PARIS [20.12.17] - Le contrat type de mandat de représentation qui sera bientôt rendu public offre un socle contractuel minimal efficace et sécurisant pour l’établissement par écrit des relations entre artistes et galeries.
À l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) a décidé de renforcer son positionnement public de promoteur de bonnes pratiques au sein du marché de l’art, essentiellement pour le premier marché. La réécriture récente du Code de déontologie avait constitué la première pierre à cet édifice. Son adaptation à la marge en 2017, dénotant en creux la manière dont le monde de l’art s’en est emparé, et surtout l’élaboration d’un modèle de contrat type de mandat de représentation, liant un artiste à une galerie, constituent une nouvelle avancée précieuse.
Galeristes et artistes sont encore réticents à s’imposer mutuellement la signature d’un contrat écrit, préférant trop souvent l’adoption d’un simple engagement moral et oral. Pourtant le recours à l’écrit permet de cerner les obligations réciproques de chaque partie, d’en assurer la preuve et d’offrir une sécurité dans les prévisions respectives. Le Comité avait déjà mené une telle aventure dans les années 70 en diffusant à ses membres plusieurs modèles de contrat artiste-galerie. Depuis, les mœurs ont changé et le tout récent modèle, qui devrait être diffusé au public prochainement, aura assurément vocation à inciter les acteurs à s’en saisir.
Une volonté d’équilibre des intérêts
Le document proposé de sept pages constitue ainsi une base contractuelle minimale très satisfaisante, qui doit cependant être adaptée en fonction des spécificités de chaque situation. La perfection n’existant pas en matière de modèle contractuel, il convient avant tout de s’attacher à parvenir à définir les grandes lignes des prévisions des parties. En ce sens, un contrat constitue une projection temporelle, dans le passé - en rappelant les raisons ayant incité les parties à contracter -, dans le présent - en rappelant les obligations réciproques -, et dans l’avenir - en prévoyant les modalités de cessation des relations -. Cette règle des trois unités temporelles est ici bien présente. Le modèle offre alors un cadre réduisant l’insécurité à laquelle sont confrontés artistes et galeristes lorsque la confiance s’étiole et que le contrat doit être résilié.
Fruit d’un long processus de rédaction, le modèle de contrat type est présenté comme une solution de compromis permettant de rechercher un équilibre « pour préserver les intérêts de chacune des parties » et d’assurer une confiance réciproque entre elles. Et cette confiance est essentielle, car elle constitue le socle de toute relation contractuelle. Le recours à un contrat écrit participe à la réduction des inégalités éventuelles entre les cocontractants, à l’asymétrie qui peut parfois exister selon l’importance et l’influence sur le marché tantôt de l’artiste, tantôt de la galerie. L’égalité contractuelle est, ici, recherchée. Les obligations issues du droit commun des contrats, dont les devoirs de bonne foi et de coopération, auraient ainsi pu être rappelées au sein du contrat dans une perspective pédagogique.
Les choix de l’intermédiation et de l’exclusivité
Alors que le marché de l’art s’avère marqué par une très forte hétérogénéité de ses acteurs et de ses pratiques, le Comité a toutefois souhaité proposer un unique modèle de contrat type fondé sur une relation d’intermédiation entre une galerie et un artiste marquée par le sceau de l’exclusivité. Cette intermédiation, juridiquement qualifiée de mandat d’intérêt commun au regard de la promotion réalisée par la galerie et de la finalité partagée par les parties, correspond néanmoins à la majorité des hypothèses de représentation des artistes sur le premier marché. En effet, rares sont les artistes dont les œuvres nouvelles sont désormais achetées par les galeries afin d’être revendues à des collectionneurs. Le choix opéré participe d’une certaine logique qui préside depuis le début des années 1990 au sein du marché français.
En revanche, un autre choix opéré s’apprécie davantage comme un acte politique : l’exclusivité de la relation, qu’elle s’avère totale ou limitée géographiquement, par exemple. La promotion menée et les investissements réalisés au bénéfice de l’œuvre de l’artiste représenté justifieraient un tel choix. Mais l’attention portée dans la notice explicative du contrat à ce point particulier dénote le caractère délicat d’un tel choix qui impose à l’artiste de procéder à la vente de ses œuvres systématiquement par le biais de galerie. Impossible donc d’effectuer des ventes à l’atelier, de répondre seul à des sollicitations de commanditaires publics ou privés ou encore de céder un exemplaire d’artiste sans en référer à son cocontractant. La galerie est imposée comme acteur incontournable.
La Charte des bonnes pratiques, concomitamment adoptée, énonce que les acheteurs et commanditaires publics doivent associer les galeries représentant l’artiste sollicité dès le début d’un processus de commande. Cette systématisation peut apparaître délicate, essentiellement en matière de 1% artistique où les artistes bénéficient aujourd’hui d’une autonomie presque totale par rapport à leur galerie dans la réponse aux appels à projet et dans la gestion des réalisations, ce qui leur offre une source autonome de revenus et leur assure une certaine indépendance par rapport à la galerie.
Une sédimentation des usages
Le modèle cristallise également un certain nombre d’usages, déjà envisagés par le Code de déontologie du Comité, et leur donne ici une force contractuelle. Le principe d’une répartition du prix de vente par moitié pour chacune des parties est posé. La récupération préalable des frais de production avant une telle répartition - source régulière d’incompréhension voire de contentieux - est également rappelée ; de même pour l’usage communément accepté d’une remise potentielle sur le prix de vente public de dix pour cent.
La question de l’exploitation des droits patrimoniaux de l’artiste sur ses œuvres pour la promotion et l’archivage notamment de sa création est abordée avec un aménagement temporel qui évitera aux galeries de ne plus pouvoir faire état des expositions passées, une fois le contrat de représentation terminé. Quant aux questions essentielles relatives à la reprise des œuvres ou l’apurement des comptes en fin de contrat, celles-ci sont également envisagées.
Un des points les plus notables, à notre sens, réside dans la consécration de la clause de réserve de propriété qui décale le transfert de propriété de l’œuvre à son complet paiement. Et une fois celui-ci parfaitement réalisé, le certificat d’authenticité, sésame actuel du marché, peut enfin être délivré. En revanche, il aurait été bienvenu de rappeler de manière plus soutenue l’obligation d’assurer les œuvres confiées en dépôt et ce, à une valeur minimale correspondant à la part revenant à l’artiste en cas de vente.
La publicité qui sera donnée au modèle proposé permettra à celui-ci de rayonner au-delà des seules relations unissant les galeries appartenant au Comité avec leurs artistes. Il conviendra de scruter avec attention si la proposition de socle contractuel minimal entre ces deux acteurs va infuser les pratiques sectorielles du premier marché. C’est, en tout état de cause, le souhait qu’il reste à formuler.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Comité des galeries se dote d’un modèle de contrat galerie / artiste
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Logo du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) et couverture du Code de déontologie. Le nouveau Code de déontologie des galeries d’art a été édité par le Comité des galeries d'art en 2016 © Courtesy of CPGA