Lorsqu’une œuvre est remise à une galerie en vue de sa vente, le contrat de mandat se double des obligations attachées au contrat de dépôt. Un régime juridique qui impose des règles particulières.
Paris. Un artiste, un collectionneur ou encore un confrère peuvent confier à une galerie la garde d’une œuvre d’art dans diverses perspectives. Parmi celles-ci, l’expertise de l’œuvre, son exposition ou encore sa vente. En ce dernier cas, un seul contrat peut être conclu : un « mandat de vente », comportant la nécessaire remise d’une chose. Dès lors que la finalité de la remise de l’œuvre consiste en sa vente espérée, la qualification du contrat de dépôt doit être écartée. Néanmoins, le régime de ce contrat spécial sert de référence pour déterminer les obligations qui s’imposent, de manière accessoire, à la galerie dans la conservation de la chose. Et, en raison de sa qualité d’intermédiaire professionnel rémunéré sur le prix de vente de l’œuvre, la galerie voit de telles obligations renforcées.
La remise d’une œuvre à une galerie n’emporte pas légalement la nécessaire rédaction d’un écrit. Mais l’établissement d’un bon de dépôt apparaît très fortement conseillé, notamment pour des questions probatoires. Ce document ne revêt aucun formalisme obligatoire. C’est pourquoi la pratique et les usages sont venus sédimenter les mentions qui doivent a minima y figurer. Le code de déontologie du Comité professionnel des galeries d’art indique ainsi que le bon de dépôt décrit l’œuvre afin qu’elle soit identifiable.
Parmi les éléments essentiels à indiquer figurent le nom de l’auteur, le titre de l’œuvre, sa date de création, ses dimensions ou encore son état de conservation. Il convient d’y porter éventuellement les modalités financières, le prix de l’œuvre et la durée de la mise à disposition. En ce sens, le bon de dépôt reprend les principales dispositions du mandat de vente et est établi en double exemplaire, l’un étant destiné au propriétaire, l’autre à la galerie. Quant à l’inscription au sein du livre de police tenu par le galeriste, lorsque l’œuvre ne provient pas de l’artiste, celle-ci renforce la traçabilité de l’œuvre.
Parmi les obligations imprimées par le dépôt sur le contrat de mandat confié à une galerie, se déploient l’obligation de garde et l’obligation de restitution de la chose confiée, si la vente projetée n’est pas réalisée.
La première obligation impose à la galerie d’apporter à l’œuvre les mêmes soins que dans la garde des choses qui lui appartiennent, selon la formule de l’article 1927 du code civil. Le non-respect d’une telle obligation emportera l’engagement de sa responsabilité contractuelle. Ainsi, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a pu retenir, le 7 janvier 2016, que la restitution par la galerie à l’artiste de ses œuvres détériorées les rend non commercialisables et qu’il convient de condamner la galerie à payer à son cocontractant la valeur des œuvres estimées. Et, dans le cas où la restitution des œuvres confiées est impossible, le préjudice subi par l’artiste « s’analyse comme une perte de chance de vendre les œuvres […] au prix estimé », comme le rappelle une décision du 11 octobre 2016 du TGI de Paris.
Au-delà du seul préjudice matériel, la jurisprudence retient de manière constante un préjudice moral distinct pour le propriétaire, notamment lorsque ce dernier est artiste. En outre, l’atteinte irrémédiable à l’œuvre de celui-ci peut emporter une atteinte tant à son droit moral qu’aux droits patrimoniaux dont il est investi.
Le contrat de dépôt est révocable à tout moment et unilatéralement à la demande du déposant. Et ce, même si le contrat est à durée déterminée. Néanmoins, dans l’hypothèse de la remise d’une chose à une galerie en vue de sa vente, seule la qualification du contrat de mandat doit être retenue. Et selon une jurisprudence qui semble établie, un tel contrat est qualifié de mandat d’intérêt commun. Le propriétaire de l’œuvre ne peut alors exiger la restitution avant la fin du contrat, si un délai a été stipulé, ou à tout moment, à défaut d’une telle stipulation. Le tribunal de grande instance de Paris, dans une ordonnance de référé du 10 février 2017, rappelle que l’existence d’un mandat d’intérêt commun entre un propriétaire et une galerie limite la faculté de résiliation unilatérale, la révocation ne pouvant intervenir que par consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice. Ce dernier cas correspondant notamment à une inexécution par la galerie de ses obligations.
Si aucune de ces deux hypothèses ne peut être retenue, la rupture des relations doit respecter un délai raisonnable, apprécié au regard de la durée des relations établies. Le non-respect d’un pareil délai par l’artiste peut entraîner un préjudice indemnisable au profit de la galerie. Le TGI de Paris avait pu retenir, le 11 janvier 2011, une somme de 20 000 euros à ce titre, la résiliation unilatérale et brutale par l’artiste ayant été considérée comme abusive.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les règles de remise d’une œuvre à une galerie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Les règles de remise d’une œuvre à une galerie