Les galeries d'art craignent une escalade de faillites et les foires de subir violemment les conséquences de la crise du coronavirus, pendant que la profession tente de s'organiser pour y faire face.
"On a tous essayé de serrer les boulons mais c'est l'impression d'un tsunami : la mer se retire et on ne sait pas comment arrivera la vague", résume à l'AFP Emmanuel Perrotin, dont la galerie de stature internationale n'est pas menacée. Mais il s'inquiète de la disparition des petites structures et craint une concentration accrue du marché à l'issue de la crise. "Galeriste, c'est un métier caricaturé pour ses exploits, ses jeux mondains. Mais c'est extrêmement dur et risqué. Nous aidons nos artistes à produire leurs rêves. Il est essentiel de ne pas s'occuper que de ceux qui ont déjà beaucoup de succès. Mais aussi d'ensemencer et d'accompagner les plus fragiles", plaide le marchand d'art implanté en Asie et sur le continent américain.
Marion Papillon, présidente du Comité professionnel des galeries d'art (CPGA), a publié une étude alarmante menée auprès de ses 279 membres : si elles ne bénéficient pas d'un plan d'aide, la fermeture d'un tiers des galeries françaises est à prévoir "dans les douze prochains mois". Leurs pertes ne pourront être compensées par une reprise rapide de l'activité, "les oeuvres d'art étant les dernières choses qu'on recommence à acheter" après une crise.
85% des galeries d'art sont des TPE employant moins de 5 salariés. Des milliers d'emplois leur sont étroitement liés : encadreurs, restaurateurs, commissaires, artisans, régisseurs, éditeurs, juristes, etc..
Emprunts, dettes auprès des artistes, frais de fonctionnement, loyers... Seuls "certains galeristes ont des fortunes personnelles pour pouvoir tenir", affirme Emmanuel Perrotin. Et les ennuis parfois s'enchaînent : "Les galeries du Marais louaient leurs espaces à la Fashion Week. Annulée !"
Quant aux foires, elles génèrent en moyenne 30 % du chiffre d'affaires des galeries : "si les foires sont reportées de 2 à 7 mois, c'est un retour sur investissement reporté d'autant". Alors que la saison haute s'amorce en mars, 74 % des galeries se sont engagées dans 2 ou 3 foires en moyenne durant le premier semestre. A l'absence de ventes, s'ajoutent donc les pertes liées à l'interruption de certaines foires.
Moins de foires ?
Thierry Ehrmann, président d'Artprice, leader mondial de l'information sur le marché de l'art, assure qu'en raison de la crise "deux grands salons ne reprendront pas l'an prochain", sans dire lesquels.
"On peut dire qu'il y a trop de foires", même si "c'est important que beaucoup de galeries puissent accéder à cela", juge Emmanuel Perrotin. Mais "il faudrait quatre évènements par an où le monde de l'art international se retrouve. Et d'autres plus locales", dit-il.
Pour les galeries, l'alternative peut être le basculement sur les plateformes de ventes en ligne. Leurs partisans vantent la qualité des catalogues, les photos très haute définition...
Pour Marion Papillon, "si certaines grosses galeries qui ont des clientèles à l'étranger, la pratiquent depuis quelques années, c'est plus compliqué pour les jeunes galeries. Il faut une expertise, les oeuvres doivent être pensées pour ce type de support". "Offrir une expérience devant l'oeuvre reste très important", insiste Emmanuel Perrotin
Selon le président d'Artprice, "le retard informatique est colossal : 10 à 15 ans de retard pour certaines galeries", notamment en Europe. Il salue une "véritable révolution" à la faveur de la crise dans les galeries des Etats-Unis, où "on veut tout comprendre" des ventes en ligne. "Les ayatollahs du non-numérique ont tous trouvé la lumière !", s'amuse-t-il. Il relève que les maisons de ventes se mettent à migrer sur Internet, à commencer par Sotheby's, chez qui, sur le premier trimestre 2020, les ventes en ligne de fine arts atteignent 6,4 % du produit de ventes.
Cet article a été publié par l'AFP le 19 avril 2020.
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Coronavirus : tsunami en vue pour galeries d'art et foires
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