MONDE
Marché de l’art. La quasi-absence des foires pendant deux ans et la montée en puissance des ventes en ligne ont relancé les spéculations sur leur possible affaiblissement.
Ne parlait-on pas, avant la pandémie déjà, d’une lassitude à leur égard ? L’alignement exceptionnel en juin de trois salons majeurs, quasiment au même moment, à une période en général peu propice à s’enfermer, met fin (provisoirement) à ces interrogations. Il ne peut en être autrement. Les foires, notamment d’art contemporain, ont pris un poids considérable dans le marché, au point de peser 43 % des ventes des galeries selon l’économiste Clare McAndrew dans le rapport publié par Art Basel / UBS. Les mêmes causes produisent les mêmes phénomènes ; avant et après le Covid, les foires offrent des atouts que l’on retrouve dans une pièce de théâtre classique : unité de temps (quelques jours), unité de lieu et sens de la dramaturgie (la rivalité pour acquérir les meilleures pièces) comparable à l’excitation lors d’une vente aux enchères. Les galeries interrogées par Clare McAndrew ont, pour la majorité d’entre elles, indiqué qu’elles participeraient au même nombre de foires qu’avant.
Mais le retour en force des foires ne signifie pas que le secteur reste figé. L’ancienneté de la Brafa (créée en 1956), d’Art Basel (1970) et de Tefaf (1988) pourrait confirmer la formule américaine abrégée en « FISH » (First in, still here), autrement dit : dans le monde des affaires les premiers sont toujours là. Mais, en France, la disparition de la Fiac et de la Biennale des antiquaires rappelle que, pour survivre, il faut être constamment à l’écoute de son marché et innover.
Deux tendances de fond traversent le secteur : le renforcement des leaders au détriment des suiveurs et la multiplication des manifestations de niche, thématiques ou géographiques – par exemple en France, tout récemment : Paris Print Fair, Menart Fair, BAD+ à Bordeaux… De ce point de vue, la concurrence entre la Brafa et Tefaf, qui chassent sur les mêmes terres et au même moment, sera intéressante à observer.
Les arguments que l’on entend souvent, selon lesquels les collectionneurs et marchands seront de plus en plus hésitants à voyager pour réduire leur empreinte carbone et le risque sanitaire, sont séduisants intellectuellement mais pas fondamentalement déterminants. Tant qu’acheter de l’art sera à la fois un marqueur social, un vecteur de patrimonialisation et un plaisir esthétique, les lois du marché continueront à s’appliquer. Si les galeries ne se voient pas proposer d’alternative comparable aux foires, ces dernières ont encore de beaux jours devant elles.
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Le darwinisme des foires
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Le darwinisme des foires