Depuis cinq ans, ce marché monte en puissance. Il a même littéralement explosé depuis deux ans. Et est loin d’avoir atteint son plafond.
La céramique des années 1950 et 1960 marque une rupture avec la production des années précédentes. De nouvelles formes, matières et couleurs apparaissent, auxquelles s’ajoute l’abandon de la virtuosité technique jusqu’alors recherchée. Si les productions de ces deux décennies sont dans la continuité l’une de l’autre, elles sont néanmoins clairement identifiables. Les années 1950 se caractérisent par des couleurs vives, des formes libres, rondes, s’inspirant de la nature. Les années 1960, elles, se distinguent par un abandon de ces couleurs vives, des pièces plus architecturées, anguleuses et davantage d’abstraction –des évolutions qui naissent dès la moitié des années 1950. C’est aussi le moment où le grès prend le pas sur la faïence. Trois centres de création majeurs produisent des pièces utilitaires (en majorité) et d’autres dites artistiques (bien moins nombreuses) : Paris, avec des artistes comme Georges Jouve, André Borderie, Pol Chambost, Jacques et Dani Ruelland, Valentine Schlegel ou encore Vera Székely ; Vallauris, où travaillent Roger Capron, Jean Derval, Suzanne Ramié (Madoura), François Raty ou Gilbert Valentin. C’est là que Picasso débarque en 1946, donnant un formidable coup de projecteur sur ce village de potiers (sa production constitue un marché à part). Enfin, La Borne et sa région (Cher), avec Jean et Jacqueline Lerat, Robert Deblander, Élisabeth Joulia et André Rozay.
À partir des années 1970-1980, ces céramiques n’intéressent plus personne, hormis quelques initiés, qui commencent à les collectionner. Mais la parution en 2001 chez Norma de l’ouvrage La Céramique française des années 50, de Pierre Staudenmeyer (un des précurseurs avec les collectionneurs Jean-Jacques et Bénédicte Wattel et Anne Lajoix), va faire ressortir de l’ombre cette production. « Grâce à eux, depuis une dizaine d’années, la discipline est devenue une spécialité à part entière. Elle n’est plus considérée comme accessoire au mobilier XXe », souligne le marchand Thomas Fritsch. « Les nombreuses publications sur les céramistes ont boosté le marché et les prix à six chiffres sont de plus en plus nombreux », ajoute Flavien Gaillard, directeur Europe du département Design chez Christie’s. Depuis, des galeries spécialisées ont émergé, des ventes dédiées sont organisées et la discipline est désormais représentée dans les plus grandes foires d’art.
Adjugée 80 000 € (est. 8 000 à 12 000 €)
1. André Broderie - Artiste complet, à la fois peintre et sculpteur, André Borderie est également l’auteur de céramiques émaillées aux formes simples, utilisant notamment de la terre chamottée. D’aspect sculptural, cette lampe évoque une abstraction des formes typique des créations de l’époque. « Les lampes en céramique sont très recherchées actuellement, avec des prix qui s’échelonnent entre 5 000 € et 20 000 à 25 000 € », indique Flavien Gaillard, directeur Europe du département Design chez Christie’s. Des sommes records sont régulièrement atteintes, comme en novembre 2021, avec une lampe Tête à lumière, adjugée 325 000 € chez Christie’s Paris.
Christie’s Paris, 30 juin 2020.
2. Georges Jouve - Il est le plus connu mais aussi le plus coté des céramistes français des années 1950 et 1960. Tout en rondeur, cette pièce exprime sans conteste la volonté d’épure de l’artiste, pour qui jamais la matière ne prime sur la forme. En octobre 2022, une sculpture en céramique émaillée de forme libre, datée de 1951, a été adjugée 341 000 € (hôtel des ventes de la Vallée de Montmorency, à Deuil-la-Barre). Son record reste cependant détenu par une table de salle à manger de forme libre en céramique émaillée, 1950, pièce unique (1,06 M€).
Galerie Jousse Entreprise, Paris.
3. Suzanne Ramié - Elle ouvre son propre atelier à Vallauris, entre Cannes et Nice, en 1938 : l’atelier Madoura (acronyme composé des premières lettres des mots maison, Douly, son nom de jeune fille, et Ramié, son nom d’épouse). Le lieu est ouvert gratuitement à tous ceux qui souhaitent apprendre le tournage. « Pour cette pièce, l’estimation est tout à fait raisonnable, la cote des céramiques françaises continuant de monter », précise Alain Lebreton, fondateur avec Karim Mehanna, de la galerie éponyme, dont l’une des spécialités phares est la céramique du milieu du XXe siècle.
Lebreton Gallery, Monaco.
4. Capron - La réédition augmentée de l’ouvrage consacré à Roger Capron (Norma éditions) sortie le 2 juin est une formidable opportunité pour se pencher à nouveau sur ce céramiste aux multiples facettes. Le galeriste Thomas Fritsch – dont plusieurs pièces sont reproduites dans le livre – organise d’ailleurs une exposition dévolue à l’artiste, dans sa galerie parisienne jusqu’au 29 juillet. Tout le talent de Capron est exprimé dans la forme zoomorphe et l’équilibre de cette pièce, issue d’une série rarissime à fond noir réalisée pour une exposition au Nérolium à Vallauris en 1958.
Galerie Thomas Fritsch-Atrium, Paris.
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Céramique des années 1950 et 1960, une demande très tonique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°766 du 1 juillet 2023, avec le titre suivant : Céramique des années 1950 et 1960, une demande très tonique