doit poser à l’intermédiaire n’est-elle pas : avez-vous des intérêts financiers dans cette vente ? » La blockchain suffirait-elle dans ce cas à répondre à ces exigences de l’acheteur en matière de transparence ? S’il semble que « les NFT soient plus transparents que n’importe quelle autre œuvre d’art », selon Mathilde Heaton, Marion Papillon relativisait le propos : « Nous devons apprendre du passé. Nous savons que tôt ou tard les questions de provenance feront aussi surface dans la blockchain. »
Cette « task force » de réflexion sur le marché de l’art présente un atout non négligeable, la multidisciplinarité, en réunissant tant des acteurs du marché de l’art (issus des grandes maisons de ventes aux enchères et des galeries) que des fournisseurs de services (comme les ports francs genevois) et des juristes du Centre universitaire du droit de l’art (Genève). Pourtant l’écueil de l’autocélébration de la profession ne semble jamais loin. Ce fut en particulier le cas en abordant le développement durable, thème de la table ronde de clôture, un concept en vogue. Déroulant les bonnes pratiques du marché de l’art en matière de baisse d’émissions carbone (de la mise en ligne des catalogues à la réutilisation des caisses de transport d’œuvres), les exposés de Fabian Guignard (Christie’s Europe) et Simon Hornby (Crozier, Zürich), bien que de bonne volonté, peinaient à convaincre.
C’est toutefois en offrant la parole à des non-professionnels du marché que la conférence gagnait en relief et en crédibilité. Invité cette année à présenter sa collection d’art chinois contemporain baptisée « DSL collection », ce qu’il fit en ouverture du colloque, le Français Sylvain Lévy se faisait le porte-voix des acquéreurs d’art. Lui-même a bâti une collection « nomade » exposée dans des musées à l’international et qui explore de nouveaux moyens d’exposition par le biais de la réalité virtuelle et du métavers, créant, de concert avec des musées chinois, des espaces d’art virtuels inspirés du monde du jeu vidéo. Avec ces progrès technologiques et l’émergence du marché des NFT qui inaugure « un nouveau type de marché de l’art », le collectionneur le reconnaissait : « Nous sommes entrés dans une véritable terra incognita. » C’est là que réside vraisemblablement le plus grand défi actuel du marché de l’art.
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Quelles pistes pour un marché de l’art responsable ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Quelles pistes pour un marché de l’art responsable ?